jeudi 21 décembre 2023

La fausse opposition entre individualisation et individualisme

L’anarchiste Stirner, individualiste notoire, estimait que le plus important chez l’être humain était son individualité. 

Il concevait fort bien que sa liberté devait être bornée par celle des autres dans la société. 

En revanche, il refusait que l’on touche à ce qu’il était, à son individualité. 

Ainsi l’individualisme est la pensée du respect de l’individualisation.

Être individualiste est d’abord être défenseur de son individualité ou, si l’on préfère, de sa différence.

Opposer individualisme et individualisation est donc un non-sens qui recèle en fait une idéologie holiste qui veut confondre individualisation et socialisation, c’est-à-dire que l’individualisation de l’individu devrait se faire uniquement pour le bien de la société.

Aucun individualiste ne remet en cause la nécessité de vivre en société et de limiter la liberté quand celle-ci vient à menacer celle des autres et leur dignité.

En revanche, l’individualiste estime qu’il doit être, dans tous ses actes, responsable de son existence et des choix qu’il fait dans le cadre du respect des règles du bien vivre ensemble.

Et c’est au nom de son individualité, de la vivre et de la développer, qui n’est réductible à aucune globalité qu’il revendique cette responsabilité.

Aujourd’hui, l’individualiste est comparé à une personne qui en ce 21e siècle, utilise l’autonomie que lui garantit la société démocratique pour agir de manière irresponsable et être potentiellement le grand prédateur de celle-ci.

Demandant constamment en en tout une sur-reconnaissance et une sur-égalité, il est dans une démarche consumériste où son autonomisation est égocentrique, assistée, irresponsable, insatisfaite et irrespectueuse.

Il veut du plus et du mieux pour lui seul, considère qu’entre son intérêt et celui de la société, le sien doit toujours primer et qu’il n’a aucun devoir et aucune concession à faire au vivre ensemble.

Il est la résultante d’une avancée mécanique de la démocratisation de la société, due à la durée de plus en plus grande d’existence de ce processus toujours en mouvement mais qui, en revanche, a failli à former un citoyen éveillé et responsable, capable de prendre son existence en main et d’assumer ses choix parce que les moyens n’ont pas été mis pour y parvenir.

Rien à voir avec l’individualisme qui est justement tout le contraire.

On comprend bien le dessein de ceux qui veulent le diaboliser en présentant cette personne qui utilise son autonomie grandissante de manière irresponsable comme sa résultante obligée.

Cela permet de développer des discours autoritaires et de prôner une société moins ouverte et tolérante, non pas vis-à-vis de ce phénomène d’autonomisation viciée mais contre l’individualisme qui est au cœur même du projet de la démocratie républicaine libérale en ce qu’il demande une personne bien formée et informée, responsable et respectueuse de l’autre.

Il ne faut pas s’y méprendre, condamner l’individualisme c’est mener le combat contre la démocratie républicaine libérale.

Alexandre Vatimbella

 

 


mardi 19 décembre 2023

La haine de la démocratie est la haine de l’autre et réciproquement

La haine de la démocratie est la haine de l’autre qui est la haine de la démocratie. 

Celui qui déteste la démocratie ne peut avoir de la considération pour l’autre, celui qui ne pense pas comme lui. 

Respecter la dignité et l’individualité de l’autre est l’injonction impérative du projet démocratique dont un des principes est le refus de l’intolérance. 

Sans ce respect de l’autre, la démocratie qui est fondée sur la liberté dans l’égalité de chacun de ses membres ne peut exister. 

L’inacceptation de l’opinion, de la manière de conduire son existence, des choix de l’autre est la négation du système démocratique. 

Et cette négation veut justement empêcher l’autre de vivre en être autonome, responsable de sa vie. 

Toute idéologie politique, religieuse ou philosophique qui affirme détenir la vérité et qui veut l’imposer à l’autre par toutes les manières possibles dont les violentes et les coercitives est une idéologie de haine de la liberté et de l’égalité de cet autre, de haine de la démocratie. 

Entre un radicalisé d’extrême-gauche ou d’extrême-droite et un radicalisé religieux ou sectaire, il y a un combat commun dans les détestations d’un régime qui permet la multiplicité des opinions et des comportements. 

Ce combat commun passe par l’élimination de cet autre soit en l’empêchant de vivre une existence d’humain libre, soit en le faisant disparaitre physiquement. 

On ne peut construire un régime de respect de l’autre sans accepter ses différences, ce que refuse tous les extrémismes quels qu’ils soient. 

Faire croire à des lendemains meilleurs ou à un paradis de l’au-delà par l’élimination de ceux qui ne pensent pas comme vous est de ce point de vue une escroquerie intellectuelle propagée par des idéologies haineuses. 

En ce début de troisième millénaire, ces idéologies de l’exécration fleurissent et se propagent à nouveau dans l’ensemble des sociétés de la planète. 

Elles s’en prennent en priorité à la démocratie et ce n’est pas un hasard de voir une alliance objective entre les totalitarismes, les fanatismes et les terrorismes, tous ces «ismes» qui se nourrissent des pires inclinations et des plus bas instincts de l’humain. 

Mais le constat préoccupant est bien que cette haine est partagée par de plus en plus d’individus, en témoigne les succès des extrêmes et des populismes dans les élections des pays démocratiques ainsi que la communautarisation des sociétés où les groupes divers et variés s’opposent de plus en plus frontalement dans des discours d’exclusion de l’autre et d’agressivité à son encontre qui vont jusqu’à la violence physique. 

Cette montée de la haine amène à un deuxième constat, le plus inquiétant, l’incapacité de nos sociétés à avoir réalisé effectivement le projet démocratique qui, s’il avait continué à progresser, aurait dû l’éliminer, à tout le moins, la diminuer. 

Et l’on en vient à cette question que tout démocrate redoute mais se pose de plus en plus: l’humain est-il fait pour la démocratie? 

Si l’on ne peut encore répondre par la négative, on a de plus en plus du mal à répondre par un oui catégorique. 

Alexandre Vatimbella

 

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mercredi 6 décembre 2023

La résolution des problèmes de l’Humanité, localement et globalement, n’est possible que par l’universalisme

Prenons la question démographique.

Au niveau mondial, il y a de plus en plus d’humains et si certains experts nous disent que ce n’est pas une menace pour l’instant, notre augmentation pose néanmoins de nombreux problèmes que ce soit à propos des matières premières, de l’alimentation, de l’accès au bien-être, etc.

Au niveau local, dans certains pays, il y a trop d’habitants pour leurs capacités et dans d’autres, pas assez.

Certains risques la surpopulation, d’autres de devenir des déserts.

Certains ont trop de main d’œuvre pour leurs capacités économiques, d’autres pas assez.

D’où cette schizophrénie qui fait que nous militons à la fois pour une baisse de la population mondiale et une augmentation de celle-ci, que nous nous lamentons d’une baisse des naissances dans les pays développés et que nous prenions des mesures pour empêcher l’immigration!

On comprend bien que seul un système de vases communicants entre pays, régions et continents permettrait de résoudre le problèmes au niveau de la planète.

Seul l’universalisme peut résoudre ce problème parce que c’est à cette dimension que l’on peut réellement agir.

Mais, plus largement, l’universalisme est le seul moyen d’organiser la planète du mieux possible.

Néanmoins, il faut savoir de quel universalisme on parle.

On comprend bien que les divisions actuelles de la communauté internationale ainsi que les divers régimes qui gouvernent les pays sont des freins à une gouvernance mondiale vraiment efficace.

Sans parler des cultures qui divisent lorsqu’elles sont communautaires et qui, aujourd’hui, sont la plus grande crainte des pays démocratiques en matière d’immigration.

En effet, pour qu’il y ait universalisme, il faut que l’Humanité partage des valeurs humanistes qui permettent de mettre au centre de celui-ci le respect de la dignité humaine.

On ne peut mélanger certaines cultures communautaires alors que l’on peut certainement le faire pour des cultures individuelles.

Et qui dit cultures individuelles dit liberté, égalité et fraternité ce qui est impossible lorsque des groupes se font face et tentent d’imposer leurs cultures respectives comme dominantes.

Les adversaires de l’universalisme sont actuellement de deux sortes.

Il y a d’abord ceux qui défendent des idéologies violentes et totalitaires dont le but est une guerre culturelle (qui peut passer par des conflits armés ou du terrorisme) pour les imposer.

Il y a ensuite ceux qui sont dans une sorte de défense d’un ordre culturel qui serait, pour chaque pays, son identité propre et font partie des nationalistes qui sont prêts à défendre cette exceptionnalité qu’ils considèrent comme primordiale et qu’ils estiment en danger d’un cosmopolitisme qu’ils détestent.

La division actuelle du monde semble leur donner raison.

En revanche, le cosmopolitisme qu’ils combattent leur donne tort.

Car, grâce à la mondialisation culturelle, nous sommes aujourd’hui, chacun de nous, des mélanges de culture.

C’est une réalité que l’on ne peut nier.

Quoiqu’il en soit, s’il faut s’appuyer sur celle-ci, l’universalisme est également, maintenant et encore plus à terme, la seule solution face aux multiples dangers qui guettent l’Humanité comme celui du changement climatique qui demande une réponse globale de tous pour que sa lutte à son encontre soit vraiment efficace.

Car si l’universalisme est une belle utopie, il est également une nécessité impérative.

Alexandre Vatimbella

mardi 5 décembre 2023

Société de consommation ou de frugalité?

La prospérité de nos sociétés occidentales s’est bâtie sur la consommation, bien aidée en cela par l’invention du marketing.

Toujours est-il que cela a créé de la richesse, des emplois et un évident bien-être.

Mais c’est aussi une société du gaspillage, du «toujours plus» et d’une fuite en avant où les désirs matériels ne sont jamais rassasiés.

Cette société de consommation nous a, en outre, amené à des impasses comme le changement climatique, l’épuisement de certaines ressources naturelles et une existence souvent pas vraiment équilibrée.

Face à cette société de la croissance, certaines prônent la décroissance.

Si tel devrait être le cas, il faudrait que celle-ci soit mondiale car ceux qui s’y risqueront pendant que les autres continueront à porter le même modèle de développement seront des perdants.

D’autres opposent la frénésie de la consommation à la sobriété c’est-à-dire à une modération de la consommation.

Dans cette optique, on peut réfléchir à mettre en place une société de la frugalité où l’on achèterait et consommerait avec responsabilité ce qui est essentiel à notre existence mais aussi à un bien-être qui ne serait pas basé uniquement sur une possession sans fin d’objets qui comblent souvent un vide existentiel.

Bien évidemment, il n’est pas question de dire aux pauvres, dans les sociétés développées, et aux peuples qui n’ont pas atteint un certain bien-être, qu’ils vont être les double perdants de cette frugalité, eux qui n’ont d »jà pas accès à certains biens indispensables tout court ou en quantité nécessaire.

Cependant, une redistribution à l’échelle planétaire semble utopique en l’état car on ne voit pas comment on pourrait obliger certains pays à décider de tirer un trait sur leur croissance pour permettre à d’autres d’en profiter à leur détriment.

De même que fixer une limite au développement économique dans un monde où la concurrence entre pays fait rage est voué à l’échec.

Ce dilemme est au cœur des réflexions sur l’avenir de nos sociétés et la soutenabilité de leur développement.

Et dans la controverse qui s’est faite jour entre le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et celui de la Transition écologique, Christophe Béchu.

Ce dernier a lancé une campagne de communication par le biais de l’Ademe, l’agence chargée de la transition écologique, afin de promouvoir la sobriété et un comportement frugal où l’achat doit être un acte réfléchi ainsi que raisonné et non impulsif voire irrationnel qui a été critiqué par le premier nommé qui voit d’un mauvais œil que l’on tente de brider la consommation, moteur de la croissance.

Mais ce débat se rattache à deux conceptions de l’existence dont la philosophie s’est emparée depuis toujours et dont Diogène de Sinope en est un des personnages emblématiques, et que l’on peut résumer dans le choix entre une société de l’être et une société de l’avoir, sachant que la première souhaite l’épanouissement de l’individu quand la seconde privilégie la possession comme preuve de réussite de sa vie.

Si l’on veut donc parvenir à cette frugalité dans l’avoir, il faut développer l’abondance dans l’être, ce qui est un des objectifs du projet démocratique qu’il a, largement, échoué jusqu’à présent à mettre en œuvre.

Alexandre Vatimbella

vendredi 24 novembre 2023

Nous payons le prix de n’avoir mené à leur terme, ni la dénazification, ni la déstalinisation

Les défaites du nazisme en 1945 puis celle du communisme en 1989 auraient dû permettre d’éradiquer définitivement ces deux totalitarismes qui venaient de se déconsidérer totalement en prouvant leur incapacité à gouverner ainsi que leur dangerosité sans parler de leurs crimes innommables.

Mais la communauté internationale a raté, et la dénazification, et la déstalinisation qui auraient pu permettre de bâtir un monde de liberté.

Quand je dis «raté» c’est plutôt qu’il y a eu un refus d’aller au terme de la démarche d’éradication.

La guerre froide – en grande partie mais pas seulement –  dès 1947 et la lutte contre le terrorisme ainsi que la marche triomphante de la globalisation dès les années 1990 après l’échec du mouvement étudiant de la place Tiananmen à Pékin sont des causes de ce refus des démocraties et des mouvements démocratiques d’engager une réelle et complète «détotalitarisation» de la planète.

Après la Deuxième guerre mondiale, la menace communiste a stoppé net la dénazification et nombre de serviteurs d’Hitler ont été laissé tranquille quand ils n’ont pas été utilisé pour combattre le nouvel empire stalinien.

Notons d’ailleurs que Moscou fit de même avec les anciens collaborateurs du nazisme dont nombre d’entre eux furent utilisés dans de multiples tâches souvent celle de la répression de ses opposants.

Après la chute du mur de Berlin, les démocraties avaient une peur bleue que l’ex-URSS ne se délite totalement en créant un situation hors de contrôle en particulier, on l’a oublié, en ce qui concerne les armes nucléaires qu’elle possédait à profusion et qui, crise économique oblige, étaient laissées à l’abandon quand ce n’était pas proposées à la vente à des organisation terroristes par des militaires peu scrupuleux.

Quant à la Chine, elle avait été élevée au rang d’usine du monde par les capitalistes et principal moteur de la croissance mondiale alors dans des moments difficiles.

Du coup, les tendances totalitaires sont réapparues en Russie et ont été confortées en Chine.

A chaque fois, la morale est passée au second plan voire a été évacuée pour des raisons qui n’étaient pas forcément illégitimes mais qui n’auraient pas dû se poser.

Ainsi, si nous avions aidé le nouveau pouvoir russe, peut-être ne se serait-il pas fourvoyé avec l’alcoolique corrompu Eltsine qui n’eut d’autre choix pour ne pas aller en prison de choisir Poutine comme successeur en passant un pacte pouvoir contre immunité.

Quant à l’arrêt totale de la dénazification à grande échelle, rien ne justifiait cet abandon sauf une peur panique qui s’était emparée des démocraties face à l’agressivité des régimes communistes, agressivité qui aurait pu et aurait dû être traitée différemment.

Et cela est bien dommage parce qu’aujourd’hui la menace totalitaire n’est pas seulement une question morale mais elle est surtout existentielle pour les démocraties républicaines et leurs valeurs humanistes, pour la liberté dans le monde.

On aurait pu espérer que ces deux ratages servent de leçon mais celui de la dénazification n’a été d’aucune utilité lorsqu’il a s’agi de procéder à la déstalinisation…

Aujourd’hui donc on a des régimes musulmans qui affichent au grand jour leur adhésion à l’idéologie hitlérienne et on a des régimes à Moscou et à Pékin qui ont réhabilité Staline et son clone chinois, Mao.

Deux exemples parmi tant d’autres que l’on aurait pu choisir, ailleurs, en Afrique, aux Amériques, en Asie et même en Europe avec la montée des populismes radicaux à l’extrême-droite et l’extrême-gauche.

Peut-être que le comportement de la communauté internationale dominée en 1945 et en 1989 par les démocraties qui auraient pu imposer leur ordre fait des valeurs qu’elles défendaient a été dicté par des impératifs conjoncturels légitimes qui ont empêché la réalisation d’objectifs structurels fondamentaux.

Reste que cette politique du moment a eu des conséquences que l’Humanité paye quotidiennement.

Alexandre Vatimbella