mardi 30 mars 2021

La participation démocratique, c’est d’abord un devoir

A l’inverse des régimes autoritaires et totalitaires, la démocratie demande une participation active des citoyens – on ne parle évidemment pas de l’embrigadement forcé qui fut un des marqueurs du fascisme, du nazisme et du communisme.

Cela fait partie de la vertu civique propre à ce système politique.

Ainsi, il ne suffit pas de voter et de respecter la loi – ce qui est déjà de la participation – encore faut-il être au service de la liberté, de l’égalité et de la fraternité pour pouvoir en profiter de leurs bienfaits sur la durée.

Même si des penseurs comme Jean-Jacques Rousseau avaient déjà indiqué cette nécessité d’une implication des citoyens dans la démocratie et que d’autres, à l’instar d’Alexis de Tocqueville, ont observé que plus les citoyens s’impliquent, meilleure est la vitalité d’une démocratie, c’est la pratique et le fonctionnement concret sur le long terme du régime démocratique qui amènent à faire le constat que sans soutien actif, ce dernier ne peut s’enraciner profondément dans les mœurs et reste à la merci de ses ennemis tant intérieurs qu’extérieurs mais aussi d’une destruction venue de ceux-là même qui en profitent, tout simplement par leur méconnaissance de la difficulté de la mise en œuvre du processus démocratique, leur sous-estimation de sa fragilité, issus en grande partie de leur manque d’implication, conséquence de leur absence effective d’une réelle responsabilité dans sa protection quotidienne.

Dès lors, cette participation à l’inverse de ce que prétendent beaucoup, n’est pas un droit, c’est un devoir ou, si elle est un droit, elle est d’abord un devoir.

Et cela change tout quant au principe même de cette notion et de sa mise en œuvre.

Je ne participe pas à la démocratie si je veux mais parce que je dois le faire.

La démocratie est en effet, un régime qui demande la participation du citoyen pour exister et perdurer.

Pourquoi?

Parce qu’elle impose l’adhésion manifeste de celui-ci à son fonctionnement tant dans la décision politique (que ce soit par les élections avec une obligation de vote ou par des mécanismes de démocratie directe bien identifiés), dans l’investissement par des actes (comme un service quel que soit son nom, civique ou citoyen, par exemple) que dans le contrôle des institutions.

Participer à la démocratie n’est pas optionnel, c’est faire sa part de son devoir de citoyen afin de bénéficier de tous ses avantages mais également d’être coresponsable de sa préservation et da bonne organisation ainsi que des décisions prises par les représentants que l’on a élus.

En outre, la démocratie est une démarche fragile, un pari sur l’humain.

Les valeurs, principes et règles démocratiques exigent des capacités et des aptitudes particulières qui doivent être apprises.

Car si l’on n’a pas besoin d’apprendre à être esclave, on l’a d’être un humain libre, de le devenir et de le rester.

Parce qu’utiliser sa liberté nécessite de savoir ce qu’elle est et comment la pratiquer.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la démocratie ne peut vivre qu’avec un puissant et efficace système de formation et d’information de l’individu afin de lui transmettre les connaissances et lui enseigner comment se mouvoir dans le monde.

S’il faut reconnaître que celui-ci a donné des résultats positifs au cours des deux cents dernières années, cela n’a pas suffi à transmettre le savoir et l’agir démocratique à tous mais, également, à impliquer suffisamment le citoyen dans le fonctionnement de la démocratie.

Un des manquements principaux a été de ne pas rendre obligatoire la participation mais de laisser chacun décider s’il voulait ou non participer à la vie publique, par exemple en se présentant à une élection ou en militant dans des associations.

Ceci au nom de la liberté individuelle sans se rendre compte que la liberté, si elle est constitutive de chacun de nous, n’est pas instinctive dans sa pratique sociale où s’impose une procédure particulière avec des règles dont la principale est qu’elle est bornée par le respect de la liberté de l’autre mais aussi des comportements et des usages spécifiques afin de la rendre effective pour tous, d’une part, et qu’elle ne devienne pas de la licence pure et simple, d’autre part.

Or la participation en démocratie ne doit pas être, ne peut pas être optionnelle mais revêt un caractère obligatoire tout simplement parce que ce sont les citoyens qui sont garants de son existence et non une force extérieure comme dans un régime totalitaire qui exige l’obéissance.

Ce sont bien des citoyens majeurs dont la démocratie a besoin.

Le problème est que cette participation du citoyen nécessite, comme on l’a vu plus haut, qu’il soit formé et informé correctement pour faire des choix éclairés, c’est-à-dire qui sont, à la fois, les meilleurs pour lui-même ainsi que pour la communauté.

Or ce n’est pas le cas, actuellement, pour une partie de la population alors même que le système démocratique moderne existe depuis près de 250 ans.

Comment faire dès lors pour parvenir à cette participation qui est la seule qui pérennisera la démocratie républicaine sur le long terme?

Si cela ne pose guère de problème pour ce service civique que chaque citoyen doit accomplir tout au long de sa vie (que ce soit par périodes ou quotidiennement), en revanche, afin de permettre une vraie participation aux décisions politiques et donc une vraie responsabilité dans les choix de la communauté, la question est posée.

Une période transitoire semble nécessaire où un cadre de protection de la démocratie doit être imposé à tous et, dans le même temps, de mettre en place des procédures associant la population dans l’information citoyenne ainsi que dans la décision effective quand cela est possible, par exemple, au niveau local et intermédiaire sans que cela ne remette en cause les piliers sur lesquels est assise l’édifice démocratique.

Mais ce sont bien les générations à venir qui doivent être formées et informées pour que se réalise enfin pleinement l’idéal démocratique et que la notion de participation prenne toute son ampleur et se déploie le plus possible.

Cette participation n’est pas antinomique, ni même opposée au système représentatif qui est la meilleure façon d’avoir, en les élisant, des personnes qui décident de s’investir à plein temps dans la chose publique pour gouverner une communauté, ce qui est d’abord un simple constat utilitariste.

Bien au contraire, elle est la deuxième jambe de la démocratie libérale, tout aussi importante, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui dans aucune des démocraties de la planète même si, ici ou là, des expériences sont tentées ou des bouts de participation existent sans qu’il y ait en place un système organisé et cohérent.

Plus grave, aucun système global, construit et efficace, encadrant la citoyenneté tout au long de l’existence des individus n’existe dans aucun pays du monde alors qu’il aurait été possible d’en élaborer un sur la durée.

Ici ou là, il existe bien des apprentissages, de l’information diffusée, des possibilités de s’investir ou des procédures de contrôle mais rien de coordonner comme l’on avait considéré que l’investissement du citoyen dans la démocratie revêtait pas une grande importance alors même qu’elle est fondamentale.

En outre, il faut bien comprendre que la participation n’a pas de couleur partisane mais est essentielle, même impérieuse, si l’on veut encore parler de démocratie dans les décennies et les siècles à venir.

Enfin, pour ceux qui pensent que la démocratie ne peut obliger les citoyens à agir pour sa protection, ils partagent cette stupide croyance que la liberté n’engendre aucune responsabilité.

Or, c’est tout le contraire, être libre, c’est être responsable donc de participer au régime qui permet cette liberté.

Comme je l’ai souvent dit, avec d’autres, la liberté a un prix et celui-ci comprend d’en être le défenseur, pas seulement l’usager, le consommateur.

Sans oublier que la démocratie ce n’est pas la liberté de la majorité qui pourrait ainsi l’annihiler si elle le désirait mais bien la préservation de la liberté de la minorité même si celle-ci se réduisait à une seule personne.

Et même si aucun citoyen ne voulait cette liberté, aucune décision de la supprimer ne serait légitime pour les générations à venir.

Dès lors, la participation obligatoire n’est pas liberticide, au contraire, c’est elle qui empêche qu’une communauté ne puisse être à la merci de ceux qui veulent la confisquer rien que pour eux.

 Alexandre Vatimbella

 

mercredi 24 mars 2021

Je n’ai qu’un seul ennemi, l’ennemi de l’Amour

Qu’il soit femme, homme ou transgenre.

Qu’il soit blanc, noir, marron, rouge ou jaune.

Qu’il soit chrétien, musulman, hindou, bouddhiste ou autre.

Qu’il soit grand ou petit, gros ou maigre.

Qu’il habite en Europe, en Asie, en Amérique, en Afrique ou en Australie.

Qu’il mange de la viande, qu’il soit végétarien ou végan.

Qu’il écoute de la musique classique, du rock, de la salsa, du zouk, du rap ou du raï.

Quoi qu’il soit et qui qu’il soit, mon seul ennemi est l’ennemi de la démocratie.

Mon seul ennemi est l’ennemi des droits humains.

Mon seul ennemi est l’ennemi du respect de l’humain.

Mon seul ennemi est l’ennemi de la liberté.

C’est celui qui tue ceux qui ne sont pas d’accord avec lui.

C’est celui qui empêche les autres de vivre leur individualité.

C’est celui qui prive les autres de leurs libertés, celle d’aller et venir, celle de dire et d’écrire ce que l’on pense, celle d’aimer ce que l’on veut et qui l’on veut dans le respect de la dignité de l’autre.

Mais mon ennemi c’est aussi celui qui veut diviser plutôt que d’unir, celui qui cherche le conflit plutôt que la concorde, celui qui pratique la haine plutôt que l’amour, celui qui instille la confrontation plutôt que l’harmonie.

Bien sûr, je sais qu’il y a des gens de différentes couleurs.

Je sais qu’il existe du racisme entre ces gens de couleurs différentes, c’est-à-dire l’utilisation par certains de la notion fausse de race pour considérer celui qui n’a pas la même couleur que vous comme un inférieur et une menace.

Je sais qu’il existe des discriminations de certains envers certains.

Je sais qu’il existe des inégalités sociales et sociétales ente les hommes et les femmes, que celles-ci bénéficient depuis longtemps aux hommes.

Je sais qu’il existe un rejet des personnes qui sont LGBTQ+ et que certains les considèrent soit comme des erreurs, soit comme des pervers, soit comme des inférieurs, soit comme tout cela à la fois.

Je sais qu’une femme noire et lesbienne peut, dans des sociétés où la majorité des gens sont d’une couleur différente, cumuler les difficultés dans sa vie à cause du racisme, de l’homophobie et de la misogynie.

Je sais que le colonialisme a toujours été un moyen de domination d’un pays sur un autre même s’il se trouvait certains qui pensaient sincèrement qu’il permettrait d’apporter des améliorations aux conditions de vie de ceux qu’ils allaient coloniser.

Je sais que cette colonisation à travers les millénaires s’est toujours accompagnée de violences et d’asservissement.

Je sais que l’esclavage existe depuis la nuit des temps et qu’il est une des pires abominations que l’humain ait créées quelles que soient les personnes qu’il touche.

Je sais que les violences sexuelles touchent les femmes et les enfants en priorité c’est-à-dire que ce sont des hommes qui profitent d’eux parce qu’ils ont une force physique qui le leur permet.

Je sais qu’il y a des individus et des groupes qui font leur la xénophobie, le racisme, le sexisme, l’inégalité, la stigmatisation des différences et le danger qu’ils représentent.

Je sais tout cela.

Mais je sais aussi que la science a démontré que nous étions tous égaux, que toutes les atteintes, tous les comportements inacceptables décrits ci-dessus n’ont aucune légitimité, aucune raison d’exister et qu’il faut lutter pour les éliminer définitivement.

Mais je sais que, justement, parce que nous sommes tous égaux, tous membres d’une seule et unique humanité que rien ne justifie de monter les uns contre les autres, d’opposer les couleurs, les genres, les individus, les groupes, les peuples, les cultures entre eux.

Je sais donc que ce n’est que par le prisme de l’universalisme, une terre, un peuple, une culture faite de toutes les cultures individuelles que nous devons agir.

Je sais que c’est ensemble que nous y arriverons.

Sinon nous n’éliminerons aucune de ces tares, au contraire, en opposant tous contre tous, nous ne ferons que les porter à leur paroxysme.

Et c’est certainement ce que veulent un certain nombre de ceux qui professent que l’on peut être un bourreau simplement par la couleur de sa peau, son identité sexuelle ou son pays de provenance et, à l’inverse, que l’on est toujours une victime simplement par les mêmes critères mais inversés.

C’est certainement ce que veulent ceux qui ont comme projet d’abattre la démocratie, de supprimer la liberté et de supprimer physiquement tous ceux qui ne sont pas d’accord avec eux.

En ces temps où la division et la stigmatisation de l’autre, celui qui est différent, est à nouveau le cri de ralliement de tous les haineux et à l’honneur de toutes les idéologies d’exclusion, mon seul ennemi est l’ennemi des valeurs démocratiques et républicaines.

Mon seul ennemi est l’ennemi d’un genre humain uni, solidaire, tolérant et respectueux de tous ses membres.

Mon seul combat est celui de l’universalisme humaniste, celui de l’Amour, cette unique base du vrai respect des hommes et des femmes entre eux et les uns pour les autres..

Alexandre Vatimbella

 

lundi 1 mars 2021

Le populisme est la négation de la démocratie

Si la démocratie est définie par la formule un peu trop lapidaire (il faut y ajouter ce qu’en disait Albert Camus: «la démocratie ce n’est pas la loi de la majorité mais la protection de la minorité») mais néanmoins puissante du président américain Abraham Lincoln, comme «le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple», dans sa dérive populiste, elle devient ce que l’écrivain Irlandais Oscar Wilde pensait de ce régime, «l’oppression du peuple par le peuple pour le peuple»

Dans le premier cas, l’individu s’y retrouve, pas dans le deuxième.

Et, pour Wilde, cette situation imposait la révolte de l’individu.

Non pas celle des populistes – qui n’est en fait qu’une litanie d’insultes suivie, parfois, d’émeutes violentes – mais de ces personnes libres qui refusent le diktat de la foule qui veut régir et assujettir tous les esprits affranchis parce qu’elle ne supporte pas les différences même si elle prétend se révolter contre un Léviathan mais qu’en fait elle veut simplement en prendre la direction pour ses propres fins.

On le constate tous les jours dans les pays qui ont installé par les urnes des populistes au pouvoir comme le Brésil, l’Inde ou la Hongrie (et, bien entendu, les Etats-Unis pendant la présidence de Trump) où les attaques continuelles contre l’Etat de droit démocratique ont pour but de museler tous ceux qui ne pensent et ne votent pas «correctement» avec leur stigmatisation et leur érection en boucs émissaires de tous les tourments possibles et imaginables.

De mauvais citoyens en quelque sorte.

On le constate dans les différents mouvements populistes qui ont vu le jour ces dernières décennies et qui n’étaient ni plus ni moins que la négation de la démocratie et non pas comme certains le prétendent dans des thèses abscondes, des rappels démocratiques voire des approfondissements de la démocratie.

A moins que selon eux la démocratie ne soit un grand carnaval permanent où l’on a le droit de faire n’importe quoi, de se prendre pour n’importe qui et d’agir en toute impunité en s’en prenant à tous ceux que l’on considère comme les «responsables» d’un monde que l’on fuit plutôt que de le bâtir pour qu’il soit meilleur.

Les slogans éructés lors des manifestations des gilets jaunes ou de l’assaut du Capitole n’ont rien d’une demande de plus de démocratie, n’ont aucun élément équivoque qui pourrait laisser penser à un message subliminal en la matière.

Pendre le président français ou le vice-président américain ne semblent pas des revendications qui l’a font avancer!

A tout le moins ce sont des avertissements sur l’irresponsabilité, l’immaturité et la dangerosité d’une partie de la population.

D’où des mesures urgentes qui passent, d’abord, par la neutralisation des séditieux qui veulent détruire la démocratie – la justice américaine semble plus efficace en la matière que la française –, ensuite, par toute une série de mesures de moyen-long terme sur la formation et l’information citoyennes pour enfin les sortir de leur obscurantisme qui se nourrit d’élucubrationisme (complotisme), d’ignorance et de haine.

A l’inverse du populisme qui a besoin d’un individu le moins formé et informé possible et qu’il déresponsabilise en lui faisant d’abord adopter une posture de revendications irréalisables, d’oppositions systématiques et de négation des réalités pour ensuite, une fois le pouvoir acquis, le diluer dans une masse informe de partisans marchant au pas, la démocratie, elle, a besoin de son adhésion effective et concrète en le faisant participer à son fonctionnement ce qui signifie d’impliquer sa responsabilité dans la décision politique prise et de lui faire accomplir un service civique, c’est-à-dire littéralement de rendre service à la communauté de laquelle il reçoit des droits mais qui également lui enjoint des devoirs de solidarité.

In fine, le but d’un régime populiste, c’est bien de faire du «peuple», un objet, alors que celui d’un régime démocratique, c’est de faire des individus, des citoyens actifs, des sujets.

Sans se leurrer qu’il y aura toujours des ennemis de la démocratie et qu’une partie d’entre eux sont les populistes.

Croire qu’il peut y avoir alliance entre les démocrates et les populistes, pire, que les populistes peuvent être une sorte de révélateur ou d’avant-garde qui permet à la démocratie un examen de conscience puis une régénération qui apportera un approfondissement de ses pratiques sont des vues de l’esprit, des fantasmagories coupables parce qu’elles donnent une légitimité à des gens qui instrumentalisent cette démocratie à des fins partisanes et surtout pour la détruire de l’intérieur.

D’ailleurs, l’on peut même dans ce contexte, rapprocher la définition de Lincoln de celle de Wilde.

Si le pouvoir est donné au «peuple», notion que dénie par exemple Hans Kelsen comme légitime parce que ne recouvrant pas la diversité de ses constituants, alors il est possible à celui-ci de l’utiliser comme oppression à ceux qu’il considère comme ne faisant pas partie de cette communauté.

 D’où le contrôle de ce peuple dans ses dérives par la protection de la liberté et du respect de la dignité de chacun qui empêche la majorité d’asservir la minorité.

Encore une fois, il faut écouter les aboiements des gilets jaunes et des partisans de Trump contre tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux dans cette formule totalitaire bien connue «qui n’est pas avec moi est contre moi».

Le populisme est une tare de la démocratie, une déviance qui ronge celle-ci avec des crises plus ou moins fortes à périodes répétées avec le risque que l’une d’elles emporte tout l’édifice patiemment construit.

C’est pourquoi il est, avec l’extrémisme, le repoussoir indiscutable de tous les démocrates.

 

Alexandre Vatimbella