mardi 5 avril 2016

C’est quoi «les valeurs de la Droite et du Centre»?

«Valeurs de la Droite et du Centre», voilà une expression que l’on entend de plus en plus dans la bouche des dirigeants de Les républicains mais aussi dans les médias.
Qu’est-ce d’abord qu’une valeur?
En philosophie, plus particulièrement en philosophie morale mais aussi en philosophie politique, la question de la valeur et d’un système de valeur divisent depuis Platon sur ce que l’on entend par ces termes, souvent fourre-tout, ainsi que sur leur réalité.
Pour le philosophe athénien, les valeurs se rapportaient à un Bien qui était indiscutable.
Néanmoins, au cours des siècles, le concept de valeur a été balloté entre les «objectivistes» et les «subjectivistes» (entre système de valeurs universelles et système de valeurs propre à chaque individu), sans oublier ceux qui niaient qu’il puisse en exister, comme les plus extrémistes d’entre eux, les nihilistes avec Nietzsche à leur tête.
Sans entrer dans un débat que l’on ne pourrait que survoler ici, disons qu’en politique, il existe des systèmes de valeurs défendus par les différents courants politiques ainsi que des systèmes plus larges englobant plusieurs de ces courants, comme par exemple, les fameuses «valeurs républicaines».
Quant à la valeur, elle peut se définir, très schématiquement, comme une référence et une base à l’action qui la légitiment.
Venons-en maintenant à la question de ces «valeurs de la Droite et du Centre» que nous rabâchent sans cesse les dirigeants de LR (Les républicains) pour embrigader dans un même mouvement droitistes et centristes dans leur primaire et dès le premier tour de l’élection présidentielle.
Selon la «Charte de la primaire LR», non seulement les candidats mais leurs parrains devront les partager.
On a bien compris que cette obligation a comme but d’éliminer les candidats mais surtout les parrains venus de formations politiques de gauche ou d’extrême-droite.
En revanche, qu’est-ce que cela veut dire «valeurs de la Droite et du Centre»?
Que toutes les valeurs de la Droite sont celles du Centre et inversement?
Qu’il faut partager à la fois les valeurs de la Droite et les valeurs du Centre pour être candidat et parrain?
Que c’est une nouvelle escroquerie pour embarquer le Centre sans sa volonté dans cette primaire qui n’est celle que d’un parti, Les républicains?
Que dit la Charte de la primaire adoptée par les instances de LR?
En son article un, elle déclare que «Le candidat à la présidence de la République soutenu par le parti Les Républicains en vue de l’élection présidentielle de 2017 est désigné à l’occasion d’une primaire ouverte à l’ensemble des citoyens partageant les valeurs républicaines de la droite et du centre et s’engageant pour l’alternance afin de réussir le redressement de la France».
Voilà qui ne donne guère de précision sur ces valeurs sauf qu’elles sont «républicaines».
Mais si elles ne sont que républicaines, cela signifie a priori que la gauche les partage également.
Essayons de voir ce qui distingue les valeurs de la Droite et du Centre, si tenté qu’il y en ait de réelles qui soient, à la fois, particulières et communes aux deux.
Puisqu’il s’agit des valeurs «républicaines», prenons d’abord la devise de la France, liberté, égalité, fraternité.
On ne peut pas dire que ce sont des valeurs uniquement de la Droite et du Centre, la Gauche s’en réclamant également.
Mais s’il s’agit de l’intensité de ces valeurs et de leurs relations entre elles, on ne peut pas dire que la Droite et le Centre soient exactement sur le même plan.
Si la liberté semble aussi importante des deux côtés (de même que la responsabilité qui va avec) et qu’elle a, à très peu de chose près, la même signification pour la Droite et le Centre, c’est moins le cas pour l’égalité où si l’égalité politique est identique, ce n’est pas le cas pour l’égalité sociale qui est un peu plus forte au centre qu’à droite – même si la méritocratie est autant défendue de chaque côté – ce qui découle, avant tout, d’une fraternité plus étendue chez les centristes qui vient, notamment, de leur héritage démocrate-chrétien, du personnalisme de Marc Sangnier et du solidarisme de Léon Bourgeois.
Donc, si l’on s’arrête au triptyque français, soit tous les partis républicains partagent ses valeurs, soit, si on prend, leur interactions les unes vis-à-vis des autres et leur degré d’application, elles ne sont pas identiques ce qui signifie, dans ce cas, qu’elles ne sont pas communes aux partis de droite et aux partis du Centre.
Si l’on veut parler des «valeurs humanistes» alors, là aussi, tous les partis politiques s’en revendiquent.
Evidemment, ce terme générique souvent employé ne signifie pas grand-chose si l’on ne dit pas quelles sont ces valeurs, ce que les politiques ne font pas souvent…
Peut-être que là, la Droite et le Centre partagent les mêmes, à l’intensité identique, ce qui les différencierait de la Gauche et de l’extrême-droite.
On peut estimer que ces valeurs sont, outre la liberté, l’égalité et la fraternité, la tolérance, la solidarité et l’on englobera également la vertu qu’est le respect.
Mais il faut néanmoins constater que le Centre défend une tolérance plus grande que la Droite ainsi qu’une solidarité plus étendue, la Droite privilégiant avant tout ici l’intérêt individuel.
Quant au respect du à la personne, le Centre en fait une de ses pierres angulaires alors que la Droite se focalise souvent sur celui du avant tout aux institutions.
Si l’on prend le principe de laïcité et que l’on dit par un rapprochement un peu excessif qu’il est une valeur, alors même chose que pour la devise nationale, tous les partis républicains la défendent mais la voient avec une intensité selon les cas et dans une application dans le champ sociétal qui sont différentes.
Cela vaut pour le Centre et la Droite dont les positions ne sont pas identiques.
Si l’on prend la sûreté dans ce que «vivre en sécurité» serait une valeur, même chose que pour la devise nationale, le principe de laïcité ou les valeurs humanistes, tous les partis politiques s’en réclament même s’ils ont des vues souvent très différentes quant à l’application de cette «valeur».
Bien entendu, on pourrait continuer à étaler des valeurs ou des concepts qui se rapprochent de ce qu’est une valeur mais on quitterait la définition même de la Charte de la primaire de LR qui ne parle que des «républicaines».
Force est de reconnaître, in fine, que ces valeurs républicaines de la Droite et du Centre» sont identiques à celles de la Gauche sur les grands principes.
Si l’on étudie leurs articulations entre elles et leurs degrés, alors chaque courant idéologique est différent d’un autre, ce qui semble normal si l’on estime que la Droite n’est pas Centre qui n’est pas la Gauche qui n’est pas la Droite sans même parler de l’extrême-gauche ou de l’extrême-droite.
Dès lors, soit les valeurs communes à la Droite et au Centre sont celles qui sont communes à tous les partis républicains, soit leurs articulations entre elles et leurs degrés d’application dans l’organisation de la société qui sont différents font qu’il n’existe pas une ligne politique identique entre la Droite et le Centre, donc pas de valeurs communes dans cette acceptation pratique de l’expression «valeurs communes».
Ce qui revient à signifier que la Droite n’est pas le Centre est inversement.
Ce qui n’empêche évidemment pas une coalition entre partis droitistes et centristes… républicains.

Alexandre Vatimbella





Le courage politique, les centristes et la présidentielle

Le courage n’est pas toujours de partir la fleur au fusil pour se faire massacrer en rase campagne, ni de prendre des risques inconsidérés qui aboutiront à l’inévitable, une défaite cuisante pour la cause que l’on défend.
Mais cela peut être, également, la décision de mettre sa cause au service d’une cause supérieure lorsque cela s’avère indispensable.
En politique, le courage est une des vertus principales avec l’honnêteté et la responsabilité.
Montrer du courage pour un homme ou une femme politique, c’est évidemment défendre ses choix, ses valeurs et ses principes contre vents et marées, ceux qu’on estime bons, non pour soi, son ambition et/ou uniquement les intérêts de la clientèle électorale que l’on défend, mais pour son pays, voire pour l’humanité.
C’est sans doute pourquoi le courage est souvent si peu présent, tout comme l’est l’honnêteté (dans les propos tenus voire dans les actes) et la responsabilité.
Cependant, le courage peut aussi se montrer d’une autre façon, en faisant passer l’intérêt du pays avant son engagement politique partisan à un moment donné afin de lui permettre de passer un cap difficile ou pour le soustraire à une grave menace.
Tel est aujourd’hui le dilemme des partis centristes français pour l’élection présidentielle de 2017.
Leur courage est-il de présenter un candidat, de ne pas en présenter en se ralliant en fin d’année 2016 ou au début 2017, dès le premier tour, à un candidat d’un autre parti ou indépendant, de faire alliance dès maintenant avec un parti et/ou un candidat?
Le premier scénario est d’aller au combat politique afin de défendre ce à quoi l’on croit, quel que soit le résultat et parce que personne d’autre de mieux placé ne le fait.
Ce courage politique est hautement respectable et se voit souvent chez certains politiques qui n’hésitent pas à batailler pour leurs idées et leurs valeurs en sachant qu’ils ne triompheront pas mais qu’ils permettront à celles-ci d’être mises en lumière lors de la campagne électorale.
Au cours de la V° République, des centristes se sont présentés à la présidentielle afin d’être le représentant d’un courant de pensée auquel ils croyaient et qu’ils souhaitaient être présents à ce scrutin crucial.
Ce fut le cas de Jean Lecanuet en 1965, de Raymond Barre en 1988 ou de François Bayrou en 2002 et 2007.
Le deuxième scénario est de rallier un candidat à un moment donné du processus électoral.
Il s’agit du cas où le résultat ne serait pas à la hauteur des espérances au vu des sondages alors qu’il faut barrer la route à un candidat dangereux en appelant à voter pour un autre plus proche de ses idées.
Ici on peut, néanmoins, défendre ses idées et ses valeurs, les présenter aux Français pour savoir ce qu’ils en pensent et s’ils y adhèrent avant de s’effacer pour ce que l’on croit le bien du pays.
Le troisième scénario est de renoncer à se présenter pour de rallier un candidat d’un autre parti dès le départ du processus électoral parce que les chances de l’emporter sont nulles et qu’une menace grave existe.
Ce cas de figure ne permet pas défendre ses idées et ses valeurs autrement qu’en négociant une place pour celles-ci dans le programme du parti ou du candidat que l’on a rallié, sans savoir si elles auraient eu un écho favorable auprès des Français.
Pour autant, dans ces scénarios, le courage politique peut être totalement absent.
Dans le premier, l’ambition et les inimitiés personnelles peuvent aboutir à une candidature qui n’a aucune chance, qui ne représente pas une alternative politique réelle, qui n’est pas crédible et qui va peut-être barrer la route au candidat le plus proche de ses idées et de ses valeurs tout en permettant à un candidat extrémiste d’être présent au second tour voire de l’emporter.
Dans le second et le troisième la peur de se compter et/ou de n’avoir plus députés et/ou de n’avoir pas de postes au gouvernement fait que le courage politique n’est pas présent laissant la place à de petits calculs et à des négociations où l’honneur de la politique n’a guère de place.
Analysons les trois scénarios vis-à-vis de la situation des centristes actuellement.
Le meilleur score que donnent actuellement les sondages au candidat centriste le mieux placé (François Bayrou) est de 13%, ce qui ne lui permet pas d’être au second tour, puisqu’il est, au mieux, quatrième.
De même, tous les sondages prédisent la présence de la candidate du Front national (Marine Le Pen) au second tour.
La place de deuxième finaliste est promise à Alain Juppé (qui est en tête de tous les sondages), s’il est désigné comme candidat de la Droite lors de la primaire de LR.
Si c’est Nicolas Sarkozy ou Bruno Le Maire, la seconde place sera disputée entre eux et le candidat socialiste, qu’il s’appelle François Hollande ou d’un autre nom.
On comprend dès lors que l’intérêt d’une candidature venue du Centre est, par rapport aux sondages et à l’équilibre des forces politiques datant de la dernière présidentielle (2012) ainsi que de toutes les élections intermédiaires, des municipales aux européennes en passant par les départementales et les régionales, sans oublier les législatives partielles, une candidature de témoignage.
Cela ne la rend pas moins nécessaire voire indispensable au courant centriste mais limite sa portée même si François Bayrou estime pouvoir terminer à la deuxième place lors du premier tour si le candidat de LR n’est pas Alain Juppé puis l’emporter au second face à Marine Le Pen, ce qu’aucun sondage ne confirme pour l’instant.
Le risque d’une candidature centriste face à une candidature droitiste (puisque les partis centristes sont alliés à LR) n’est donc pas de qualifier la candidate de l’extrême-droite pour le second tour puisqu’elle l’est dans tous les cas de figure mais d’y empêcher la présence du candidat de la Droite et, par contrecoup, favoriser celle du candidat de la Gauche.
Le Centre ne serait donc pas celui qui servirait de marchepied à l’extrême-droite mais celui qui barrerait la route à la Droite.
Néanmoins, le principal responsable de l’absence de la Droite au second tour serait d’abord la faiblesse de LR et de son candidat, la présence d’un candidat centriste n’étant que secondaire dans cet échec électoral.
Cette situation nous ramène aux deux scénarios sans candidat centriste lors du premier tour car l’on peut penser qu’en étant allié avec la Droite, le Centre préfère qu’il y ait le candidat de LR au second tour plutôt que celui du PS.
Mais cela élimine logiquement le troisième scénario où aucun candidat centriste ne se déclare pour mener campagne, celui qui est privilégié par le Mouvement démocrate (François Bayrou s’est déjà rallié à Alain Juppé) et l’UDI (qui souhaite dès à présent un accord de coalition).
Pourquoi?
Tout simplement parce qu’il sera temps, le 28 novembre prochain, au soir du second tour de la primaire de LR de faire un état des lieux, à la fois, d’une candidature centriste et de ses chances de l’emporter, et d’une candidature de LR, selon le candidat choisi par cette consultation et ses scores dans les sondages.
Dès lors, en l’occurrence, le courage politique des centristes est de présenter un ou plusieurs candidats pour défendre leurs idées et leurs valeurs, d’apprécier comment les Français les reçoivent et de se déterminer, in fine, au début de 2017 pour savoir s’ils vont à l’élection avec un candidat, celui qui est le mieux placé, ou s’ils rallient celui de LR pour lui assurer sa présence au second tour.
Et si ralliement il y a alors, il se fera en privilégiant malgré tout ces idées et ces valeurs, en négociant dans l’honneur une coalition qui donnera toute sa place au Centre dans la nouvelle majorité et le nouveau gouvernement si le candidat qui sera celui de la Droite et du Centre gagne la présidentielle.

Alexandre Vatimbella