samedi 24 novembre 2018

Depuis l’invention de l’information spectacle, le spectacle prime sur l’information

On parle beaucoup de «fake news» dont le but serait de déstabiliser un régime politique.
Avec les nouvelles techniques de l’information (internet, câble, diffusion numérique de la télévision), ces «fausses informations» ou «infox» selon la nouvelle terminologie française, ont pris une nouvelle dimension mais elles ont toujours existé et on les nommait plutôt propagande et étaient surtout mises en route par des groupes politiques et des Etats ainsi que par des entreprises qui pouvaient tenter de maquiller de la simple publicité en information.
Aujourd’hui, n’importe qui peut diffuser sur une large échelle ces infox.
Il y avait bien sûr les attaques personnelles mensongères qui, aussi, de nos jours, ont pris une nouvelle dimension mais que l’on appelait plutôt de la diffamation.
Mais l’on oublie, dans ce débat, une dimension extrêmement importante, peut-être la plus importante de toute, c’est la transformation de l’information en spectacle.
Cette mue ne date pas d’hier, elle a commencé à la fin du XIX° siècle et a réellement pris son essor au cours du XX° siècle (ce qui permet, encore une fois, de tordre le coup à cette légende d’un «âge d’or de l’information») lorsque l’éducation du peuple couplé aux progrès technologiques a permis à la presse écrite de devenir un phénomène de masse où les différents intervenants se devaient d’attirer le chaland.
Aujourd’hui, grâce aux nouveaux canaux d’information permis par la technologie, elle s’est répandue de manière endémique.
Le fondement de l’information spectacle est que l’information est un produit comme un autre, qui doit se vendre comme un autre et que pour faire appâter le «client» (lecteur, auditeur, téléspectateur, internaute), il faut la mettre en scène, la rendre la plus attirante possible et la faire coller avec les souhaits et les désirs de cette clientèle (ce qui permet, entre autres, de faire quelques concessions voulues avec la réalité).
Et, comme pour n’importe quel produit, la forme est au moins aussi importante que le fond.
Un gros titre vendeur vaut mieux qu’un titre informatif, une image «choc» vaut mieux qu’une image documentaire…
Et, comme pour n’importe quel spectacle, la mise en scène est primordiale.
Il convient ici de ne jamais oublier que les entreprises de presse ont toujours été des sociétés commerciales dont le but est d’avoir le plus de clients possible, donc de faire le plus de profit possible.
Et quand cette caractéristique commerciale est doublée d’une volonté partisane, cela a plutôt tendance à multiplier le côté spectaculaire au détriment de l’aspect informatif.
Dans un système de concurrence, il faut donc être meilleur que l’autre.
Les quotidiens et autres supports papiers se sont livrés des luttes dantesques pendant des décennies.
Puis ce sont les radios qui se sont affrontées avant que ce ne soit les chaînes de télévision «publique» (on se rappelle les luttes entre la première et la deuxième chaîne sur l’audimat du journal télévisé de 20 heures…).
Désormais, avec un paysage audiovisuel et numérique où le nombre d’acteurs s’est multiplié, la chasse au client a pris une dimension jamais vue auparavant.
Et pour que ce client aille plutôt regarder cette chaîne d’info en continu que sa rivale, plutôt ce site internet que son alter ego, aille plutôt écouter cette radio que sa concurrente (même chose pour la presse écrite), il faut lui «vendre» l’information du mieux possible et le plus vite possible.
Le mélange spectaculaire et immédiateté produit un mélange détonnant qui, de plus, entre en synergie avec l’inculture et la mauvaise formation d’une partie du personnel journalistique (auquel il faudra bien un jour s’attaquer).
Dès lors, où est l’information citoyenne?
On pourrait penser qu’elle se trouve du côté du service public de l’information que la plupart des pays du monde possède et qui devrait remplir le rôle de permettre aux citoyens de s’informer en-dehors des problèmes commerciaux et partisans.
C’est en tout cas sa mission dans les démocraties républicaines.
Or cette mission, en particulier en France, n’est absolument pas remplie.
D’une part parce que le service public a été mis en concurrence avec le secteur privé (dont la logique demeure essentiellement commerciale, ne serait-ce d’ailleurs que pour subsister) et parce qu’il est souvent le lieu d’une intense polarisation idéologique donc partisane.
Du coup, partout on l’on va pour s’informer, nous n’obtiendront que des informations biaisées où les faits sont souvent tronqués, systématiquement mis en scène, presque toujours parasités par un commentaire qui ne dit pas son nom dans un but commercial et/ou idéologique.
Ce paysage médiatique, comme on l’a vu, n’est pas nouveau mais le phénomène de l’information spectacle (que les Américains appellent «infotainement») est désormais la normalité.
Ce qui m’amène à parler de la défense bien connue du monde médiatique (au-delà de ses dénégations sur les comportements cités ci-dessus): si nous sommes comme ça, c’est parce que le lecteur le demande.
Tous ceux qui ont travaillé dans le milieu journalistique ou ont eu affaire à lui, ont entendu cette affirmation.
Comme le public demande du spectacle, donnons-en lui comme le faisait les Romains avec les jeux.
Là, se trouve une des supercheries les plus hypocrites.
Que des entreprises commerciales cherchent par tous les moyens à vendre leurs produits, c’est une évidence et elle est même légitime (quand il n’y a pas tromperie du client).
Le problème, c’est que l’information (en tout cas dans de multiples secteurs, de la politique à l’économique, du social à l’international), n’est pas un produit comme un autre.
Qu’il existe des médias qui contentent les souhaits de certains, peu importe.
Néanmoins, il ne peut être question de tordre le cou à la réalité pour vendre du mensonge sur des informations citoyennes en prétextant que c’est le bon peuple qui le demande.
Une telle justification est contraire à la mission de la démocratie républicaine, donc à la liberté de la presse qui lui est consubstantielle.
L’information doit être vraie et le commentaire libre mais l’une et l’autre doivent être clairement séparés.
Nous ne le changerons pas et, comme le rappelait Alexis de Tocqueville, il faut préférer les maux d’une presse libre imparfaite à l’absence de liberté d’information.
Néanmoins, nous pouvons l’amender dans un sens où le citoyen, à côté de ces médias commerciaux, doit pouvoir se tourner vers un vrai service public qui respecterait, enfin, les règles journalistiques de base en matière d’indépendance, d’honnêteté et qui remplirait son rôle d’informer (avec cette volonté formatrice qui est à la base d’acquérir ce savoir qui permet au citoyen d’être une personne responsable, c'est-à-dire capable d’agir sur son existence en toute connaissance de cause).
De même, nous pouvons créer des entreprises de presse associatives qui seraient à la base d’un pluralisme partisan qui, aujourd’hui, est menacé par l’aspect uniquement commercial des médias.
Enfin, un effort très important doit être fait dans la formation, à la fois, des citoyens (notamment lors de la formation scolaire) qui doivent pouvoir décrypter et comprendre au mieux l’information qu’on leur sert mais aussi des professionnels, en particulier les journalistes, qui doivent avoir une base solide mais aussi le respect d’une déontologie qui, certes, existe aujourd’hui mais semble être un phare dont la lanterne est tombée en panne depuis trop longtemps.
Et que l’on se rappelle que si, sans liberté de la presse, pas de démocratie, sans une information citoyenne pas de vraie démocratie.

Alexandre Vatimbella


mardi 20 novembre 2018

Tous les jours doivent être la journée de l’enfant! Opus 2

L’année dernière en ce 20 novembre j’ai écrit un éditorial «Tous les jours doivent être la journée de l’enfant!» que je pourrais reprendre à l’identique à la virgule près! (texte à lire ci-dessous).
Car, en un an, rien n’a changé ou si peu.
Tout juste sait-on qu’il n’y a toujours pas de ministère dédié aux enfants (une faute politique de Macron, malheureusement sans doute pas une faute électoraliste comme l’augmentation des taxes sur les carburants…) et que c’est le ministère de la Santé qui a récupéré la problématique de l’enfance avec des annones de-ci, de-là, et un prochain plan qui devrait être annoncé avant la fin de l’année.
Mais où sont les actions concrètes, où sont les moyens financiers dégagés, où en est la prise de conscience collective?
Où en sont les grandes campagnes de prévention et d’information?
Où en est l’année de l’enfance, grande cause nationale, que demandent toutes les associations de protection des enfants depuis des années?
Pourquoi n’enseigne-t-on pas dans les écoles, les collèges et les lycées les dangers des agressions sexuelles pour que les enfants soient au moins au courant des dangers qu’ils peuvent courir?
Pourquoi aucun président de la république n’a jamais pris la parole en ce 20 novembre pour dire combien l’Etat se préoccupe du bien-être des enfants?
Pourquoi la maltraitance aux enfants ne fait les gros titres que lorsqu’il y a un fait divers scabreux ou pour cette «journée» du 20 novembre?
Pourquoi, surtout, la société ne respecte pas les enfants et l’enfance comme cela devrait être fait, que ce soit les pouvoirs publics ou la population?
Trop de pourquoi pour si peu d’agir.
Alors, dans un an, le 20 novembre 2019, je pourrai réécrire la même prose que vous pourrez relire encore une fois.
Puis en 2020, 2021, 2022, 2023,…


Ce 20 novembre, comme tous les ans depuis 1993, est la Journée internationale des droits de l’enfant (*).
Loin de moi de vouloir supprimer cette date qui a le mérite d’exister en faisant parler un peu plus des problèmes des enfants et de l’enfance comme on peut le constater dans les médias.
Mais, cette journée ne doit pas être un alibi, un gadget ou une manière d’évacuer le problème les trois cent soixante quatre autres jours de l’année.
De même, comme pour la journée de la femme ou d’autres journées de ce type, c’est bien tous les jours, toute l’année, que l’on devrait célébrer les enfants et leurs droits.
Non pas parce que ceux-ci sont des dieux à vénérer comme l’affirment tous les adultes frustrés qui croient que les enfants sont des rois et sont respectés, si ce n’est dans le monde entier, en tout cas en France et qui, pour certains, ont oublié qu’ils ont été des enfants.
Mais parce que, si la condition de l’enfant est évidemment bien plus enviable dans les pays avancés, affirmer qu’il est respecté comme une vraie personne et qu’il n’est victime d’aucune violence, discrimination et condition de vie parfois indigne, est tout simplement un mensonge.
D’abord, tordons le cou à cette infâme idée que l’enfant serait un roi.
En réalité, dans notre société où pullulent les égocentristes égocentriques, l’enfant est mis par ceux-ci sur un piédestal uniquement parce qu’il est leur rejeton.
Car les rois ce sont eux et leur progéniture fait partie de la famille royale mais n’est pas du tout respectée comme des personnes.
Voilà qui est dit.
Maintenant, tous les jours nous apprenons que des enfants ont été violentés physiquement ou psychologiquement, assassinés, qu’ils vivent dans la rue ou dans des taudis, qu’ils ne sont pas scolarisés, qu’ils vivent dans un état de pauvreté indigne, etc.
Et tout cela, pas à des milliers de kilomètres mais, ici, en France.
Imaginons ce que c’est, ailleurs, où certains sont des esclaves (comme travailleurs ou comme objets sexuels), de la chair à canon ou des bombes humaines télécommandées (à ce sujet, il faudrait que les médias arrêtent de dire qu’ils se sont fait sauter dans un attentat-suicide alors qu’ils sont quasiment tous jetés au milieu de gens avec une bombe munie d’un minuteur ou télécommandée et qu’ils seront les premières victimes des monstres qui les ont obligés à la porter).
Imaginons dans quelles conditions exécrables ils vivent dans les pays pauvres où ils n’ont pas assez à manger, où ils ne peuvent pas étudier, où ils n’ont aucune perspective d’avenir.
Alors, au lieu de se raconter des histoires sur l’état de l’enfance en France (pays qui, rappelons-le, a été critiqué récemment sur nombre de points par l’UNICEF dans un rapport détaillé) et de croire que tout ne va pas si mal parce que des ONG tentent de palier au plus pressé, agissons.
Et pas seulement le jour de la journée internationale de l’enfant.
Comme le dit l’ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny et défenseur infatigable de la cause des enfants, Jean-Pierre Rosenczveig, dans son blog (lire ici l’entier article intitulé «20 novembre, jour des droits de l’enfant: une blague?), «on ne sent pas un appétit, on ne sent plus une dynamique sur le thème ‘droit des enfants’. On va commémorer quand il faudrait s’engager. On met le focus sur le seul dossier économique. Et on a tort: pour essentiel il ne suffit pas à rendre justice aux plus faibles ou à prendre en compte les plus fragiles.»
Et de s’interroger comme je l’ai fait ici voici quelques mois: «L’enfant est-il encore un objet explicite de politique publique? On peut en douter avec la disparition d’un ministère de l’enfance même associé à la famille. Qui sait aujourd’hui quel est le ministre en charge du dossier ‘droits des enfants’?»
Oui, monsieur Macron, s’occuper des enfants nécessite un ministère à part entière.
En tant qu’humanistes, les centristes doivent être au cœur de ce combat pour les droits de l’enfant mais, plus largement, pour le respect du aux enfants et à l’enfance parce qu’en protégeant, en accompagnant et en reconnaissant ceux-ci comme des personnes, il en va de ce que nous sommes, de cette part du divin qui est en nous et de ce que nous voulons bâtir sur cette planète pour nous, pour eux.

(*) Elle est l’héritière de la Journée mondiale de l’enfance instituée par l’ONU en 1954 et toujours célébrée comme telle par l’organisation internationale


dimanche 11 novembre 2018

«Je vous déclare la paix»

Indécrottable défenseur de la paix, le centriste Aristide Briand pouvait déclarer aux anciens combattants français le 14 juin 1931:
«La France ne se diminue pas quand libre de toute visée impérialiste et ne servant que des idées de progrès et d'humanité, elle se dresse et dit à la face du monde: ‘Je vous déclare la paix’».
Mais celui qui fut un des principaux architectes du rapprochement franco-allemand de l’entre deux guerres et qui reçut en 1926 le Prix Nobel de la paix pour cela (il mourut en mars 1932 avant l’arrivée au pouvoir d’Hitler) était tout sauf un pacifiste béat.
Ainsi, il disait aussi:
«Il ne suffit pas d'avoir horreur de la guerre. Il faut savoir organiser contre elle les éléments de défense indispensables. Mon pays peut le faire sans avoir à abandonner une politique de paix.»
Et il ajoutait:
«Il importe essentiellement en politique internationale de ne jamais démunir son pays des moyens dont il peut avoir besoin, non pas seulement pour lui mais pour la communauté des nations solidaires.»
Demeurer prêt à la guerre pour garder la paix: cette évidence était au cœur de son combat humaniste et de sa volonté de «plus jamais ça» tout en reconnaissant la réalité d’un monde où les jours de guerre sont plus nombreux que ceux de paix.
Onze fois président du conseil et longtemps ministre des Affaires étrangères, celui qui fut baptisé le «pèlerin de la paix» n’était pas de ceux qui ne font que des beaux discours et ne prennent pas leurs responsabilités dans l’action.
Pour que cette paix soit durable, il savait qu’il fallait une Europe unie et il était parfaitement conscient que le traité de Versailles façonné par Georges Clémenceau – qui le haïssait – avait été une occasion manquée en ce sens.
Promoteur, à l’instar de Victor Hugo, des «Etats-Unis d’Europe», il parle de manière prémonitoire de «Communauté européenne» et estime «qu’entre des peuples qui sont géographiquement groupés comme les peuples d’Europe, il doit exister une sorte de lien fédéral; ces peuples doivent avoir à tout instant la possibilité d’entrer en contact, de discuter leurs intérêts, de prendre des résolutions communes, d’établir entre eux un lien de solidarité qui leur permette de faire face, au moment voulu, à des circonstances graves si elles venaient à naître. C’est ce lien que je voudrais m’efforcer d’établir.»
Aristide Briand savait également que la paix, pour être réelle, devait avoir un soubassement légal dans les relations internationales:
«Il s’agit de fonder la paix du monde sur un ordre légal, de faire une réalité de droit de cette solidarité internationale qui apparaît comme une réalité physique.»
Le fameux pacte Briand-Kellogg signé en 1928 par une soixantaine de pays mettait «la guerre hors-la-loi».
Ce sont des personnalités comme lui et d’autres qu’il nous faut aujourd’hui pour que cette «déclaration de paix» demeure une réalité en Europe depuis près de 80 ans (malgré quelques anicroches épouvantables de l’ex-Yougoslavie à l’Ukraine) et qu’elle s’étende enfin sur toute une planète encore ravagée par les conflits où les populations civiles sont les principales touchées comme en Syrie ou au Yémen, en République du Congo ou en Birmanie.
Les centristes, gardiens du legs de Briand, doivent être en première ligne en défendant ce pacifisme lucide, cette paix qui ne se construit pas sur des abandons et des compromissions avec ses ennemis qui sont souvent ceux également de la liberté et de la démocratie républicaine.
Au moment où l’on commémore le centenaire de l’armistice de 1918, où tant de gens crurent que la guerre était enfin et définitivement reléguée dans les poubelles de l’Histoire dans une exaltation extraordinaire, rappelons-nous le sacrifice de ces millions de gens qui ne servirent à rien puisque la Deuxième guerre mondiale éclata vingt ans après (les deux conflits mondiaux sont souvent groupés par certains historiens contemporains qui parlent d’une même grande guerre mondiale avec un armistice de deux décennies entre ses deux phases) et que nous en sommes toujours à comptabiliser les millions de morts qui jonchent les champs de bataille mais aussi les champs et les villes de civils depuis la capitulation de l’Allemagne et du Japon en 1945.
Oui, la paix mais pas à tout prix, notamment à celui qui fait que ses ennemis en profitent pour créer le chaos grâce à la naïveté de certains pacifistes.
Fragile comme la démocratie, la paix à l’instar de la liberté, se défend sans concession.

Alexandre Vatimbella

jeudi 8 novembre 2018

Et pendant ce temps, les enfants continuent d’être maltraités, violentés et assassinés

Les beaux esprits nous rabâchent sans cesse que l’enfant est roi dans nos sociétés et quelques «spécialistes» de l’enfance venus d’un autre âge nous demandent de revenir à la «bonne vieille éducation» où l’on apprenait à nos rejetons à n’être que des «êtres en devenir», donc à demeurer à leur place de «mineurs», en quelque sorte de sous-humains.
Et puis, voilà que sortent les sempiternels empêcheurs de dormir tranquille sur ses certitudes que tout va bien pour l’enfant, je veux parler de ces statistiques qui ne sont malléables que pour ceux qui ne veulent rien voir et ces faits divers qui s’accumulent presque toujours autant et qui nous disent, sans artifice, sans tournure de phrase savante, que l’enfant n’est pas respecté, pire, qu’il est battu, violé, violenté et même assassiné dans notre soi-disant «société permissive» où c’est lui qui commande, où c’est lui qui est un danger pour la tranquillité des bons citoyens, m’en parler pas, madame, tous des voyous et des mal-élevés.
Alors, devant le énième appel, la nouvelle pétition, utiles pour nous rappeler que les problèmes demeurent, les pouvoirs publics font de beaux discours et nous jurent que l’on va prendre le problème à bras le corps.
C’est, par exemple, ce que nous dit Agnès Buzyn, la ministre de la Santé dans une interview à Elle.
«Il y a (...) une part de déni, explique-t-elle fort justement. La très grande majorité des enfants qui meurent aujourd'hui du fait de violences sont tués au sein du cercle familial. Il faut oser le dire et sortir d'une vision idyllique de la famille. Toutes ne sont pas bientraitantes. C'est une réalité inacceptable, mais c'est la réalité»
Ce qu’elle ne nous dit pas c’est qu’aujourd’hui, dans le gouvernement d’Edouard Philippe, sous la présidence d’Emmanuel Macron, il n’y a aucun ministère, pas le plus petit secrétariat d’Etat, dédiés à l’enfance, une décision malheureuse totalement assumée par le chef de l’Etat et que tous ceux qui sont préoccupés par la défense de l’enfance juge comme une infamie.
Sans oublier qu’il n’est pas revenu non plus sur la suppression du défenseur des enfants (c’est bien vrai, les enfants, ça se défend tous seuls!).
Mais, soyons un peu patient car elle nous annonce qu’elle va nous présenter sa «stratégie de protection de l’enfance», fin novembre, soit un an et demi après l’élection d’Emmanuel Macron à l’Elysée.
Sans doute que la réforme de la SNCF ou le loto en faveur des vieilles pierres étaient plus importants que de mettre en place cette stratégie le plus rapidement possible…
Espérons simplement que celle-ci soit étoffée, efficace et bénéficie des crédits nécessaires à son application.
Sinon, elle sera comme les autres stratégies adoptées au fil des ans, de belles paroles qui glisseront sur les faits divers les plus scabreux et les statistiques les plus déprimantes.
Celles-ci, citées dans la pétition «Le massacre des innocents» (la consulter ici), se passent de commentaire:
«En France, chaque semaine, 2 enfants meurent sous les coups et les tortures, 73.000 cas de violences sur mineurs sont identifiés par les forces de police chaque année, soit 200 par jour; 300.000 enfants sont pris en charge par l’ASE (Aide sociale à l’enfance) et 160.000 sont retirés à leur famille.
Ces maltraitances sont le plus souvent connues des services sociaux, des voisins, des juges, qui tous maintiennent ces enfants chez leurs bourreaux.
En France, 7.000 viols de mineurs sont officiellement recensés chaque année, soit presque 20 par jour. C’est 44% des viols commis dans notre pays. La moitié des victimes de viols et d’agressions sexuelles ont moins de 12 ans. Seulement 2% des cas donnent lieu à une condamnation.»
Dormez bien les beaux esprits et rêvez bien de votre «enfant-roi»…

Alexandre Vatimbella

mercredi 7 novembre 2018

Etats-Unis, le répit démocratique

Le Parti démocrate vient donc de gagner la Chambre des représentants, ce qui n’a pas empêché Donald Trump de tweeter qu’il s’agissait d’une «immense victoire» pour sa personne et le Parti républicain!
On n’est, bien entendu, guère étonné par cette réaction d’un personnage qui a érigé le mensonge en mode de gouvernement.
Mais on est abasourdi que les médias français reprennent cette idée que Trump a quelque part gagné parce qu’il n’y a pas eu de «raz-de-marée démocrate (que personne ne prévoyait), que le Sénat demeurerait républicain (ce qui était prévu par les instituts de sondage) et que les gains chez les gouverneurs des Etats ne sont pas aussi grands qu’espérés par les démocrates.
On a même vu un «chercheur» d’un think tank spécialisé dans les relations internationales prétendre sur une chaîne du service public que l’hôte de la Maison blanche avait gagné!
Il faut dire que ce «spécialiste» nous a aussi appris que Bernie Sanders dirigeait l’aile gauche des démocrates alors que le sénateur du Vermont (réélu) n’a jamais eu sa carte du parti!
Sur une autre chaîne, privée celle-ci, on a pu entendre un «avocat international» nous dire que cette victoire des démocrates à la Chambre des représentants ne changeraient rien puisque Trump pourrait gouverner par décret alors même que la défaite du Parti démocrate en 2010 dans cette même chambre (il avait gardé la majorité au Sénat), lors des midterms, avait complètement bloqué la présidence de Barack Obama…
Et on en passe et des meilleurs.
Plus sérieusement, cette victoire attendue des démocrates est un ouf! de soulagement pour les défenseurs de la démocratie républicaine et un répit démocratique en attendant les élections présidentielles de 2020.
Car, oui, les républicains n’ont pas été balayés et Trump peut se dire que tout n’est pas perdu.
Pour autant, les Américains ont démontré qu’ils n’étaient pas tombés majoritairement dans le populisme démagogique et le nationalisme extrémiste naauséabonds.
Rappelons d’ailleurs que Donald Trump – qui avait fait de ces élections de mi-mandat un référendum sur sa présidence – n’a jamais été majoritaire dans la pays puisqu’il a gagné la présidentielle avec trois millions de voix de moins qu’Hillary Clinton et qu’il vient de subir un nouvel échec.
Que peut-on attendre de cette confrontation entre un président populiste et républicain et une chambre plutôt située au centre-gauche et démocrate?
C’est encore difficile à dire parce que l’on ne sait pas ce que sera le comportement des démocrates.
Vont-ils s’affronter durement avec le président en s’opposant à toutes ces décisions et en ouvrant des commissions d’enquête sur toutes les très nombreuses casseroles qu’il traîne avec lui depuis des années ou vont-ils adopter une position plus modérée pour faire passer des mesures qui leur permettraient de se présenter en 2020 avec un bilan législatif positif?
Les républicains, eux, en 2008 avaient choisi la première option et, en 2010, grâce à leur victoire dans la seule Chambre des représentants (comme les démocrates aujourd’hui), avaient bloqué toutes les initiatives de Barack Obama.
Cela n’avait pas empêché ce dernier de gagner la présidentielle de 2012 mais de perdre, dans la foulée, l’entier Congrès (Chambre des représentants et Sénat) lors des midterms de 2014.
Et, en 2016 – conséquence du blocage républicain de la deuxième présidence Obama – les démocrates avaient tout perdu, et la présidence, et le Congrès.
Tout dépendra évidemment du comportement de Trump et de ses sans doute multiples provocations comme celle de prétendre qu’il a gagné les élections.
Mais même si l’hydre est toujours là, elle a quand même manqué son pari d’ancrer profondément ce populisme nationaliste aux Etats-Unis.
Et ce n’est pas seulement une bonne nouvelle pour les Américains, cela l’est également partout dans le monde où beaucoup de personnages inquiétants, de Bolsonaro à Salvini, étaient arrivés au pouvoir sur cette vague «trumpienne» et que les autocrates et leurs sbires ainsi que les populistes déjà en place, rêvaient d’une planète enfin débarrassée de la démocratie républicaine libérale.
Ce ne sera pas le cas aujourd’hui.
Rien n’est pour autant gagné dans cette guerre mais, ouf!, avec cette bataille victorieuse, rien n’est perdu.