lundi 27 février 2023

S’opposer, est-ce le rôle de la minorité en démocratie?

Une opposition, ça s’oppose.

Derrière ce truisme, il y a d’abord des significations.

Une opposition c’est une lutte contre.

S’opposer, c’est faire obstacle à quelque chose, agir contre quelqu’un, combattre, empêcher.

Que des termes négatifs…

S’opposer en politique ce serait donc quelque part plutôt détruire que construire puisqu’il s’agirait de contester systématiquement les décisions du pouvoir en place.

Dès lors, la pratique de l’opposition dans une démocratie est généralement d’être constamment dans un conflit avec ce pouvoir ce qui mine le système.

On est même souvent dans l’«oppositionisme» de principe avec des opposants dont la religion est d’être toujours contre.

Pourtant «opposer» c’est aussi mettre en regard deux visions différentes ou deux manières d’agir.

C’est bien sûr toujours d’être face à face avec une chose mais cela peut permettre néanmoins d’être parfois aussi côte à côte, en construction commune lorsque des visions différentes partagent quelques points identiques ou proches.

Avoir des divergences souvent profondes n’exclut pas d’avoir parfois des convergences réelles et de pouvoir former des consensus de circonstance.

Bien sûr, cette situation survient de temps à autres mais elle est tellement vue comme anachronique que l’on s’en étonne ou qu’on la présente comme une exception qui confirme la règle.

Alors oui, un système démocratique par essence reconnait la divergence d’opinion et la réalité que tout le monde n’est pas d’accord sur tout.

L’unanimisme en matière politique, qui serait une sorte de nirvana s’il correspondait à un vrai accord libre de toutes les parties, est plutôt suspect pour des démocrates tant il ressemble au fonctionnement d’une société totalitaire.

Cependant, une démocratie apaisée, c’est-à-dire mature, doit pouvoir pratiquer le consensus et le compromis le plus possible sans que cela soir vu – et du côté de la majorité et du côté de la ou des minorités – comme une sorte de dévoiement de leurs principes ou de compromission, au contraire mais comme la reconnaissance que quand ce qui rapproche est plus puissant que ce qui éloigne, on peut trouver un accord qui ne vous fera pas passer comme «traître» ou «vendu».

D’où, bien sûr, ce constat que nous sommes loin d’avoir atteint la maturité démocratique...

Peut-être, déjà, on pourrait bannir le terme «opposition» pour désigner la ou les minorités politiques car le rôle premier de celles-ci n’est pas, en effet, de s’opposer mais bien de représenter d’abord ceux qui les ont élues dans une démarche plus positive de défense d’une politique plus ou moins alternative à celle suivie par la majorité.

Ce serait également leur donner une image plus avantageuse.

 

 

samedi 25 février 2023

Un service public d’information citoyenne n’a jamais existé, il est grand temps de l’inventer

Informer correctement les citoyens est non seulement un devoir impératif pour la démocratie mais une entreprise existentielle pour qu’elle puisse perdurer et, surtout réaliser ses promesses d’émancipation de tous les individus.

Sans un citoyen bien formé et informé c’est-à-dire éveillé et «au courant», capable de comprendre le monde qui l’entoure pour prendre des décisions responsables concernant ses intérêts et celui de ses proches mais aussi de la communauté dans laquelle il vit, il ne peut y avoir de vraie démocratie.

Or jusqu’à présent la possibilité de recevoir une information non biaisée et sans filtre venant d’un véritable service public d’information citoyenne n’a jamais été réalisée malgré les engagements et les timides tentatives.

La mémoire collective est le plus souvent bien défaillante aidée en cela par des récits qui prennent beaucoup de liberté avec les faits.

C’est le cas avec le journalisme.

Ainsi, on nous explique que nous serions entrés dans l’ère de l’information spectacle, d’une déontologie journalistique peu respectée et une volonté de faire le buzz avec une prédominance de l’opinion dans la narration et le commentaire des faits.

Or cette description est celle, avec plus ou moins de nuances, de ce qu’est le journalisme depuis toujours!

Dès lors, celui-ci n’a jamais rempli le rôle premier qui doit être le sien dans une démocratie républicaine, donner une information citoyenne c’est-à-dire la plus neutre possible en relatant les faits et en les expliquant pour que ce soit le citoyen lui-même qui se fasse son opinion en toute indépendance au mieux de ses intérêts, de ses valeurs en regard de son comportement responsable dans la communauté dont il fait partie.

Oui, le service public d’information citoyenne n’existe pas, n’a jamais existé et est  encore à inventer.

Il est donc grand temps d’installer cet organisme qui fera passer un palier à la démocratie réelle afin de la rendre mature, pour la rapprocher de son idéal.

La formation du citoyen (instruction et information) est si importante qu’il nous faut revoir de fond en comble les outils de la diffusion l’information citoyenne et plus particulièrement ce que l’on appelle faussement «le service public» qui existe dans la plupart des pays démocratiques mais qui fonctionne avec une tutelle plus ou moins importante de l’Etat et un cahier des charges trop mince qui laisse la possibilité de dérives idéologiques ainsi que de mauvais fonctionnements tant au niveau de son organisation que de la qualité de l’information diffusée.

Dans ce cadre, il faut tenir en très haute estime le journalisme et le métier de journaliste.

Et pour ceux qui souhaitent être des journalistes du service public, il faut mettre en place une formation particulière et une déontologie très stricte.

On la souhaiterait pour l’ensemble de la profession mais une ligne rouge que l’on ne peut pas dépasser se dresse: la liberté d’opinion qui se traduit par la liberté d’expression donc la possibilité pour tous de créer et/ou de travailler dans un média indépendant.

Parce que, bien évidemment, le service public d’information citoyenne doit coexister avec la presse privée quelle qu’elle soit.

Sa complémentarité est la presse d’opinion alors qu’aujourd’hui on a plus que l’impression que c’est le service public qui est un auxiliaire de celle-ci.

D’où, sans doute, son incapacité à remplir sa mission.

Alexandre Vatimbella

 

vendredi 24 février 2023

Comprenons-nous bien le séisme planétaire (et européen) de la guerre en Ukraine?

Après la Seconde guerre mondiale, devant le monde en ruine, le «plus jamais ça» qui avait déjà été clamé après le premier conflit planétaire, était de nouveau de mise.

Il ne fallut malheureusement pas longtemps avec les guerres de décolonisation et la guerre de Corée pour démontrer le fantasme d’un monde sans guerre.

Cependant, les Européens qui avaient été à l’origine des deux guerres mondiales (ou, pour certains, d’une grande guerre mondiale allant de 1914 à 1945) semblaient avoir retenu la leçon, surtout compris que cela ne servait à rien de s’affronter dans une violence inouïe où il n’y avait que des perdants.

La construction européenne, d’un côté, et la guerre froide, de l’autre, avaient, pour des raisons évidemment différentes, éloigné le risque d’un conflit sur ce continent tant meurtri qu’avait été jusque-là l’Europe.

Et le but semblait enfin atteint en 1989 avec la chute du mur de Berlin, une démocratisation de la Russie et l’intégration des pays de l’Est dans l’Union européenne afin d’éviter que des guerres éclatent entre eux notamment sur des questions de territoires et de minorités comme entre la Roumanie et la Hongrie, par exemple.

Même la séparation entre les Tchèques et les Slovaques se passa pacifiquement.

Bien sûr, il y a eu le guerre sanglante dans l’ex-Yougoslavie avec son lot de morts, de violences et d’actes barbares.

Mais si l’Europe vacilla quelque peu, ce conflit put être circoncis aux territoires de l’ancienne fédération avec la création des entités nationales indépendantes qui permit d’y mettre fin.

Et l’on put la qualifier de guerre civile, ce qu’elle était en partie.

Tout autre est l’invasion de l’Ukraine par Poutine.

Car cette guerre déclenchée par le potentat du Kremlin était tout autant dirigé contre l’Ukraine et son indépendance que contre les démocraties européennes.

Il s’agissait et il s’agit toujours pour Poutine de faire de l’Europe un glacis à sa botte au prix d’une guerre totale comme en témoigne l’implication de son armée et ses exactions qui n’ont pas de précédents depuis… la Seconde guerre mondiale et les visées hitlériennes.

Oui, l’Europe n’est plus ce continent «raisonnable» qui avait trop vu et vécu la guerre destructrice pour se lancer dans autre.

Peu importe que le déclenchement soit venu d’un criminel, ce fut aussi le cas en 1939 avec Hitler.

Jusqu’au 24 février 2022, nous pouvions nous targuer d’être en dehors de cette violence guerrière que connait tant de régions du monde avec des bilans humains vertigineux.

Nous pouvions même nous présenter en exemple en affirmant que les autres continents devaient nous suivre, prendre modèle sur notre capacité à avoir compris la leçon au prix de dizaines de millions de morts.

Désormais, c’est fini et c’est une véritable désillusion pour tous les humanistes qui espéraient sans le croire vraiment que nous avions fait, nous, Européens, un pas décisif vers la construction d’un monde de respect de la dignité humaine et que l’Humanité y parviendrait un jour.

Nous ne mesurons sans doute pas encore toutes les conséquences de ce véritable changement de paradigme mais nous savons maintenant que la guerre revient toujours un jour ou l’autre n’importe où, même là où elle semblait bannie, malgré nos serments du «plus jamais ça».

Et c’est une calamité.

Alexandre Vatimbella