jeudi 31 mars 2016

Présidentielle USA 2016. Le projet «centriste» des Pères fondateurs était d’éviter un Trump

Les Pères fondateurs des Etats-Unis d’Amérique (dont les principaux sont John Adams, Benjamin Franklin, Alexander Hamilton, John Jay, Thomas Jefferson, James Madison, et George Washington), ces hommes qui ont inventé la démocratie républicaine américaine sont instrumentalisés depuis que le pays existe par tous ceux qui veulent leur faire dire ce qu’ils veulent faire croire qu’ils ont dit afin d’appuyer leurs propres idéologies.
Car leur parole est souvent d’Evangile pour apprécier les soubassements de nombre de textes régissant la vie politique américaine, au premier rang desquels se trouvent évidement la Constitution ainsi que la Déclaration d’indépendance.
On connait, parce qu’il est le plus médiatisé, ce fameux deuxième amendement (mesure donc rajoutée a posteriori) qui légitimerait selon certains le port d’arme dans le pays alors même que les Pères fondateurs, très méfiants à l’égard du peuple et de ses réactions passionnelles et irrationnelles, n’auraient jamais autorisé n’importe qui à se promener avec une arme, a fortiori celles qui circulent aujourd’hui.
Oui, les Pères fondateurs et ceux qui les entouraient à l’époque ne faisaient pas confiance, en très grande majorité, au peuple.
Pour autant, ils voulaient un régime de liberté et ne souhaitaient pas, à part une petite minorité, installer une monarchie ou un régime autoritaire.
Le premier président du pays, George Washington, mis en pratique ce choix politique une fois élu à la présidence du pays en refusant de se présenter plus de deux fois (il n’y avait alors aucune loi interdisant de se présenter autant qu’on le désirait) car il ne voulait pas que les Etats-Unis deviennent une sorte de monarchie républicaine avec un président à vie.
Donc, ils installèrent une démocratie républicaine laïque et représentative avec deux idées principales en tête: une démocratie se mesure aux droits de la minorité et non au pouvoir de la majorité; une république ne peut fonctionner que si aucun pouvoir n’est absolu et donc le pouvoir se partage.
Ce sont ces fameux «checks and balances», ces contrepoids qui permettent d’équilibrer les pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire et même le législatif entre la Chambre des représentants (le peuple) et le Sénat (les Etats fédérés), suivant en cela les préceptes de Montesquieu.
Pour eux, il valait mieux un pays paralysé que dominé par une faction quelconque, fut-elle majoritaire.
Cela permettrait d’éviter, selon eux, une tyrannie du plus grand nombre mais également le populisme et la démagogie.
Si le blocage actuel des institutions avec un président démocrate et un Congrès républicain ainsi qu’une Cour suprême penchant à droite mais pas toujours est la résultante voulue par les Pères fondateurs (même s’ils ne désiraient pas que le gouvernement soit paralysé dans l’absolu, évidemment), ils ont échoué en ce qui concerne le populisme et la démagogie.
Ce fut le cas, une première fois, en 1829 avec l’élection d’Andrew Jackson.
Mais ce fut surtout le XX° siècle qui vit de développer, avec son extension de la démocratie notamment pas l’emprise grandissante des médias, le populisme démagogique, un mouvement qui atteint aujourd’hui son paroxysme mais peut-être pas son apogée…
L’élection de Ronald Reagan en 1980 montrait que l’on pouvait être un acteur de film de série B, faire des publicités pour n’importe quoi, ne pas être vraiment au courant des affaires du monde et se faire élire (même si beaucoup considèrent aujourd’hui que les deux mandats de Reagan furent plutôt une réussite) sur des propos souvent largement populistes et démagogiques, le tout enveloppé dans un discours conservateur et magnifiant l’exceptionnalisme américain et le rêve américain (celui des républicains qui n’est pas exactement le même que celui des démocrates).
Mais, pour beaucoup d’Américains, cette élection prouvait, une nouvelle fois, que n’importe quel citoyen avait l’opportunité («opportunity» est un mot quasi-sacré dans le langage politique étasunien) de devenir l’hôte de la Maison blanche grâce à son travail, ses capacités et à son mérite et que l’on pouvait restaurer la puissance du pays (la perte de celle-ci est une angoisse récurrente qui revient par cycles depuis que les Etats-Unis sont devenus la première puissance mondiale au début du XX° siècle).
De même que l’arrivée au pouvoir d’un Bill Clinton dont la famille venait des basses classes moyennes démontrait la force de la méritocratie américaine selon le discours national alors même que toutes les études montrent que le fameux ascenseur social qui offre une chance à tout le monde ne fonctionne plus depuis des décennies, s’il a jamais réellement fonctionné efficacement, d’ailleurs.
Néanmoins, toutes les nations du monde ont besoin de récits structurants qui permettent de dresser une image positive et rassurante de ce qu’elles sont ou, plutôt, de ce qu’elles croient qu’elles sont.
On peut dire, cependant, que jusqu’à l’élection de George W Bush en 2000 face à Al Gore, les candidats populistes étaient plutôt des exceptions avec Andrew Jackson, Eugene Debs, George Wallace ainsi que Ross Perot, entre autres.
Quant à être élu, on l’a vu, seul Jackson et à un degré moindre Reagan, jusqu’à présent, peuvent être considérés comme des populistes (au sens français du terme).
Depuis 2008 et la première victoire de Barack Obama, les choses sont devenues autres.
Certains prétendent que c’est le réveil de l’Amérique blanche moyenne et basse face à la mondialisation mais surtout face à une société de plus en plus mélangée et cosmopolite où les noirs, les hispaniques, les asiatiques et autres minorités deviennent majoritaires dans le pays face aux blancs qui ont produit une poussée populiste démagogique qui n’a cessé depuis lors de grandir et qui gangrène l’élection présidentielle de cette année.
Un réveil qui est du, il faut le dire également, à la couleur de l’hôte actuel de la Maison blanche.
En cette année 2008, donc, la candidate républicaine à la vice-présidence, colistière de John Mc Cain, Sarah Palin, était une inconnue mais surtout une incompétente notoire, au discours démagogique et populiste enflammé, ancienne gouverneure de l’Alaska et ancienne miss de cet Etat.
Il n’est pas étonnant, d’ailleurs, qu’elle soutienne Donald Trump aujourd’hui.
Le refus des républicains dans leur ensemble de considérer comme légitime la présidence d’Obama permit à tous les mouvements contestataires radicaux de droite de prospérer et d’être constamment sous le feu des médias, un peu comme le furent les mouvements contestataires radicaux de gauche à la fin des années 1960 et au début des années 1970 mais pour des motifs bien différents.
Dès lors, la machine à produire de la démagogie et du populisme était lancée, avec d’autant plus d’énergie qu’elle était soutenue par un des deux grands partis américains pour des motifs autant idéologiques qu’électoraux.
Tout cela a abouti, in fine, aux candidatures de Donald Trump et Ted Cruz du côté républicain et de Bernie Sanders, du côté démocrate pour les primaires qui se déroulent actuellement.
Evidemment, Trump, Cruz et Sanders font des promesses bien différentes et leurs propos sur l’état des Etats-Unis sont souvent diamétralement opposés.
Cependant, ils partagent un discours populiste et démagogique (celui de Sanders vient notamment du mouvement Occupy Wall Street) qui promet l’impossible et leurs déclarations attisent intentionnellement les passions et les préjugés des électeurs – les plus inavouables pour Trump – au lieu d’user d’arguments raisonnables pour s’adresser à leur intelligence.
Si Ted Cruz et Bernie Sanders font planer un grave danger sur la démocratie, Donald Trump est celui qui représente la menace la plus grande.
Bill Malher, l’humoriste de gauche très engagé politiquement, vient ainsi d’apporter son «soutien» à Cruz contre Trump dans la course à la primaire républicaine, en expliquant qu’avec Ted Cruz, les Américains auront le pire président jamais élu mais qu’avec Donald Trump, ils auront le dernier de la démocratie américaine…
De nombreux articles ont été publiés sur cette menace que fait peser Trump et qu’avaient voulu éviter les Pères fondateurs.
Comme l’éditorial du politologue Michael Gerson dans le quotidien Washington Post intitulé «Trump est le démagogue que nos Pères fondateurs craignaient» en rappelant que ces derniers avaient peu d’attrait pour la «’pure démocratie’ dont ils pensaient qu’elle était particulièrement vulnérable face aux démagogues. ‘Les hommes de tempérament factieux, aux préjugés locaux ou aux sinistres desseins’, dit le numéro dix du Fédéraliste (ndlr: articles rédigés par certains des rédacteurs de la Constitution américaine pour expliquer le système politique mis en place), peuvent, par l'intrigue, par la corruption ou par d'autres moyens, d'abord obtenir les suffrages du peuple, puis trahir leurs intérêts’. Un gouvernement représentatif est conçu pour contrecarrer les majorités aux sinistres desseins, par la médiation de l'opinion publique par ‘un organisme choisi des citoyens, dont la sagesse peut mieux discerner le véritable intérêt de leur pays’».
C’est, bien sûr le Congrès avec la Chambre des représentants et le Sénat, qui met en pratique le système représentatif mis en avant par Sieyès, en France quelques années plus tard, lors de la première phase de la Révolution française.
Le problème semble que ce système représentatif ne puisse pas empêcher à tous les coups un populiste démagogue d’être élu.
Il est sûr que toute l’architecture bâtie pour privilégier la modération, le consensus et le compromis, reposant sur un équilibre des pouvoirs et une représentation pour barrer la route aux passions populaires, sera très endommagée si Trump est élu.
Mais aussi si c’est Sanders ou Cruz qui le sont
Doit-on être inquiet? Certainement.


Alexandre Vatimbella


dimanche 20 mars 2016

Le choix centriste de Barack Obama pour la Cour suprême

Si on l’avait oublié, Barack Obama est un centriste assumé qui souhaitait que la vie politique américaine, sous sa présidence, devienne «post-partisane», c’est-à-dire que le gouvernement se fasse sur des majorités consensuelles d’idées selon les cas et non plus sur des blocs antagonistes, même s’ils pouvaient faire des compromis sur certains sujets de manière «bipartisane».
Ce consensus d’un nouveau genre a été enterré par les républicains dès après l’investiture d’Obama en janvier 2009.
A la place, lors d’une réunion à Washington, les leaders républicains ont décidé d’une guérilla de tous les instants, d’un blocage systématique et d’attaques qui ont permis la création du mouvement Tea party qui a réuni ensemble tous les populistes et les extrémistes de droite que compte l’Amérique, aboutissant aujourd’hui à ce que le primaire républicaine soit dominée par un populiste démagogue, Donald Trump, et un conservateur proche de l’extrême-droite, Ted Cruz.
Une sorte de retour à l’envoyeur qui met l’establishment républicain dans tous ses états…
Il faut rappeler ici que cette stratégie de la terre brûlée a été adoptée en premier lieu pour faire échec à ce président à la popularité alors énorme et qui menaçait, par sa main tendue, tout l’édifice que les ultraconservateurs républicains avaient patiemment mis en place depuis la présidence Reagan dans les années 1980, voire depuis la présidence Nixon dix ans plus tôt, pour déporter définitivement l’Amérique à droite toute et délégitimer le plus possible les démocrates mais également tous les centristes, qu’ils soient démocrates ou républicains.
Dans le même temps, Barack Obama a du, faute d’ouverture, se rabattre sur l’unique Parti démocrate pour gouverner, ce qui l’a parfois légèrement déplacé au centre-gauche notamment après 2010 lorsque les démocrates ont perdu la majorité à la Chambre des représentants et, surtout, après 2012 avec la perte du Sénat.
Néanmoins, il a gardé les fondamentaux de sa ligne politique centriste, celle qu’il prêchait déjà dans ses ouvrages alors qu’il n’était même pas candidat à la présidence.
C’est pourquoi, son choix du juge Merrick Garland, un centriste reconnu, pour remplacer le juge d’extrême-droite Antonin Scalia à la Cour suprême qui vient de décéder, ne peut qu’étonner ceux qui se sont toujours trompés (ou trompent la population) sur Obama en le présentant comme un homme de gauche et un activiste «liberal».
Ici aussi il faut faire un rappel en n’oubliant pas que le sénateur socialiste Bernie Sanders, candidat à l’investiture démocrate face à Hillary Clinton, a été maintes fois un critique d’Obama et qu’il souhaitait même une primaire en 2012 avec un candidat de gauche face à ce dernier qu’il a toujours considéré comme un centriste.
Bien entendu, le président des Etats-Unis savaient qu’il devait choisir un homme modéré afin de tenter de lézarder puis de faire voler en éclats le véto des leaders républicains sur toute nomination à la Cour suprême, le Sénat, à majorité républicaine, devant confirmer le choix du président.
Le plus extraordinaire pour bloquer la machine démocratique a été le motif utilisé par le Parti républicain.
Quittant la Maison blanche en janvier prochain, Barack Obama ne devrait plus rien faire sauf gérer les affaires courantes!
Surtout, il ne devrait pas nommer un juge à la Cour suprême.
Une lecture totalement aberrante de la Constitution et contraire à l’état de droit démocratique mais qui ne semble pas perturber du tout la majorité des républicains, ce qui est sans doute le plus grave dans une démocratie républicaine.
Toujours est-il que Merrick Garland, juge à la Cour d’appel du district de Columbia, ne souffre d’aucun doute sur ses capacités, son expérience et ses qualités.
En outre, sa réputation de centriste ne peut que renforcer une institution que de plus en plus d’Américains estiment être devenue totalement partisane et donc plus du tout au-dessus de la mêlée même si elle ne l’a jamais vraiment été dans les faits.
Et même si l’on peut penser que le choix de M. Garland n’aurait peut-être pas été celui du président s’il avait eu la majorité au Sénat, il faut louer cette initiative.
Tout en ne jouant pas à l’ingénu.
Il est évident qu’Obama sait que son choix a mis le Parti républicain dans l’embarras.
D’une part, parce que Merrick Garland avait été proposé précédemment par certains républicains pour être juge à la Cour suprême.
D’autre part, parce qu’en fermant la porte à un homme de qualité, les républicains vont une nouvelle fois apparaître comme des idéologues bornés dont le seul but est d’empêcher les institutions de fonctionner normalement.
Et ce en une année électorale où, non seulement, la présidence du pays est en jeu mais également la majorité au Sénat qui pourrait bien rebasculer en faveur des démocrates (cela semble beaucoup plus difficile pour la Chambre des représentants dominée largement par les républicains grâce à des redécoupages de circonscriptions qu’ils ont décidé et qui les avantage outrageusement).
C’est pourquoi l’on a vu certains sénateurs républicains qui vont se présenter à l’élection de novembre (le Sénat se renouvèle par tiers), déclarer qu’ils s’entretiendraient avec le juge Garland, ce qui pourraient préfigurer une ouverture dans l’examen de sa nomination, ce que veulent éviter à tout prix les leaders du parti.
Pourquoi cet acharnement à tout bloquer, in fine?
Parce que la Cour suprême, avant le décès de Scalia, sur ses neuf membres, en comptait cinq conservateurs ou ultraconservateurs et quatre centristes ou de centre gauche, ce qui permettait souvent de dessiner une législation et une jurisprudence très conservatrice voire réactionnaire ainsi que de laisser la porte ouverte à toutes les initiatives que pourraient prendre un président républicain élu en novembre, notamment sur l’annulation de la loi sur l’assurance santé, sur l’interdiction de l’avortement, sur l’interdiction du mariage gay, sur l’extension du droit de port d’arme, sur le retour en force de la religion à l’école avec les théories créationnistes, etc.
Et la Cour suprême peut encourager ou autoriser toutes ces mesures car sa compétence s’étend sur tous les cas relevant de la Constitution et des lois du pays (fédérales et étatiques) ainsi que des traités conclus par les Etats-Unis.
Concrètement, elle décide si une loi peut ou non s’appliquer (elle ne peut l’abroger mais sa décision s’impose à tous les tribunaux du pays) en la déclarant constitutionnelle ou non.
De même, elle décide si une situation de fait ou un jugement d’un tribunal, en l’absence d’une loi, est conforme aux droits fondamentaux des citoyens tels qu’ils sont définis par la Constitution si elle est saisie à cet effet.
On voit donc son rôle crucial, dénoncé dès sa création par certains comme inconstitutionnel et aboutissant à un gouvernement des juges, et la raison pour laquelle les républicains tiennent tellement à y rester majoritaires.
Mais quoi qu’il arrive dans cette affaire, Barack Obama sera demeuré tout au long de son mandat, un président centriste, non pas par nécessité comme beaucoup l’on fait aux Etats-Unis et ailleurs, mais par conviction.

Alexandre Vatimbella




samedi 19 mars 2016

La démocratie du XXI° siècle au défi du populisme

De Platon et Aristote aux Pères fondateurs des Etats-Unis (Jefferson, Adams, Hamilton) et au théoricien de la Révolution française, l’abbé Sieyès, en passant par Bodin et Hobbes, Locke et Montesquieu, les philosophes et penseurs politiques se méfient des passions populaires.
C’est la raison pour laquelle ils se méfiaient corollairement de la démocratie, l’originale dont parle l’Antiquité grecque, celle où le peuple gouverne et décide directement, celui où il légifère et exécute en même temps.
On pensait avoir trouvé la solution la plus sage avec la construction intellectuelle de la démocratie représentative, avec Sieyès, Kant et quelques autres dans une articulation où le vouloir et le pouvoir n’étaient pas interdépendants mais aussi, bien sûr, avec les débuts prometteurs de la république des Etats-Unis d’Amérique où les Pères fondateurs avaient imaginé un système où les pouvoirs se bloquaient entre eux afin d’éviter que la majorité ne devienne tyrannique afin de protéger la minorité, car la démocratie républicaine s’apprécie aussi et surtout à l’aune des droits de la minorité.
Comme le résume fort bien Albert Camus, «La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité.»
La Révolution française, dans un premier temps, avait voulu s’inscrire dans une telle démarche avant qu’elle ne dérape, en partie, par ces passions populaires dévastatrices.
Car c’était sans compter sur les populistes et les démagogues qui s’adaptèrent dès le départ fort bien à ce nouveau système pour demander au peuple de les élire en leur promettant le beurre et l’argent du beurre dans des discours enflammés et agressifs, voire plus.
Mais l’on croyait tout de même que le populisme disparaitrait au fur et à mesure que la démocratie s’installe et mûrisse avec des peuples qui, petit à petit, grâce à l’éducation, à l’information et au progrès social et technique, s’approprient le fameux couple liberté-responsabilité afin que tout cela aboutisse à un gouvernement harmonieux et raisonnable, ce fameux juste milieu de Confucius, cette fameuse médéité d’Aristote.
On avait oublié, même si Tocqueville nous l’avait expliqué avant d’être un peu oublié puis justement redécouvert, que la démocratie est moins une question de liberté pour le peuple que d’égalité et que l’équilibre fondamental liberté-égalité penche le plus souvent vers une demande populaire d’égalité au détriment de la liberté, ce que nous disaient déjà Platon.
Ainsi, en ce début de XXI° siècle, la démocratie républicaine représentative se trouve toujours à la merci du populisme comme elle l’était au temps d’Athènes.
Que ce soit en Amérique du Sud avec les Chavez (Venezuela), Morales (Bolivie), Kirchner (Argentine), ou en Europe avec les Orban (Hongrie) ou les Tsipras (Grèce), les populistes sont ou ont été au pouvoir pour le plus grand malheur de leurs peuples qui les avaient choisis démocratiquement.
Certains ont coulé l’économie de leurs pays, d’autres n’ont pas été capables de les sortir de leurs difficultés qui les avaient portés au pouvoir.
Sans parler des limitations de la liberté, les bouc émissaires et les relents de xénophobie où toutes les difficultés viennent évidemment des autres ou d’ailleurs, de ces ennemis extérieurs et de leurs relais intérieurs.
Et l’on a vu fleurir ces dernières décennies avec une accélération récente, un peu partout, sur le même principe et avec les mêmes discours, des organisations populistes plus ou moins extrémistes comme Podémos (Espagne), le Mouvement cinq étoiles (Italie), le Front national et le Front de gauche (France), Ukip (Grande Bretagne) Pegida et l’AFD (Allemagne) ainsi que des hommes qui surfent sur cette vague comme Donald Trump et Bernie Sanders aux Etats-Unis.
En cette année 2016, le populisme, la démagogie et l’extrémisme se sont à nouveau coalisés pour attaquer les fondements, les principes et les valeurs de la démocratie républicaine comme une sorte de retour en arrière mécanique qui fait parfois douter que les peuples aient jamais appris quoi que ce soit, ni même qu’ils aient ouvert un livre d’Histoire.
Il est fort possible que le populisme et la démagogie soient éternels.
Il est même, fort possible, que ce soit également mais pas seulement, une résultante de la démocratie républicaine qui permet aux passions, aux intérêts personnels et aux frustrations, légitimes ou non, de s’exprimer dans la rue et dans le bulletin de vote, de voir des aventuriers s’en emparer et nombre d’individus leur faire confiance.
Cela n’empêche pas qu’il faut une lutte résolue et sans concession de la part des vrais démocrates et des vrais républicains contre ces deux tares, ces deux dangers qui ont produit et produisent tant de catastrophes au cours des siècles et particulièrement au XX° siècle même si le XXI° est malheureusement en train de suivre son prédécesseur en la matière.
Et le Centre doit être au cœur de cette résistance au populisme au nom de ses valeurs humanistes, au nom de son principe de juste équilibre, au nom de sa défense de la liberté.
Les partis centristes se doivent d’être en première ligne pour défendre la démocratie républicaine.
Car, si Winston Churchill disait «Le meilleur argument contre la démocratie est fourni par une conversation de cinq minutes avec l'électeur moyen», il affirmait dans le même temps, «La démocratie est le pire des régimes – à l'exception de tous les autres déjà essayés dans le passé».

Alexandre Vatimbella




samedi 5 mars 2016

Présidentielle USA 2016. Trump n’est que la résultante des outrances et dérives des républicains

Lorsque Marco Rubio affirme qu’avec Trump le parti républicain n’est plus celui de Lincoln et de Reagan, il a tort.
Cela fait longtemps que les républicains n’ont plus rien à voir avec Abraham Lincoln, une des deux grandes figures centristes du parti avec Theodore Roosevelt.
C’est tellement vrai que Barack Obama a pu s’approprier les deux hommes et se revendiquer de leur filiation sans que les républicains n’esquissent la moindre protestation ou controverse à ce propos.
Ils auraient alors certainement été accusés d’être de gauche par une grande partie de leur électorat!
Aujourd’hui, le Parti républicain est le digne fils naturel de celui mis en place dans les années 1980 par Ronald Reagan, ancien admirateur de l’extrémiste de droite Barry Goldwater, et qui trouva son positionnement radical dans les années 1990 en s’opposant de toutes ses forces à Bill Clinton, essayant même de le déchoir de sa fonction de président du pays, grâce à des hommes comme le speaker de la Chambre des représentants, Newt Gingrich.
L’idée était alors de mettre en place un conservatisme rétrograde afin d’attirer l’électorat de la soi-disant majorité silencieuse identifiée à la fin des années 1960 par Richard Nixon, celle qui s’opposait fermement à la modernité ainsi qu’aux programmes sociaux et aux droits civiques qui reconnaissaient enfin concrètement les droits égaux de la communauté noire qui avaient été la conséquence de la victoire du Nord sur le Sud lors de la Guerre de sécession (appelée fort justement Guerre civile aux Etats-Unis), victoire avant tout… du républicain Abraham Lincoln!
Il faut se rappeler avec quelle hargne les républicains d’alors (et dont faisait partie John Kasich présenté aujourd’hui comme le plus modéré des candidats à la primaire républicaine) ont attaqué Bill Clinton, essayant comme on l’a dit de le destituer mais aussi en s’opposant systématiquement à toutes ses initiatives quand ils le pouvaient et l’insultant allègrement.
C’est de cette époque que date cette idée largement répandue dans l’électorat républicain que tout élu démocrate est illégitime, ce qui a permis des attaques d’une violence inouïe contre les candidats à la présidentielle comme Al Gore ou John Kerry.
Attaques qui sont devenues encore plus violentes vis-à-vis de Barack Obama depuis 2007 mais aussi, bien entendu, Hillary Clinton.
Quand on voit Donald Trump insulter les autres candidats à la primaire républicaine ainsi que tous les républicains qui ne sont pas d’accord avec lui, sans parler de tous les démocrates sans exception et particulièrement Barack Obama (dont il conteste toujours la légitimité parce que selon lui il n’est pas Américain) ainsi qu’Hillary Clinton (dont il estime qu’elle devrait être en prison), il ne fait que reprendre les pratiques et les discours haineux et primaires des républicains depuis près de trois décennies.
De ce point de vue, il n’est que la résultante de toutes les dérives des républicains.
Le problème, pour ces derniers, n’est pas qu’il insulte, qu’il mente et qu’il soit un personnage grossier.
S’il était de cet acabit mais dirigeait ses diatribes contre les démocrates uniquement, il serait célébrer comme un «vrai» républicain comme l’est l’extrémiste droitier Ted Cruz qui agit à peu près comme lui.
Mais voilà qu’il s’en prend avec la même violence aux républicains ainsi qu’aux populations dont ils ont besoin pour pouvoir emporter la présidentielle, en particulier la population hispanique.
C’est là qu’il devient l’homme à abattre par l’establishment républicain comme on l’’a vu avec le discours du candidat républicain à la présidentielle de 2012, Mitt Romney, qui, le 3 mars dans l’Utah, a attaqué Trump tout azimut, en déclarant:
«Voici ce que je sais: Donald Trump est un imposteur, une fraude. Ses promesses sont aussi sans valeur qu'un diplôme de l'Université Trump (ndlr: fondée par Trump et qui est attaquée par certains anciens étudiants qui estiment avoir été escroqués). Il prend les Américains pour des pigeons. Il veut un tour gratuit pour la Maison Blanche mais c’est un fauteur de troubles (…) La malhonnêteté est la marque de fabrique de Donald Trump (…) (ainsi que) L'intimidation, l'avidité, la posture, la misogynie et la théâtralité absurde sortie d’une école primaire.»
Des propos qui, rappelons-le sont à l’encontre d’un homme du même parti et qui est largement en tête de sa primaire qu’il a toutes les chances de pouvoir remporter!
Bien évidemment, Donald Trump a répondu avec agressivité lors du débat entre prétendants républicains le soir même à Detroit devant les caméras de Fox news, tout en continuant les insultes et les mensonges.
Mais il n’est plus le seul.
Les deux candidats d’origines cubaines, Marco Rubio et Ted Cruz, qui veulent incarner la résistance et le recours face à Trump, ont rivalisé dans les attaques personnelles, Rubio sous-entendant que Trump avait un petit pénis parce qu’il avait des petites mains et Trump lui répondant qu’il n’avait pas de problèmes de ce côté-là…
Attaques qui ne leur posent pas autant de problèmes éthiques que cela puisqu’ils agissent ainsi depuis des années face aux démocrates en tant qu’hommes issus du mouvement du Tea party qui comparait Obama à Hilter, Staline et le joker de Batman avec les qualificatifs qui allaient de pair.
Seul John Kasich a eu un comportement digne d’un candidat à la présidence de la plus grande puissance mondiale mais il a très peu de chances de pouvoir l’emporter.
Dès lors, Donald Trump n’est sans doute par un vrai conservateur mais est certainement le produit des conservateurs qui peuplent désormais le Parti républicain qui, s’ils ne sont pas tous des populistes démagogues comme l’est le promoteur immobilier newyorkais, n’ont pas hésité à puiser allègrement dans ce registre au cours des dernières décennies – avec le soutien indéfectible de la chaîne de télévision Fox news qui, quand elle ne relaye pas complaisamment les attaques les créent –, pour s’attacher toute cette partie de l’électorat réactionnaire et intolérant, dont une grande partie pense que l’esclavage n’était pas un crime et, même pour certains, qu’il faudrait y revenir...
Alors, avant de redevenir le parti d’Abraham Lincoln, le Parti républicain a un long chemin à faire, monsieur Rubio.
Et, pour une fois, ce n’est pas de la faute de Donald Trump.

Alexandre Vatimbella



vendredi 4 mars 2016

Avant de dégoûter les Français du Centre, l’UDI devrait se saborder

Devant le spectacle misérable que nous offre l’UDI actuellement, comme centriste, j’en viens à espérer sa disparition du paysage politique pour le bien du Centre et du Centrisme.
Soi-disant créée pour représenter le Centre indépendant, la confédération de petits partis aux leaders aux dents aussi longues qu’est leur opportunisme n’en finit de se ridiculiser devant l’inanité de son fonctionnement et les demandes au grand frère de la Droite, LR, des sièges et des faveurs.
Le plus affligeant demeure les petites luttes intestines d’individus qui font d’abord passer leurs inimitiés personnelles avant le bien du parti, on ne parle même pas du Centre ici tellement les règlements de compte volent bas et qu’ils ne concernent en rien le Centrisme, son sens de la responsabilité et ses valeurs humanistes.
Quelques exemples parmi tant d’autres.
La haine d’Hervé Morin pour Jean-Christophe Lagarde est tellement forte qu’il est en train de détruire l’UDI tout en faisant constamment référence à Jean-Louis Borloo alors que ce dernier n’avait aucune estime pour lui et qu’il le lui rendait bien.
Ses dernières sorties sur le «candidat naturel de l’UDI» qu’est Jean-Louis Borloo qui devrait représenter le parti à la primaire de la Droite et du Centre est d’une hypocrisie digne d’un politicien.
Yves Jégo est tellement rancunier qu’on ne lui ait pas offert des postes à la hauteur de son opportunisme légendaire qu’il a pris fait et cause pour Bruno Le Maire alors qu’il affirmait auparavant militer pour une candidature indépendante de l’UDI à la présidentielle et avant même que celle-ci se prononce alors qu’il en est le premier vice-président.
Mais c’est vrai qu’avec lui, la vérité du jour n’est pas celle d’hier et encore moins celle de demain.
Jean Arthuis tente si désespérément d’exister depuis qu’il a perdu son fauteuil de président de la commission des finances du Sénat (et qu’il a quitté la haute assemblée pour le Parlement européen), qu’il vient d’annoncer sa candidature à la primaire de LR court-circuitant sans états d’âmes l’UDI avec son micro-parti, l’Alliance centriste, qui se voulait autrefois le rassembleur des centristes.
Je passerai sur les coups tordus et les tristes postures de Rama Yade contre son soi-disant camp (bien qu’elle ait toujours affirmé n’être pas centriste) qui se voyait en haut de l’affiche simplement parce qu’un jour Nicolas Sarkozy l’avait faite ministre.
Je ne parle même pas de Maurice Leroy ou de François Sauvadet qui, si on écoute leurs déclarations, semblent être membres de LR depuis le temps où celui-ci s’appelait encore l’UMP.
Et j’attribue une mention spéciale à l’obscure Yves Pozzo di Borgo, sénateur de Paris, qui porte des t-shirts insultant Barack Obama, un centriste, et fait l’éloge d’un Vladimir Poutine, sans doute pas un centriste, pour ridiculiser les centristes avec ses tweets et son usage erratique des réseaux sociaux.
Et puis il y a le chef – bien que beaucoup lui dénie cette fonction – Jean-Christophe Lagarde qui navigue à vue, incapable d’insuffler une ligne directrice cohérente à l’UDI, incapable en tant que président du parti de dire s’il est pour ou contre une candidature indépendante à la présidentielle, l’élection la plus importante pour un parti en V° République, et dont les sorties médiatiques dérapent souvent sur des propos radicaux et mal maitrisés.
Du coup, on ne peut que se demander si Jean-Christophe Fromantin n’a pas eu raison de quitter un parti à la dérive et sans doute sans avenir à moins d’un grand sursaut dont on ne voit pas d’où il pourrait venir.
Bien sûr, monsieur Fromantin est un loup solitaire aux ambitions personnelles et à certains positionnements plus proches de madame Boutin et monsieur Poisson du Parti chrétien démocrate qui flirte parfois avec le Front national.
Mais il avait des idées ainsi que des compétences et nombre de valeurs humanistes et il a compris qu’elles ne servaient à pas grand chose dans ce lupanar qu’est devenu l’UDI.
Un constat désabusé que Jean-Louis Borloo, créateur de la confédération, avait également fait avant lui.
Oui, comme le dit François Bayrou, le Centre est à reconstruire et à unifier.
Je ne sais pas s’il est le plus qualifié comme il le dit pour mener cette tâche à bien.
Tout ce que je sais c’est qu’elle est urgente et que cela passe certainement par la disparition de l’UDI comme elle fonctionne aujourd’hui.
Pour le bien du Centre et du Centrisme, si ces mots veulent encore dire quelque chose chez ceux qui s’en réclament.


Alexandre Vatimbella


mardi 1 mars 2016

L’autre ennemi du Centre: le populisme

Les centristes sont en pointe dans la lutte contre l’extrême-droite et l’extrême-gauche de par leurs valeurs humanistes et leur vision d’un monde qui en découle.
C’est un de leurs combats et il faut s’en féliciter quand on voit la Droite et la Gauche céder à périodes répétées aux sirènes de l’extrémisme et de la radicalité pour de sordides raisons clientélistes et électorales.
Mais le Centre a un autre ennemi qui peut être tout aussi redoutable, le populisme, qu’il soit de gauche ou de droite.
Celui-ci emprunte souvent des postures, des discours et des positionnements aux extrêmes.
Il suffit de se rappeler le parcours d’un Jean-Marie Le Pen, avant tout populiste démagogue quand il est député poujadiste dans les années 1950 et qui n’a aucun mal à se muer en leader d’extrême-droite par la suite.
Cette simple proximité montre que les deux combats du centre vont de pair.
D’ailleurs, ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis en cette année électorale le confirme ainsi ce qui pourrait se passer dans les mois à venir en France en prévision de la présidentielle de 2017.
Le dernier débat entre les prétendants républicains à la candidature de leur parti pour l’élection du 8 novembre prochain le confirme.
Devant un auditoire chauffé à blanc et galvanisé par les attaques de bas étage, les téléspectateurs américains ont été les témoins de tous les dérapages de ce populisme (au sens français et non américain) démagogique que porte Donald Trump mais aussi de ses similitudes avec l’extrémisme droitier d’un Ted Cruz.
Les deux hommes – bien aidés par le troisième larron, le conservateur radical Marco Rubio – ont ainsi rivalisés dans les grossièretés, les mensonges, les programmes démagogiques et dangereux et la focalisation sur les personnes plutôt que sur les politiques à suivre.
Mais cette dérive populacière n’est pas qu’à droite de l’échiquier politique américain.
On le trouve aussi du côté du Parti démocrate avec Bernie Sanders qui flatte tout le ressentiment d’une partie des sympathisants et des militants d’une formation dont il n’est même pas membre par des discours populistes et un programme démagogique avec cette chasse aux sorcières contre ces fameux «billionaires» (milliardaires).
En France, on a les groupies de ces populistes démagogues.
Ces «mèmes» sont, à droite, Marine Le Pen pour Donald Trump, à gauche, Jean-Luc Mélenchon pour Bernie Sanders.
Ces deux personnalités françaises cumulent un positionnement aux extrêmes et des postures ainsi que des discours populaciers et démagogues.
D’autant que, comme d’habitude, les rapprochements entre les extrêmes se révèlent.
Les insultes assumées d’un Mélenchon (mais aussi celles, non assumées, d’un Sarkozy) ressemblent à celles d’un Trump.
Les diatribes contre l’establishment politique d’une Le Pen résonnent fortement comme celles d’un Sanders.
L’important pour les centristes, c’est de ne jamais oublier que, tout comme les extrémismes, les populismes sont des ennemis de la démocratie républicaine et des valeurs humanistes.
Et que, dans l’Histoire, les populistes sont souvent ceux qui ont préparé l’avènement des extrémistes et de leurs dictatures.


Alexandre Vatimbella