vendredi 23 décembre 2022

Mieux vaut vivre dans une démocratie imparfaite que dans pas de démocratie du tout

La démocratie républicaine est un édifice en construction continue, sans cesse en émulation mais également en confrontation constante avec à la réalité afin de faire prévaloir ses valeurs, ses principes, ses règles et son vécu face aux agressions dont sont en permanence victime la liberté, l’égalité et la dignité humaine.

Quoiqu’il arrive et quelle que soit la situation, le plus important est que la démocratie républicaine ne doit jamais devenir ce travers dans lequel nous la contenons trop souvent: une simple incantation.

Cela signifie qu’elle doit être à même de réaliser ses promesses.

Or, si plusieurs ont été réalisées, plus ou moins pleinement, plus ou moins parfaitement, nombre de celles-ci demeurent encore virtuelles par notre faute.

Il ne s’agit même pas que nous approfondissions la démocratie telle qu’elle a été définie depuis trois siècles – ce qui peut néanmoins se justifier dans certains domaines –, juste que nous la pratiquions correctement.

Bien sûr, la démocratie moderne est récente, elle n’a pas encore 250 ans et ses premiers balbutiements n’étaient évidemment pas toujours en phase avec ses valeurs affichées.

Aux Etats-Unis, les citoyens actifs n’étaient ni les Amérindiens, ni les Afro-américains ainsi que les femmes (qui toutefois étaient, elles, au moins, des citoyennes passives).

En France, l’épisode de la Terreur et la récupération du mouvement par Napoléon pour se faire sacrer empereur sont des exemples de ses débuts chaotiques lors de la Révolution.

Mais heureusement des évolutions et des progrès ont eu lieu avec des principes fondamentaux de mieux en mieux appliqués et mieux respectés.

Reste que nous vivons actuellement dans une démocratie inaboutie.

Pour autant, il faut affirmer sans ambages que mieux vaut vivre dans une telle démocratie, si imparfaite soit-elle, que dans pas de démocratie du tout.

Parce qu’un démocratie incomplète, voire même fragmentaire, fait sienne les valeurs humanistes qui défendent la dignité humaine et le respect de la personne.

Parce qu’une démocratie inachevée demeure sans contestation possible le seul régime accueillant pour la liberté et l’égalité.

Et si elles doivent donc être améliorées dans une telle configuration, elles n’appartiennent qu’à la démocratie.

Tous ceux qui prétendent pouvoir les apporter par l’établissement d’un autre régime sont des menteurs et souvent des défenseurs de régime en réalité liberticides et inégalitaires.

La tâche de tous ceux qui poursuivent l’idéal d’une société qui met la dignité humaine au-dessus de tout, donc qui garantit la liberté et l’égalité à tous ses membres, n’est pas de remplacer la démocratie mais de travailler encore et encore, sans relâche – parce que rien n’est donné et rien ne dure sans cet engagement – à l’amélioration de ce qu’elle est pour qu’elle soit enfin digne de l’idéal dont elle est le seul moyen véritable.

Alexandre Vatimbella

 

jeudi 15 décembre 2022

«Le système» nous contrôle-t-il?

Est-ce la société qui fait l’individu ou l’individu qui fait la société?

Eternelle question de l’œuf et de la poule.

Eternelle dispute entre psychologues et sociologues avec cette réponse raisonnable qui consiste à conclure qu’il s’agit d’un mix des deux, que chacun influence autant qu’il est influencé avec évidemment des degrés différents dans cette réciprocité selon les observateurs avisés et les sachants spécialisés.

Parce que la société est une création des individus et que leurs comportements l’impacte, parce les individus sont immergés dans la société et influencés par elle.

Certains vont néanmoins plus loin en affirmant même qu’elle les formate et que le flux de l’influence ne vient que de son côté avec des individus qui subissent son emprise sans capacités de s’en extraire.

Dès lors, une autre interrogation doit être discutée dans la foulée d’autant qu’elle trouve une nouvelle fortune avec la déferlante des théories élucubrationistes (complotistes), permise à cette échelle par les nouveaux outils de communication numériques: sommes-nous sous la coupe d’un «système» – qui, pour certains, est représenté par cette dénomination à la mode, un «deep state» (Etat profond) et pour d’autres une sorte d’alliance mondiale de la finance et des multinationales – ou celui n’est-il que la conséquence de ce que nous sommes?

L’affirmation de l’existence d’un «système», précisons-le, a toujours eu un certain crédit parce que, tous, un jour ou l’autre, devant des situations sans espoir ou ubuesques nous avons pesté contre une autorité sans visage, omnipotente et oppressante, qui serait la cause de nos tourments et à laquelle nous voudrions tant demander des comptes.

Ici, ce n’est plus d’interactions qu’il s’agit mais de s’interroger sur un Léviathan ou un Big brother qui, non seulement, nous dirigerait mais nous contrôlerait comme dans les romans dystopiques dont les plus célèbres sont 1984 et Le meilleur des mondes.

Avec cette question existentielle: a-t-on donc réellement la capacité de vivre la vie que nous choisissons et de changer les choses pour y parvenir où «le système» nous fait-il vivre dans le carcan qu’il a mis en place et qui nous empêche tout changement malgré l’existence de quelques esprits libres dont le formatage a échoué, les seuls qui sont «au courant» et «éveillés», qui tentent de résister tout en alertant les autres?

Un peu comme les héros des romans dystopiques précités auxquels se sont identifiés toute une floppée d’élucubrationistes patentés.

Mais la réalité n’est-elle pas beaucoup plus prosaïque et triviale voire désespérante à certains égards: ne s’agit-il pas simplement que nous vivons dans un monde que nous avons créé et façonné où règne le tragique qui s’exprime dans toutes les horreurs, les abominations et les désolations que l’Humanité vit sans cesse et dont certaines lui sont directement imputables, un monde qui est ce qu’il est parce que nous ne pouvions pas en créer un autre au vu ce que nous sommes?

L’hypothèse de l’existence d’un «système» qui serait omnipotent questionne ainsi la factualité d’en changer ou si nous devons sans échappatoire le subir, qu’il soit transcendant ou la conséquence de nos comportements.

En revanche, si nous sommes tous cocréateurs de ce «système» qui n’est en fait qu’un nom magique pour qualifier la société telle qu’elle est, celle que nous sommes capables de créer, pouvons-nous la changer ou tout n’est que simples améliorations cosmétiques.

Prenons l’exemple de la guerre.

En cumulant toutes les guerres ayant eu lieu sur la planète, nous avons passé plus de jours à nous battre qu’à être en paix.

Or, pourtant, nous valorisons sans cesse la paix tout en continuant à nous entretuer…

Les tenants d’un «système» affirmeront que pour des motifs spécifiques (le profit pour le système capitaliste, la domination du monde pour les totalitarismes, la mégalomanie narcissique pour les dictateurs, etc.) nous sommes jetés dans la guerre sans notre consentement éclairé mais par une manipulation mentale qui nous inculque et inocule l’amour d’une organisation sociale fabriquée, la nation, ainsi que la haine de l’étranger ce qui nous fait nous exalter lors de l’entrée en guerre comme en 1914 ou de... matchs de football internationaux!

Ceux qui sont défendeurs de la thèse que la société n’est que le reflet de ce que nous sommes, pointeront que la violence dans toutes ses formes est une pratique tout autant collective qu’individuelle depuis que l’humain existe ou fait société et que nous n’avons pas besoin d’une autorité au-dessus de nous pour nous y livrer.

Ceux qui, dans ce dernier groupe pensent que l’Humanité progresse, estimeront que nous pouvons collectivement changer nos comportements vis-à-vis de la violence et construire un monde pacifié.

Autre exemple, «le système» nous conditionnerait par des techniques marketing – inventés au 20e siècle notamment parce que les industriels s’inquiétaient de ne plus pouvoir écouler leur production une fois les vrais besoins de la population pourvus – afin que nous ayons une soif sans fin de consommer pour le plus grand profit des entreprises et de leurs propriétaires.

Mais notre désir de bien-être et de possession n’est pas seulement issu de techniques si sophistiquées soient-elles pour l’exacerber.

Elles jouent sur une propension à chercher toujours plus sans souvent se préoccuper du toujours mieux.

Ceux qui pensent que l’accumulation de richesse est un trait humain font valoir que le vol, la prévarication, la corruption et tous les moyens de s’enrichir de manière illicite ont toujours existé et montre que nous sommes naturellement attirés par posséder le plus possible.

Cependant, de même que pour la guerre, les tenants du progrès humain estiment que l’on peut tendre vers le mieux sans le plus et faire en sorte de changer la société pour qu’elle soit plus juste et plus soutenable donc moins vulnérable à la tentation et qu’une autre forme de développement existe.

Prenons maintenant l’exemple des totalitarismes dont les romans dystopiques se sont inspirés pour créer leurs systèmes fictionnels et qui sont la preuve pour les tenants du «système» de son existence dans la réalité de leurs convictions (ce qui permet d’ailleurs à certains d’entre eux de prétendre que la démocratie est un régime totalitaire…).

Le problème est que si les régimes totalitaires ont bien une volonté d’instaurer un «système» comme c’était la cas en Union soviétique, dans l’Allemagne d’Hitler et aujourd’hui dans la Chine de Xi et la Corée du Nord de Kim, n’oublions pas qu’il ne s’agit que de quelques Etats dans le monde dans l’histoire récente et que, pour certains, ils ont été mis en place grâce au peuple, comme en Allemagne pour le nazisme dont la population n’avait pas du tout été conditionnée par un quelconque Big brother pour donner autant de voix à Hitler.

D’ailleurs, pour les tenants de la thèse selon laquelle la société ne serait que le reflet de ce que nous sommes, le choix de certains de faire confiance à des partis extrémistes et à voter pour eux dans un régime démocratique serait la démonstration que nous sommes responsables de la création nous-mêmes de ces régimes et de leurs systèmes.

Pour ceux qui pensent que l’on peut se défaire du totalitarisme par volonté qui n’est donc pas empêchée par un quelconque endoctrinement et qui n’est pas sous la coupe d’une «vérité» dont nous ne serions sortir, l’exemple de tous ceux qui se battent dans les autocraties et les dictatures pour les détruire sont la preuve que rien n’est figé par un «système» et les effondrements de certaines la démontrent.

Se pose aussi la question du complot et de son importance dans l’affirmation qu’il existe bien un «système».

Si j’ai choisi d’utiliser le mot «élecubrationisme» pour parler du complotisme c’est pour faire une distinction entre les fantasmes abracadabrantesques sur un complot tel le «deep state» ou qui est brandi comme arme politique par les populistes extrémistes et le fait que, depuis toujours, des complots ont existé.

Utiliser la même terminologie pour exprimer une réalité et un fantasme est un non-sens, plus une faute grave de communication puisque  cela permet aux élucubrationistes de prétendre que leurs théories fantasmagoriques du complot, de pures inventions d’où ils ne peuvent produire une seule évidence incontestable de leur existence, ont la même valeur que les complots avérés par des faits établis et vérifiés avec la certitude requise.

Maintenant, dire qu’un «système» est inexistant, ce n’est pas pour autant faire preuve d’optimisme!

De même que de démontrer que nous avons la capacité de changer les choses si nous le voulons.

Parce qu’alors pourquoi attendons-nous encore pour supprimer la violence, le crime, l’assassinat, la pauvreté et tous les fléaux sur lesquels l’action humaine a prise?

Est-ce que c’est parce que ces sociétés ne sont que notre reflet, donc que nous ne pouvons nous passer de ces fléaux et/ou que nous n’en avons pas vraiment envie tant cela nécessiterait de dépenses d’énergie et d’investissement dans la collectivité?

Et que le changement que nous sommes capables de mettre en place n’est que superficiel ou, tout au mieux, limité?

Alors, quelle conclusion?

D’abord que si «système» il y a, c’est que nous en sommes collectivement les créateurs parce qu’il n’y a jamais eu dans l’Histoire de preuve de l'existence d'un Léviathan caché et exogène dirigé par une caste secrète.

Pour parler d’une caste dirigeante, la royauté et son aristocratie, par exemple, ont toujours agi au grand jour.

Ensuite que, oui, il y a des profiteurs de la société mais cela n’en fait pas les instigateurs d’un «système» qui l’auraient édifié de A à Z dans l’ombre en nous manipulant et nous cachant la vérité.

Ils ne sont souvent que les parasites issus de nos manquements.

Oui, également, il y a des complots comme il en a toujours été mais qu’aucun n’est dirigé par un «système» qui contrôlerait tout ou partie de la société et/ou de la population.

Certains peuvent réussir comme certains coups d’Etat ou détournements financiers à grande échelle mais leur succès ne prouve en rien qu’ils sont connectés comme voudraient nous le faire croire les élucubrationistes.

Enfin, oui, nous avons la capacité de changer la société, de la faire progresser.

L’existence d’une société démocratique dans plusieurs pays le démontre.

Pour autant, voulons-nous vraiment utiliser cette capacité pour changer le monde collectivement ou, même si nous le voulons, sommes-nous de toute façon contraints à un immobilisme parce que les profiteurs et les séditieux et autres factieux agissent pour faire en sorte que nous n’y parvenions jamais?

Disons plutôt que nous ne nous donnons pas les moyens de changer le monde malgré les profiteurs, les séditieux et autres factieux donc que nous sommes, collectivement, complices de leurs agissements.

Et c’est sans doute parce que nous sommes ce que nous sommes, des êtres vivants imparfaits et contradictoires, mus par nos intérêts individuels et ceux de nos proches.

Un manque de confiance dans l’autre nous empêche également de nous lancer dans un changement où nous suspectons toujours d’être ceux qui seront in fine lésé par rapport à d’autres.

Nous devons faire avec la nature humaine, sachant qu’elle ne nous interdit pas le changement, ni même une possible évolution de nos comportements au-delà de la couche superficielle.

Reste que le juge de paix en la matière est la dignité humaine.

Son respect partout et toujours sera la preuve ultime que nous avons réellement décidé de changer le monde et que nous sommes passés effectivement aux actes.

Nous n’en sommes pas là après tant de temps où nous peuplons cette planète et nous préférons souvent – et parfois par simple lâcheté – invoquer un «système» qui nous empêcherait de changer car, voilà également, une des raisons pour lesquelles, nous, les humains l’avons inventé: pour nous donner bonne conscience et nous dédouaner à peu de frais de notre irresponsabilité, de notre pusillanimité et le de notre veulerie.

Même si dans ce monde incertain où ne savons pas pourquoi nous sommes ce que nous sommes et la raison de notre présence, nous avons des excuses…

Alexandre Vatimbella

 

 

mardi 13 décembre 2022

De la liberté de supprimer la liberté est-elle une liberté?

En préambule, il faut être tout à fait clair: la liberté qui empiète sur celle de l’autre n’est pas liberté mais licence; la liberté d’irrespect envers l’autre n’est pas liberté mais licence; la liberté de priver l’autre de sa liberté n’est pas liberté mais licence.

Oui, lorsque celui qui utilise sa liberté contre la liberté de l’autre, il n’est plus dans la sphère de la liberté mais dans celle de la licence, donc dans sa négation.

Les agirs doivent toujours être définis avec précision et les mots ont un sens qu’il ne faut pas vicier, instrumentaliser ou utiliser sans précaution au risque de la confusion.

Ayant dit cela, avant d’être licence, les actes de celui qui attente à la liberté procède bien à la base de sa liberté d’agir, de faire et de dire, c’est un fait indiscutable.

Cependant si la liberté ne tue pas la liberté et si c’est son dévoiement en licence qui s’en charge, elle est néanmoins bien à l’origine de cette assassinat.

Etudions donc cette liberté qui permet à la licence de supprimer la liberté qui serait donnée, plus particulièrement à une communauté ou à un groupe plutôt qu’à un individu seul dans la sphère sociale.

Car nous sommes bien dans la contradiction ultime de la liberté, celle qui lui permet – indirectement il est vrai mais dont l’acte final cependant en découle – de se supprimer elle-même!

Ce suicide potentiel est constitutif de son existence et de son essence car la liberté c’est d’abord le droit d’agir à ma guise même si, pour être effective pour tout le monde, elle doit être bornée par celle des autres et de leurs droits à agir.

C’est la raison pour laquelle la liberté dans une société d’humains doit être absolument organisée et tempérée si elle doit être la référence d’un régime démocratique.

Il ne peut en être autrement.

Bien sûr, la licence qui permet de faire n’importe quoi peut être définie comme une liberté destructive, la perversion absolue de la liberté.

Néanmoins, elle prend sa source dans la liberté qu’on le veuille ou non,

Le pouvoir extravagant donné à certains ou à une entière communauté de supprimer la liberté de certains ou de tous est donc une manifestation de cette perversion, de cette capacité destructive qui est à l’origine des totalitarismes mais vient bien directement de cette possibilité qui leur a été donnée en leur accordant les bienfaits de la liberté, celle qui leur permet de concevoir cette suppression puis de l’exprimer et enfin d’agir pour la mettre en œuvre.

Or donc, une société qui ne protège pas la liberté d’elle-même est sous la constante menace que celle-ci ne s’autodétruise au nom de ses principes!

La seule solution est de «sanctuariser» la liberté, c’est-à-dire de ne pas en faire un enjeu politique mais un fondement de l’organisation et du fonctionnement des sociétés au nom du respect de la dignité de chaque individu et de son individualité, sachant qu’une communauté d’humains a d’abord comme objectif d’apporter le meilleur à chacun de ses membres dans la sécurité et la liberté en fait évidemment partie comme premier élément.

Dès lors, toute démocratie doit ériger un mur infranchissable à tous ceux qui veulent utiliser la liberté pour la supprimer.

Cela passe par une construction juridique qui, au-delà d’établir la liberté comme valeur première, doit, à la racine, combattre les tentatives liberticides en définissant la liberté comme consubstantielle au respect de la dignité humaine sachant que celle-ci ne peut exister sans la liberté et la responsabilité.

L’existence de groupes constitués comme des partis politiques ou de projets collectifs organisés qui auraient comme objectif de supprimer la liberté doivent être interdites ay  nom même de la liberté qui appartient à tous et pas à quelques-uns.

Plus difficile est le combat contre les opinions exprimées publiquement qui appellent à détruire la liberté.

Ici, nous sommes dans la liberté d’opinion et d’expression de celle-ci donc leur atteinte n’est pas concevable dans un système démocratique, donc la démocratie doit vivre avec.

On comprend la difficulté, tant que les ennemis de la liberté n’ont pas transgressé la règle juridique démocratique, de leur interdire la liberté de vouloir interdire la liberté aux autres!

Cependant si une telle mesure irait à l’encontre même du projet démocratique, tel n’est pas le cas dans la répression des organisations qui sont explicitement liberticides.

Car à ce moment-là, il ne s’agit plus de liberté mais bien d’un complot contre la liberté même si celui-ci émane de la liberté…

Parce qu’à l’inverse, ne pas protéger la liberté serait une défaillance majeure, une faute lourde de la démocratie.

C’est donc dans ce cadre que celle-ci doit empêcher sa destruction en prenant des mesures de sauvegarde et non d’être uniquement dans la réaction.

Nul ne doit être empêché de dire ce qu’il pense mais nul ne doit être autorisé à supprimer la liberté, telle doit être la règle d'une démocratie juste et forte.

En attendant que le citoyen responsable, cette autre promesse de la démocratie voit enfin le jour grâce à une formation qui n’est pas encore à la hauteur du projet d’émancipation qu’elle porte alors que, rappelons-le, une vraie démocratie n’est pas viable sur le long terme sans son existence.

Alexandre Vatimbella

lundi 12 décembre 2022

De l’individu aux identités multiples face à la responsabilité

Nous vivons dans un monde où l’individu évolue dans plusieurs environnements (public, lieu de travail logement, etc.), dans plusieurs espaces relationnels (familial, amical, professionnel, etc.) avec des interactions dimensionnelles différentes (rationnelles, émotionnelles, impliquées, indifférentes, etc.) dans lesquels il possède plusieurs identités (citoyen, travailleur, consommateur, contribuable, etc.) qui lui permettent psychologiquement de n’être vraiment jamais responsable en tant que personne singulière de sa situation en rejetant la faute sur l’une d’elle et de se prétendre victime de celle-ci.

Ici, je ne parle pas de ses identités politique, ethnique, culturelle(s), nationale(s), géographique, physiologique, générationnelle, de genre et sociale qui interagissent évidemment entre elles et avec celles que j’ai listé ci-dessus mais qui n’ont pas leur caractère potentiellement schizophrène dans sa vie quotidienne.

Ainsi, son moi citoyen veut bien lutter efficacement contre le changement climatique mais son moi consommateur l’en empêche.

Et ce même moi consommateur, à la recherche du prix le plus bas, menace constamment son moi travailleur qui lui-même cause des contrariétés au moi consommateur lors de grèves, manifestations et autres mouvements sociaux.

Et de fustiger ce moi citoyen qui l’empêche de consommer comme bon lui semble, ce moi consommateur qui met en péril son existence et son activité professionnelle et ce moi travailleur qui lui cause des nuisances dans son quotidien!

Sans oublier le moi contribuable qui peste sans cesse contre les mois multiples qui bénéficient des services publics que les impôts qu’il paye permettent de faire fonctionner.

Cela ne signifie pas, néanmoins, que le moi consommateur ne comprenne pas le moi citoyen ainsi que le moi travailleur et inversement, idem pour le moi contribuable et les mois récipiendaires mais que devant une sorte d’incapacité mentale à les relier et les synthétiser, il ne puisse, non seulement, les réconcilier, mais agir rationnellement en prenant en compte ces différentes identités pour se forger une vision unique et défendre des intérêts cohérents.

Ces conflits entre ces identités peuvent dégénérer et aboutir à ce que l’individu se croit constamment persécuter par un «système» et lui permettent d’élaborer une sorte de victimisation avec des théories élucubrationistes (complotistes) et de se réfugier dans une attitude négative qui se répercute dans son comportement et dans son vote.

Ces identités multiples sont évidemment problématiques pour l’individu pour son existence et ses choix de vie mais elles ont également des répercussions négatives sur la société.

Elles instaurent des tensions constantes qui aboutissent parfois à des contradictions que le politique tente de gérer dans une sorte de quadrature du cercle.

Dans une société démocratique apaisée si l’on ne peut éviter ces tensions, peut-on tendre malgré tout vers un individu unifié ou, en tout cas, plus capable de faire la part des choses?

C’est évidemment le rôle que doit occuper au premier chef la responsabilité, laquelle ne peut s’acquérir en l’espèce que grâce à la formation d’une personne éveillée capable de, non seulement, comprendre les contradictions au sein même de sa vie mais de les résoudre par la raison et non de l’émotionnel superficiel, dans l’agir lucide et non dans le renoncement victimaire souvent bien plus confortable.

Prenons un exemple que nous fournit malheureusement l’actualité, l’invasion de l’Ukraine par Poutine.

Si je décide de soutenir le peuple ukrainien contre cette agression, à la fois parce que je suis solidaire avec lui mais aussi parce que je défends mon mode de vie et ma liberté, je sais ou dois savoir, en tant que citoyen, qu’il y a des conséquences à ce choix comme l’aggravation de la crise énergétique et l’inflation.

Dès lors, je ne peux me plaindre, en tant que consommateur, des conséquences de mon choix mais bien de la raison de celui-ci qui est, en l’occurrence, la décision du régime en place en Russie.

Bien évidemment, cela ne veut pas dire que je ne suis pas impacté négativement par la situation et que je ne peux en souffrir et l’expliciter mais sans en rejeter la faute sur une de mes identités et sur tel ou tel groupe voire sur ceux qui me représentent qui n’en peuvent mais.

Parce qu’alors, par mon comportement de refus d’en assumer les conséquences, je fragilise le régime de liberté qui m’a permis de choisir.

Je peux évidemment changer d’avis mais je ne peux alors mettre à égalité des identités aux choix divergents, l’une d’elle devant avoir la prééminence, en l’occurrence dans l’exemple, le citoyen ou le consommateur.

C’est une question de rationalité avec moi-même qui n’empêche évidemment par les émotions de participer à ma décision de hiérarchiser mes identités.

Entre parenthèses, cet individu aux différentes identités est du pain béni pour les lobbys qui défendent des causes particulières et qui tentent d’en jouer à leur profit.

D’où cette impératif pour la société de donner à chaque personne la capacité d’être à même de faire les bons choix pour ses intérêts et ceux de la communauté dans laquelle elle vit et non de faire un mélange sans priorités des revendications de ses identités multiples au risque de créer le désordre et le chaos à la fois pour elle et la société.

Cela passe par la formation et l’information de l’individu, comme toujours dans une société démocratique, seules susceptibles de lui permettre d’être responsable de sa vie donc ses choix, donc de ses conséquences.

Alexandre Vatimbella