jeudi 28 avril 2022

De l’urgence d’une alliance de l’axe central

S’il y a un deuxième enseignement à tirer de la victoire d’Emmanuel Macron après celui que les Français ont encore refusé l’option des extrêmes, ce qui n’est pas rien dans cette période instable où les repères de la raison disparaissent dans le brouillard élucubrationiste (que certains appellent improprement complotiste) et de la désinformation, c’est bien la nécessité de mettre en place immédiatement une alliance de tout l’axe central pour le quinquennat qui vient et peut-être pour plus longtemps encore.

L’axe central, rappelons-le une nouvelle fois, est l’espace politique qui regroupe l’ensemble des partis et courants politiques qui défendent la démocratie républicaine libérale, représentative et participative.

On y trouve des libéraux de droite, de libéraux sociaux du Centre et des sociaux-libéraux de gauche.

Cet axe, comme je l’avais prédit voici quelques années n’est plus, en France, que l’une des trois forces politiques majeures du moment face au bloc d’extrême-droite et à celui d’extrême-gauche (qui sont tous les deux plus larges que les formations qui s’en revendiquent car la recomposition politique n’est pas encore achevée et les partis de gauche et de droite traditionnels ont en leur sein des membres qui devraient logiquement rejoindre les blocs extrêmes).

Auparavant, l’axe central représentait à lui seul l’énorme majorité des électeurs sous la Ve République, les partis extrémistes, sauf le Parti communiste pendant quelques années, n’étant que des micro-partis, et ce avec des formations comme le PS, l’UDR-RPR-UMP-LR, l’UDF (confédération regroupant des partis libéraux et du Centre qui auparavant étaient indépendants) et quelques autres comme les Verts-EELV.

Je rappelle que l’existence d’un axe central n’est pas une donnée politique définitive.

Elle est due à une conjoncture historique où la démocratie républicaine se retrouve attaquée durement par ses ennemis de l’extérieur et de l’intérieur qui la fragilise et la menace d’une disparition qui pourrait être plus ou moins longue.

A ceux qui doutaient encore de cette réalité et prétendaient que cette thèse n’était que du catastrophisme puéril, le coup d’Etat avorté de Trump aux Etats-Unis le 6 janvier 2021 leur a, espérons-le, définitivement ouvert les yeux tout comme l’actuelle invasion de l’Ukraine par Poutine pour la raison majeure qu’elle est une démocratie et qu’elle veut s’arrimer aux autres de l’Europe.

Mais revenons à la France et à la situation présente après la réélection d’Emmanuel Macron.

Même si son score est élevé – rappelons que les abstentionnistes, nombreux lors de cette élection, donnent de fait à ceux qui vont voter le choix des dirigeants parce qu’une démocratie ne peut reconnaitre que ceux qui s’investissent dans son fonctionnement –, il n’est pas assez puissant pour avoir fait changer le cours des choses, c’est-à-dire que le renforcement des extrêmes s’est poursuivi puisque au premier tour (Le Pen, Zemmour et Dupont-Aignan avec plus de 30%) et au deuxième tour (Le Pen avec un peu moins de 41,5%), l’extrême-droite a fait ses plus hauts scores dans une présidentielle.

De même, Jean-Luc Mélenchon a fait un score plus haut que celui de tout autre candidat d’extrême-gauche à une présidentielle et a ainsi dépassé celui réalisé par le candidat communiste, en l’occurrence Jacques Duclos, en 1969 (21,95% contre 21,27%).

On voit bien que la montée des extrêmes est bien réelle et qu’il faut en tirer les conséquences pour sauver le régime de la démocratie républicaine.

Et cela passe obligatoirement par une alliance entre toutes les formations de l’axe central qui sont le PS, EELV, LaREM, le MoDem, Agir, Horizons, le Parti radical, UDI et LR pour ce qui est des principales.

Cette alliance ne doit pas forcément  devenir une coalition où toutes se retrouveraient ensemble dans un gouvernement.

Mais elle doit être basée sur une charte de la démocratie républicaine, des objectifs communs et des désistements lors des prochaines législatives pour le candidat le mieux placé face à celui ou ceux des extrêmes pour leur barrer la route puisque nous ne sommes pas encore en proportionnelle.

On voit bien que cette alliance sera difficile à réaliser quand une partie du PS, de LR et d’EELV louchent sur une alliance contre-nature avec les extrêmes, soit par dépit de la défaite encaissée à la présidentielle, soit par proximité de certains de leurs dirigeants avec ceux du RN, de Reconquête et de La France insoumise.

Cependant, il y a une responsabilité historique à protéger la liberté, l’égalité, la fraternité et le respect de la dignité, toutes ses valeurs humanistes qui sont attachées à la démocratie républicaine.

Et cela vaut sans conteste une alliance qui n’est pas là pour gommer les différences qui pourront toujours s’exprimer mais bien pour protéger un des plus grands biens de l’Humanité, celui qui fait rêver tous les peuples sous le joug d’autocrates et de dictateurs.

Alexandre Vatimbella

mardi 12 avril 2022

Le premier tour de la présidentielle consacre l’opposition entre l’axe central et les extrêmes

J’ai souvent prétendu qu’une recomposition politique était en cours ces dernières années dans les démocraties et plus particulièrement en France où la ligne de clivage principale ne passe plus par la grille de lecture gauche-centre-droite – qui existe toujours néanmoins et continuera d’exister – mais par une opposition frontale entre un axe central pro-démocratie républicaine libérale et des extrémismes positionnés sur l’autocratisme populiste.

Cet axe central, je le rappelle, va de la gauche social-démocrate et réformiste jusqu’à la droite libérale et progressiste en passant par le Centre libéral social.

Les résultats du premier tour de la présidentielle consacre cette nouvelle donne qui progressait depuis plusieurs années et qui avait commencé à trouver une incarnation politique et électorale pour l’axe central avec la victoire d’Emmanuel Macron en 2017.

Je précise tout de suite que l’opposition axe central- extrémisme populiste ne remplace pas l’échelle gauche-centre-droite mais se superpose à celle-ci.

L’axe central n’a pas vocation à être éternel.

Il est une réaction, une réponse à la menace existentielle contre les valeurs de la démocratie républicaine et s’impose aux partis de gauche, du Centre et de droite démocrates et républicains afin de faire bloc et d’empêcher une victoire de l’autocratisme populiste représenté par les extrêmes de gauche et de droite.

Et les électeurs de ce premier tour de la présidentielle ont apporté la preuve irréfutable de l’existence concret de ce nouveau clivage avec le représentant de l’axe central, Emmanuel Macron, qui a terminé en première position devançant la représentante de l’autocratisme populiste de droite, Marine Le Pen, qui a terminé deuxième et le représentant de l’autocratisme populiste de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui a terminé troisième.

Et ensuite, c’est le vide parce que les électeurs ont décidé de voter utile par rapport à ce clivage qu’ils ont bien identifié et pour lequel ils se sont positionnés en masse.

Les mauvais scores de Valérie Pécresse et d’Anne Hidalgo sont une autre preuve irréfutable qu’il ne fallait pas, pour les défenseurs de la démocratie républicaine libérale, se dispersés face à la montée des périls extrémistes, donc d’être des soutiens au candidat qui représentait le mieux l’axe central.

C’est pourquoi le deuxième tour de cette présidentielle sera crucial pour l’avenir des valeurs humanistes qui sont à la base du régime démocratique.

Ce qui peut le sauver, parce qu’il ne faut pas se voiler la face, il est en réel danger, c’est un sursaut de nombre de citoyens qui ne veulent pas voir la France sombrer dans l’extrémisme et le populisme mais aussi les différences trop fortes entre les soutiens de Mélenchon et ceux de Le Pen même si l’on voit qu’une partie des électeurs du premier nommé prévoit de voter pour la représentante de l’extrême-droite.

L’axe central est donc avant tout une résistance, une vraie, face au péril qui menace la liberté, l’égalité et la fraternité.

Pour autant, il doit offrir autre chose que d’être uniquement contre l’extrémisme même si cela est le fondement de son existence et de sa personnalité.

Le programme porté cette année par Emmanuel Macron tente d’être cette offre d’une société qui libère les forces créatrices l’individu tout en le protégeant contre les inégalités de naissance et les aléas de l’existence afin que chacun puisse maîtriser au mieux son projet de vie et le réaliser du mieux possible.

Car c’est cela la promesse de la démocratie républicaine libérale portée à la fois par la Gauche, le Centre et la Droite, et c’est cette promesse qui doit être l’étendard de l’axe central jusqu’à ce qu’il est terrassé le monstre extrémiste et populiste.

Les Etats-Unis avaient perdu une bataille en 2016 avec l’élection de Trump.

A la France de montrer qu’elle a retenu la leçon et qu’elle ne tombera pas dans l’immonde que Donald Trump nous a offert pendant sa présidence puis lors de sa tentative de coup d’Etat après sa défaite en 2020.

Alexandre Vatimbella

 

samedi 9 avril 2022

La dangereuse guerre contre «le système» au nom du «peuple»

Partout dans les pays démocratiques, lors d’une élection, les candidats, dont le sortant s’il se représente, veulent faire la guerre au «système».

Ce fut le cas d’Obama puis de Trump et de Biden aux Etats-Unis.

A chaque élection présidentielle américaine, tous les candidats font le même serment: s’ils sont élus, ils iront à Washington pour «réparer» le gouvernement  ainsi que lutter contre la bureaucratie et les politiciens qui profitent d’un «système» qui ne marche plus depuis longtemps.

C’est le cas, en ce moment, de tous les candidats sans exception à l’élection présidentielle française.

Mais qu’est-ce que cet énigmatique «système» et pourquoi cette volonté commune à le combattre?

Un système, c’est, selon sa définition commune, un ensemble d'éléments interagissant entre eux selon certains principes ou règles.

Pour ce qui nous concerne «le système» c’est, selon le CNRTL (Centre national de ressources textuelles et lexicales), l'armature économique, politique, morale, idéologique d'une société considérée comme un ensemble social rigide et contraignant.

Lutter contre «le système», c’est donc se battre contre l’ordre établi.

Mais, à l’inverse de l’ordre démocratique, par exemple, qui est légitimé par l’adhésion du peuple par les élections, celui-ci serait plutôt une organisation qui fonctionne en vase clos avec des règles particulières et qui se superposerait  à la démocratie républicaine, plus grave, pourrait interférer dans le fonctionnement de celle-ci, voire, pire, la phagocyterait et agirait à sa place.

On voit bien ici un concept qui peut rapidement conduire à des thèses élucubrationistes (complotistes) et à faire de cet hydre présumé le responsable de tous les maux possibles et imaginables.

Car «le système» est dénoncé comme s’appropriant une légitimité que personne ne lui a donnée et doit donc être combattu.

Le problème est qu’il est impalpable et qu’il n’y a aucun organisme centralisé qui le régit auquel on pourrait s’attaquer pour le détruire.

Car, s’il existe, «le système» c’est nous tous et non un Léviathan qui, dans l’ombre, agirait systématiquement  contre «l’intérêt général»  – s’il en existe un – pour l’intérêt de quelques uns ou, plus sûrement, pour son propre intérêt d’organisation.

C’est tellement vrai que lors d’une révolution «le système» ne disparait jamais…

«Le système» c’est en fait notre vie en société et est constitué de tous les rapports entre individus et les motivations et intérêts de chacun.

Vouloir le réduire à une bande de profiteurs occultes, eux-mêmes esclaves de son fonctionnement, revient à justifier une gesticulation et une rhétorique du faux changement mais aussi d’une impossibilité à changer réellement ce qui peut l’être.

Tout ce combat contre «le système» se fait, dans les discours politiques, au nom du «peuple».

Voilà encore une notion englobante qui ne veut pas dire grand-chose d’autre qu’une population soumise à l’autorité d’un même Etat.

D’autant que c’est bien dans ce «peuple» que l’on trouve les membres de ce fameux système et ses profiteurs.

Mais les profiteurs ne seraient-ce pas nous, tout simplement?!

Chacun de notre côté, nous privilégions d’abord notre intérêt et celui de nos proches ce qui nous amène à rechercher le plus souvent la meilleure option en notre faveur avant celle qui contente tout le monde.

De même, nous nous arcboutons sur nos situations acquises et nos privilèges qui font de nous des bénéficiaires du système.

On comprend bien que «le système» est une notion fourre-tout qui peut se retourner contre tous ceux qui l’utilisent.

Maintenant, s’il s’agit de faire la chasse à ceux qui s’enrichissent indûment, à ceux qui bafouent les lois à leurs profits et à ceux qui produisent de l’instabilité et de l’insécurité pour leurs propres objectifs, alors oui, nous devons agir.

Mais ils ne font pas partie d’un quelconque «système».

Tout au plus, comme les mafias, il peut y avoir des organisations qui se structurent pour parasiter la société et exploiter ses failles afin d’en tirer avantage.

Elles peuvent même parfois s’allier ensemble.

Cependant, jamais elles ne sont «le système» qui serait l’ennemi numéro un du «peuple».

Le seul résultat de cette rhétorique, c’est de flatter nos comportements paranoïaques et nos sentiments victimaires ce qui fait le lit de tous les extrémistes et populistes.

Alexandre Vatimbella