samedi 24 mars 2018

Réforme progressiste versus archaïsme clientèliste

Les centristes sont des réformistes progressistes, c’est ce qui les distingue souvent de la Droite et de la Gauche dont le clientélisme conservateur et même parfois réactionnaire et rétrograde les condamne souvent à l’inaction, voire à laisser pourrir les situations comme on peut s’en rendre compte sur nombre de questions qui, à force, de ne pas être traitées, sont devenus des problèmes quasi-insolubles et ont été une des raisons de l’élection d’Emmanuel Macron.
Mais attention, être réformiste ne veut pas dire tout réformer et n’importe comment.
La réforme dans la vision du Centrisme, c’est être constamment dans l’adaptation au réel pour faire en sorte, à la fois, d’accompagner l’évolution de la société et d’améliorer du mieux possible son fonctionnement, non de changer à tout va dans une quelconque vision uniquement idéologique, pour faire correspondre le monde à ses fantasmes.
De même, le Centre privilégie la négociation et le consensus afin de trouver la meilleure solution possible, le meilleur compromis en regard des diverses opinions.
Ce qui ne l’empêche pas, in fine, de prendre ses responsabilités.
En cela, le réformisme centriste est pragmatiste, voire utilitariste et tourné vers l’efficacité.
Bien entendu, ce réformisme est sous-tendu par les valeurs humanistes défendues par le Centre (liberté, égalité, fraternité, respect, solidarité, tolérance, responsabilité) et ce principe essentiel de juste équilibre qui doit éviter que la réforme ne profite qu’à certains et laissent d’autres sur le bord du chemin.
Le Centrisme est inclusif afin de permettre à chacun de vivre ses différences et de pouvoir réaliser au mieux ses potentialités.
Dans ce cadre, le réformisme centriste combat tous les archaïsmes, qu’ils soient des corporatismes, des passe-droits, des dysfonctionnements parce qu’il sait bien que ceux-ci empêchent la vraie réforme.
Aujourd’hui, le gouvernement s’est embarqué dans une longue période de réforme qui correspond au rattrapage de l’immobilisme irresponsable de ses prédécesseurs ou de leurs réformes bâclées.
Ce n’est pas seulement un choix, c’est une obligation.
Il ne fait, en la matière, que suivre la feuille de route proposée aux Français par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017.
Et ces mêmes Français demandent les réformes comme le montrent tous les sondages réalisés récemment.
Dans un des derniers, 41% des personnes interrogées considèrent que les réformes s’engagent «au bon rythme», 24% estimant même qu’elles ne vont «pas assez vite» alors que, 31%  pensent qu’elles vont «trop vite».
Et au moment où les syndicats de la SNCF, entre autres, veulent faire «plier» le Président de la république en utilisant tous les moyens dont certains à la limite de la légalité démontrent leur totale irresponsabilité, bafouant également la volonté populaire qui s’est exprimée dans les urnes au nom d’une légitimité dont on a peine à trouver le début d’un commencement, les sondages montrent que les Français veulent réformer enfin le monde ferroviaire et qu’ils sont favorables à 59% à ce que ce soit fait par ordonnance (procédure dans laquelle, rappelons-le, le Parlement a son droit de regard).
Dans ce «bras de fer» entre, non pas les syndicats et le gouvernement, mais entre l’immobilisme létal et le mouvement salvateur, chacun prend ses marques.
Ainsi, dans un jeu politicien et électoraliste, la Gauche se range derrière les cheminots et les fonctionnaires, deux de leurs derniers bastions électoraux, sans penser une seconde au bien du pays.
Dans un autre registre mais dans les mêmes agissements irresponsables où l’on a peine à voir le bénéfice pour le pays, la Droite se braque devant la réforme des institutions, espérant une politique du pire et un gain électoral.
Des attitudes bien étudiées et analysées par les sociologues.
Devant ces archaïsmes qui ne sont guère à l’honneur de ceux qui les portent, les réformistes progressistes ont toujours su que la bataille serait rude mais que les enjeux en vaillent la peine, non pas pour eux, mais pour toute la communauté et sans être sûr d’en retirer un gain quelconque, notamment électoraliste.
En politique, cela s’appelle le courage.



mardi 20 mars 2018

Mars, triste mois du sacre de deux empereurs

En Chine, Xi est devenu président et premier secrétaire du parti communiste pour cinq ans avant de le devenir à vie à la fin de son second mandat grâce à la réforme de la Constitution qu’il a fait voter et qui lui permet de se représenter indéfiniment, ce que personne n’en doute.
En Russie, Poutine, grâce à la manipulation de la Constitution est au pouvoir depuis dix-huit ans et pourra le demeurer à vie après une nouvelle présidentielle pipeautée et clownesque dans ce que ces termes ont de plus tragiques.
Il a rempilé pour six ans avec plus de 76% des voix, des fraudes pour doper la participation, des opposants interdis de se présenter, une communication devenue propagande, etc. et personne ne doute qu’il trouvera un nouveau subterfuge pour demeurer au pouvoir jusqu’à la fin de ses jours (le premier fut de laisser élire son premier ministre, Medvedev, à sa place en 2008, lui-même devenant alors premier ministre, parce qu’il ne pouvait accomplir plus de deux termes consécutifs…).
Certains verront ici les réminiscences des deux empires communistes de Lénine (et Staline) et de Mao eux-mêmes héritiers de deux empires, le tsariste et celui du Fils du ciel (nom donné à l’empereur chinois).
Ils n’auront pas tort et, de ce point de vue, la continuité est, non seulement, criante mais surtout désespérante et problématique.
Ainsi, après la chute du mur de Berlin après la Perestroïka et la Glasnost, après l’occupation réprimée dans le sang de la place Tienanmen mais le développement économique de la Chine, les deux dictatures les plus sanglantes du XX° siècle (donc de toute l’Histoire…) avec l’Allemagne nazie, le sont redevenues dans les faits.
Certains pointeront la faillite ou, en tout cas, les failles terribles de la démocratie républicaine.
Ils n’auront pas tort sur le diagnostic mais l’analyse de cette faillite et cette faille est souvent fausse.
Ce n’est pas le régime lui-même de la démocratie républicaine qui montre ses limites, ce sont les peuples qui se montrent incapables de s’élever au niveau d’exigence et de responsabilité qu’un régime de liberté et d’émancipation leur demande.
Ce qui pose, on le comprend bien, des questions essentielles.
Et si les deux événements russe et chinois sont autant inquiétants, c’est qu’il est nullement exclu qu’ils puissent un jour prochain se produire dans d’autres pays et même dans certaines démocraties républicaines.
Ce serait un sacré coup de massue et un retour en arrière cataclysmique s’il s’avérait, in fine, que la démocratie ne peut pas s’implanter durablement (en temps historique) dans le monde.
N’oublions pas que la plus vieille démocratie républicaine du monde, les Etats-Unis, n’a pas encore 250 ans, une goutte d’eau dans l’Histoire de l’Humanité.
On connait les solutions pour éviter le pire.
Elles passent avant tout par un peuple plus instruit et capable de prendre des décisions en toute connaissance de cause, un individu mieux formé et informé capable de prendre sa vie en main grâce à une vraie égalité des opportunités, par une société plus juste, par un investissement citoyen plus grand dans le fonctionnement démocratique, dans des alliances et des fédérations mondiales qui empêcheraient les dérives populiste, autocratiques et extrémistes de certains.
Nous n’y sommes pas encore et peut-être encore loin.
Dès lors, tous les défenseurs de la démocratie républicaine (comme les centristes) doivent se mobiliser dans un combat qui sera rude et qui est loin d’être gagné d’avance.
Mais tous les amoureux de la liberté et de la justice savent bien que pour avoir celles-ci, il faut, sans cesse, les protéger de leurs prédateurs fort nombreux et de leurs complices encore plus nombreux sans même parler de ceux qui affirment n’être pas concernés, soit par ignorance, soit par bêtise et qui sont malheureusement légions dans le monde.
Reste qu’il est grand temps de déclarer l’état d’urgence démocratique pour défendre, garder et développer le plus précieux des legs des révolutions américaine et française.


mercredi 14 mars 2018

Nous ne sommes pas trop informés mais trop désinformés!

La démocratie républicaine nécessite des citoyens possédant du savoir et correctement informés.
Ce n’est pas nouveau.
Tous les promoteurs d’un tel régime de liberté ont toujours insisté, à la fois, sur la responsabilité de l’individu et sa capacité à faire des choix.
Et ce qui ferait de lui cette personne responsable et éclairé serait avant tout qu’il soit instruit et informé, d’où la place éminente que l’école a toujours eu dans une démocratie républicaine et que les centristes, depuis Jules Ferry jusqu’à François Bayrou, ont toujours mis en avant de leurs préoccupations.
D’où le rôle éminemment important de tout le système de transmission du savoir, c’est-à-dire l’école et la presse ou, pour faire un clin d’œil à la III° République, l’instituteur et le journaliste.
Nous ne devons jamais oublier que ces deux personnages emblématiques de la démocratie et de la république remplissent des missions de service public et sont essentiels pour la liberté, l’égalité et la fraternité, sans lesquelles pas de respect et de dignité humaine.
On l’a bien vu avec des dictateurs comme Hitler, Staline Mao, pour ne citer que les plus tristement célèbres dont les premières mesures – toujours les mêmes de la part d’une dictature – sont de transformer l’enseignement en endoctrinement et de supprimer la liberté de la presse afin de mettre en place un système de propagande..
On le voit bien, quotidiennement, avec Vladimir Poutine, Xi Jinping, Kim Jong-Un, Bachar Al-Assad, Ali Khameini, Tayyip Erdogan, dans ces régimes où on ne compte plus les journalistes emprisonnés ou assassinés, où les enseignements ne sont souvent que des porte-voix du pouvoir.
Et elles sont constamment menacées dans nos pays démocratiques par des populistes et des aventuriers comme Trump, Le Pen, Kaczynski, Orban, Meuthen, Farage.
L’importance d’une tête bien remplie et irriguée correctement par de bonnes informations est donc primordiale.
Or, avec internet et les chaines d’information en continue, on nous dit surinformés et que cette surinformation tue l’information.
Si cette assertion n’est pas totalement fausse, encore faudrait-il qu’elle soit la réalité que nous vivons.
Ce qui n’est pas du tout le cas.
En fait, nous sommes d’abord sur-mal informés surtout sur-désinformés!
Ici, il faut utiliser les bons termes pour pouvoir saisir et appréhender correctement les problèmes et proposer des solutions justes.
Informer n’est pas désinformer.
Et si la surinformation peut créer de la confusion chez des esprits peu préparés à la mise en perspective d’un nombre de faits importants, la sur-désinformation, elle, par un flot continu de mensonges et de contre-vérités crée l’incapacité de comprendre correctement le monde qui nous entoure et de choisir les comportements adéquats face à la réalité qui est occultée mais aussi par rapport à nos intérêts.
Cette manipulation de nos esprits parvient même à nous tromper et susciter les mauvaises réactions en regard de nos valeurs et de nos principes alors que nous croyons les servir…
L’irruption récente des concepts comme les «fake news», la «post-vérité» ou les «faits alternatifs» ont remis à l’ordre du jour la question, éminemment importante dans une démocratie, de la désinformation.
Mais outre ces concepts mis en œuvre lors des campagnes présidentielles américaine et française (et qui devraient revoir le jour lors des élections législatives américaines de novembre 2018, toujours pilotés par les Russes, selon un rapport du FBI) par des acteurs locaux et internationaux sur internet et plus précisément sur les réseaux sociaux et les sites d’attaques (comme les russes Sputnik et RT), c’est bien toute une conception de l’information citoyenne qui est en jeu.
De ce point de vue, la loi sur les fake news préparée par le président de la république et le gouvernement sera, quoiqu’il arrive, une bien pâle réponse au défi qui est posé (ou une atteinte à la liberté d’opinion si elle va trop loin…) car les médias dits «traditionnels» sont également porteurs de fausse information, de désinformation et de colportage de rumeurs, le tout vieux comme le monde, vieux comme la création des premiers journaux.
Néanmoins, on ne peut que louer la volonté de la ministre de la Culture, François Nyssen, qui veut donner toute sa place à l’enseignement pour contrer la désinformation.
Mais, plus grave et encore venu des Etats-Unis, de faux sites d’information, le plus souvent initié par des membres radicaux du Parti républicain, ont fait leur apparition sur la toile, s’occupant souvent de politique au niveau local en attaquant les candidats démocrates avec des fake news comme dans l’Etat de Rhodes Island où l’une d’elle, affirmant que la candidat démocrate à la mairie de la deuxième ville de l’Etat avait traité ses habitants de «ramassis de racistes», lui a sans doute coûté l’élection (il a perdu avec 145 voix de retard).
Selon les analystes, ces sites dont il est très difficile de remonter l’origine avec l’utilisation de pseudonymes, pourraient être la prochaine étape des fake news qui jusqu’à présent, sur internet, passaient surtout par les réseaux sociaux.
Et la facilité avec laquelle on peut créer ces sites permettraient à tous – dont les Russes – d’inonder la toile avec de fausses nouvelles venues de faux sites d’information…
Sans oublier tous ces trolls payés ou non qui diffusent les fake news pour quelques cents ou pour l’unique volonté de détruire la démocratie républicaine.
79% des Français selon un sondage ont exprimé leur volonté de lutter contre ces fameuses fake news.
Ceux qui prétendent qu’une loi en la matière serait liberticide ou ne servirait à rien, se trompent de combat.
Car la désinformation est bien plus liberticide qu’une régulation de la liberté d’information (branche de la liberté d’expression).
Tromper le citoyen est ainsi souvent beaucoup plus dangereux que de l’empêcher de prendre connaissance d’une nouvelle controversée.
Pour autant, s’il faut sans doute réprimer les informations frauduleuses, les mensonges éhontés et les attaques sans fondement, on n’empêchera jamais la désinformation, la propagande, les fausses nouvelles et les faits alternatifs dans le cadre d’une «post-vérité».
En revanche, on peut réduire leur importance et leur impact, voire les annihilés si l’individu est un citoyen éclairé.
Et celui-ci ne peut exister que s’il a reçu une bonne formation et s’il peut se procurer une information fiable et sérieuse délivrée par des sources identifiables et remplissant une mission de service public (qui cohabitent évidemment avec les médias d’opinion dont il est évident qu’aucun ne doit être interdit ou pourchassé sauf ceux qui appellent au meurtre et qui militent contre le respect et la dignité humaine).
In fine, ce sera toujours, dans une démocratie républicaine, la capacité de l’individu à analyser, à faire un travail critique grâce à son savoir qui lui permettra de choisir ce qu’il veut en toute connaissance de cause et en toute responsabilité.
Cela n’évitera pas les dérives venues des créateurs et des diffuseurs d’information qui sont vieilles comme le monde.
Le progrès dans l’enseignement et l’information n’est pas venu, ne vient pas et ne viendra pas de l’élimination de toutes les tromperies et tous les mensonges, c’est impossible, mais d’individus capables de ne pas en être les victimes, ce qui est largement atteignable.
L’individu instruit et informé est la meilleure réponse à la désinformation.
Mais encore faut-il s’en donner les moyens en n’oubliant pas que c’est une des missions principales, si ce n’est pas la première de tout régime démocratique et républicain.


mardi 6 mars 2018

L’Etat doit être un outil au service des citoyens

Pour le Centrisme, l'Etat n’est ni un Léviathan, ni un danger, ni une mère nourricière mais un outil indispensable pour délivrer un service public afin d’organiser la société au mieux et au profit unique des citoyens dans une logique d’efficacité maximum.
D’où, on le comprend aisément, le besoin de le réformer en France…
D’ailleurs, les Français sont toujours d’accord avec cet impératif et un dernier sondage le confirme (81% sont pour une baisse de la dépense publique que 64%% estiment trop importante et 56% pour une baisse du nombre de fonctionnaires).
Mais l’on sait bien que la réforme de l’Etat est mise en avant par tous les gouvernements depuis des lustres et soutenue par les citoyens jusqu’à ce que l’on entre réellement dans le concret où, tout d’un coup la machine se grippe et chacun des acteurs trouve des motifs impérieux pour ne pas agir ou agir ad minima, voire à se plaindre de ce qu’il a pourtant promis ou demandé!
Même la Cour des comptes qui fustigent sans cesse la dépense publique trop élevée fait ensuite des rapports pour dénoncer le dysfonctionnement des administrations et de leur mission de service public à cause d’un manque de moyen…
C’est un peu le mal français de tout reprocher à l’Etat mais de tout lui demander et de fustiger ses manques de moyen tout en voulant payer moins d’impôts.
Néanmoins, Emmanuel Macron a été élu en partie sur la promesse d’une véritable réforme de l’Etat et l’on attend de lui qu’il la remplisse.
Bien entendu, celle-ci doit inclure une baisse des dépenses publiques (56% du PIB aujourd’hui) et du nombre de fonctionnaires tout en évitant que les services publics essentiels faillissent à leur mission.
Cette apparente quadrature du cercle peut trouver sa résolution dans une réorganisation du fonctionnement des administrations et une réorientation des missions de l’Etat ainsi que leur concentration sur l’essentiel.
Sans en revenir à la vision conservatrice, reprise par l’ultralibéralisme, où l’Etat ne doit s’occuper que de la police intérieure et de la défense du pays face aux menaces extérieures, il est évident que son omnipotence actuelle ne correspond pas à une société de liberté et de responsabilité que souhaitent le Centre et le Centrisme.
On comprend bien qu’il doit s’occuper de solidarité et d’organiser certaines activités comme l’éducation et la santé (face à un secteur privé nécessaire) mais il est aussi évident que le secteur privé, voire en partenariat avec les collectivités territoriales, doit prendre le relais dans nombre de missions remplies aujourd’hui par l’Etat.
De même, la notion de productivité, tant décriée par les syndicats alors même qu’il ne s’agit ici que de la meilleure manière de remplir une mission du mieux possible avec les moyens adéquats, doit être généralisée avec l’idée que ceux qui en font plus pour faire fonctionner l’Etat correctement doivent pouvoir en tirer un profit personnel grâce à la méritocratie dans un contrat gagnant-gagnant.
En outre, on peut tout à fait conceptualiser le fait que certaines missions de l’Etat soient limitées dans le temps alors même que la création d’une nouvelle administration ou d’un nouvel établissement public semble être faite pour l’éternité même quand leur existence ne se justifie plus.
En avril prochain, l’ensemble des ministères présenteront leurs propositions pour rendre l’Etat plus efficace et moins dépensier.
On attend avec impatience les mesures préconisées et celles que retiendront le Président de la république et le Premier ministre.

lundi 5 mars 2018

Le «en même temps» macroniste à l’épreuve des choix et de la réalité

Le «en même temps» macroniste est au cœur de la philosophie politique du nouveau président de la république mais également dans celui de son agir.
Beaucoup ont critiqué cette locution adverbiale comme ne voulant rien dire ou étant fade, une sorte de «néanmoins», de «cependant» ou de «mais» d’indétermination ou d’irrésolution parce qu’elle ne voudrait pas trancher.
Or, c’est bien la décision franche, qui a un sens et indique une direction que l’on espère des politiques.
Pour autant, le «en même temps» peut être interprété de trois manières.
La première est d’affirmer qu’il est un oxymore, comme prétendre qu’une chose est blanche et noire en même temps.
La deuxième est de le présenter comme un non-choix, comme d’éviter l’implication claire et nette en déclarant d’une chose qu’elle est bonne et mauvaise en même temps.
Si l’on peut dire que ces deux premières utilisations du «en même temps» sont négatives en matière politique, la troisième, en revanche, possède un caractère positif.
Ainsi, si l’on explique que dans la situation où un pays connait un fort taux de chômage il faut, en même temps, permettre aux entrepreneurs d’entreprendre et aux travailleurs de travailler, on est dans la signification du «à la fois».
Mais dans un «à la fois» d’équité et pas seulement de concomitance.
Comme lorsque Kant dit: «Agis donc de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen».
Dès lors, ce «en même temps» a bien une signification forte parce qu’il tranche pour la recherche d’un juste équilibre et c’est pourquoi il est profondément centriste.
Cependant, s’il est possible de voir comment il peut s’articuler pour résoudre certaines problématiques ou pour bâtir certaines politiques, dans d’autres domaines, la question se pose de sa capacité à proposer les bonnes solutions, voire, tout simplement à fonctionner.
Car tout n’est pas évident dans le «en même temps» centriste.
Ainsi, le «en même temps» peut facilement s’appliquer dans des situations claires où l’on comprend bien comment il faut agir et où une logique simple peut être mise en œuvre pour apporter des solutions où tout le monde est gagnant (et/ou personne n’est perdant).
En revanche, il est des situations beaucoup plus complexes notamment parce qu’elles résultent souvent de choix qui se contredisent ou d’une absence de prise de décision pendant de nombreuses années où l’on a permis à des antagonismes de cohabiter, où l’on a laissé des oppositions profondes de se créer sans y apporter des remèdes, où se sont accumulées des incohérences.
Ici, à l’épreuve de ce réel, le «en même temps», dès l’abord, se présente comme incapable d’apporter une solution de juste équilibre puisque s’entremêlent des problématiques dont la résolution s’avère, à première vue, insoluble.
L’établissement ou le rétablissement d’un juste équilibre peut alors produire des perdants, non pas pour un temps donné mais de manière qui semble irréversible.
Trois exemples pris dans l’actualité permettront d’illustrer le propos.
On comprend comment cet «en même temps» peut fonctionner pour porter la réforme de la SNCF.
Celle-ci doit permettre, à la fois, de sortir la société d’une dette abyssale (plus de 40 milliards d’euros), d’améliorer le service au public et, tout en garantissant les droits des salariés actuels, de changer le statut des nouveaux embauchés pour que ceux-ci ne soient plus des privilégiés vis-à-vis des autres salariés français.
In fine, il n’y a que des gagnants puisque l’entreprise est sauvée, qu’elle assure un meilleur service et qu’elle continue à embaucher tout en ayant sécurisé la situation de ses salariés.
On a, en revanche, plus de mal à comprendre comment il peut fonctionner en politique étrangère, vu certains choix faits récemment par le Président de la république.
Ainsi, il semble assez compliqué de (re)mettre la France au cœur du concert des nations (au moment où les Etats-Unis sont en retrait et le Royaume Uni en perte de vitesse) tout en demeurant en pointe dans la défense de la démocratie républicaine, en parlant uniquement de ce qui rapproche et en faisant l’impasse sur ce qui fâche, cf. l’absence de discours sur les droits de l’homme à Pékin au moment où le PC chinois rétablit la dictature d’un seul et pourchasse les opposants et l’«amitié» avec le populiste démagogue Trump (qui recevra Macron en visite officielle) qui met en danger la démocratie dans son pays et dans le monde.
La contradiction entre plaire à tout le monde et se battre pour les valeurs et les principes de la démocratie républicaine est impossible ou, en tout cas, il faudra qu’Emmanuel Macron nous démontre comment cet «en même temps» peut fonctionner.
Et on ne voit pas comment celui-ci pourrait, en l’état, s’appliquer dans le problème de l’alimentation.
Comment, en effet, faire en sorte d’allier plus de qualité, plus de rémunération des producteurs, cf. le monde agricole, et de garder des prix bas pour contenter les consommateurs et, surtout, éviter une spirale inflationniste avec revalorisations des revenus agricoles par les prix tout en refusant une augmentation salariale générale génératrice d’inflation.
Aujourd’hui, le système fonctionne ainsi: le consommateur demande des prix bas et, avec l’aval des politiques qui caressent dans le sens du poil les électeurs, la grande distribution les lui garantit en réduisant ses marges mais, surtout, en pressurisant l’industrie agro-alimentaire pour avoir des prix le plus bas possible (par le biais, entre autres, de ses centrales d’achat, des menaces de déréférencement et de la concurrence des produits des distributeurs), cette dernière demandant alors aux producteurs des prix le plus bas possible (quand ce n’est pas directement la grande distribution qui traite directement avec les agriculteurs), faisant en sorte qu’in fine, le monde agricole, dernier maillon de cette chaîne inversée, soit dans l’incapacité de survivre seul et ce sont les aides de l’Etat qui lui permettent de survivre.
Casser ce circuit hautement dysfonctionnel pour ce secteur économique reviendrait à faire au moins un si ce n’est plusieurs mécontents.
Comment dire au consommateur qui a déjà perdu du pouvoir d’achat ces dernières décennies que l’on va augmenter les prix sans augmenter les salaires sans provoquer sa réaction et sa contestation?
Comment dire à l’agriculteur qu’augmenter ses revenus est politiquement difficile et économiquement dangereux, voire géo-stratégiquement risqué (si les prix des produits locaux sont trop chers, ce seront les produits étrangers qui les remplaceront et la fermeture des frontières empêcherait l’exportation des produits agricoles français et entrainerait des représailles des autres pays, voire une dislocation de l’Union européenne avec, comme une des premières victimes, la France…).
On verra comment Emmanuel Macron va s’y prendre puisqu’il a promis au monde agricole la possibilité de sortir de la crise qui le touche sans s’aliéner les consommateurs à qui il n’a, certes pas promis de garantir leur pouvoir d’achat, mais dont il ne peut évidemment pas se désintéresser au risque de l’impopularité et la défaite électorale.
On a là trois exemples actuels qui montrent les situations totalement différentes qui permettent selon la réalité et les choix faits de démontrer l’efficacité du «en même temps», son absence choisie pour un but prédéterminé ou une obligation, et son application quasi-impossible.
Reste qu’il est, malgré les difficultés qu’il peut rencontrer dans certains cas, le moteur le plus efficace, le plus équitable pour régler en général les problèmes.
Mais il est aussi sûr que l’on ne peut pas l’appliquer systématiquement au risque de détruire la philosophie même qui est à son origine et ce uniquement pour des gains politiciens.
Ou alors il faudra une réforme qui dépasse de loin toutes celles entreprises par ce gouvernement, voire par tous les gouvernements depuis des lustres, avec, en plus, l’accord de l’ensemble des Français, voire une très forte majorité d’entre eux (et qu’ils ne changent pas d’avis quand les mesures prises ne seront pas en leur faveur…).
Voilà qui semble hautement improbable.