mardi 30 août 2022

Changer radiclament le monde ou périr?

Il faut être très prudent lorsque l’on aborde ce type de questionnement car on a souvent tendance à s’appuyer sur une situation présente sans le recul nécessaire et en sur-interprétant les signaux dans telle ou telle direction.

Nombre de charlatans mais aussi de chercheurs sérieux se sont trompés dans les constats et les conclusions.

Sans parler des «futurologues» dont les prédictions se sont souvent révélées plus qu’erronées.

Reste qu’une certaine angoisse parcourt les peuples et les médias même les plus sérieux sur le futur de l’Humanité.

En témoigne les déclarations des politiques dont celles assez récurrentes du président de la république Emmanuel Macron qui a parlé encore aujourd’hui pour exprimer son inquiétude et la nécessité d’agir en profondeur:

«Je crois pour ma part que ce que nous sommes en train de vivre est plutôt de l’ordre d’une grande bascule ou d’un grand bouleversement. Nous vivons depuis plusieurs années la fin de ce qui pouvait apparaître comme une abondance. Celle des liquidités sans coût (...), celle de la fin de l'abondance de produits, de technologies qui nous semblaient perpétuellement disponibles» (…) la fin de l'abondance de terre ou de matière, et de celle de l'eau».

Une situation qui, selon lui consiste à prendre les «dispositions pour tirer toutes les conséquences».

Les récents événements ont ajouté désarroi et anxiété dans la population avec ce sentiment que plus rien ne sera comme avant, causant un profond malaise puisque l’on ne sait pas exactement ce que cela signifie pour son mode de vie, si cela sera mieux ou moins bien, voire plus.

Dans le même temps, une certaine conscience que plus rien ne doit être comme avant s’est développée et que nous sommes «à la fin d’un monde».

Le changement du monde en profondeur, pourtant, n’est pas forcément une catastrophe même si ce sont des catastrophes annoncées qui nous obligent à inventer un monde différent.

Il me faut préciser immédiatement que je parle bien ici de changer le monde et non de changer de monde parce que nous vivons dans un seul monde que nous pouvons changer, améliorer et réformer mais nous ne pouvons changer de monde.

Tous ceux qui ont prétendu le contraire, qui ont appelé à la révolution finale et se sont mis en tête de modeler un nouvel humain n’ont in fine apporté que chaos et violence, destructions et crimes en ne changeant en réalité rien du tout, pire, faisant souvent régresser l’Humanité.

En outre, quels que soient les cataclysmes qui nous menacent, il ne faut pas tomber dans le sensationnalisme qui ne sert qu’à faire peur ou, à l’inverse, à rendre ridicule le propos.

Ainsi, quoi qu’en dise camelots de la peur, nous ne devons pas nous attelé à «sauver la planète» car, quoi qu’il arrive notre Terre ne disparaîtra pas ou dans quelques milliards d’années quand le soleil est censé imploser.

Elle sera peut-être un désert mais, franchement, on peut dire qu’elle s’en fiche…

En revanche, c’est bien l’Humanité qui faut secourir même s’il est fort peu probable que l’action humaine puisse faire disparaître l’entière vie sur terre et même notre entière espèce.

Certains d’entre nous ou de nos descendants, peut être peu, en réchapperont certainement si le pire devait survenir à cause de nous.

Seules les catastrophes naturelles peuvent anéantir des formes de vie mais pas éteindre la vie elle-même puisque les mammifères, lors de l’extinction des dinosaures, survécurent sinon nous ne serions pas là.

Ayant dit cela, nous en savons aujourd’hui beaucoup sur ce que nous devons faire pour que le monde soit construit différemment pour tenter de réparer nos erreurs ou, seulement, notre ignorance.

D’une planète où tout semblait en abondance et sur laquelle nous devions constamment nous battre pour ne pas être à la merci de tous les dangers qu’elle recèle, nous sommes passés à une Terre dont les ressources ne sont pas extensibles à l’infini et où nous devons trouver une harmonie avec une nature que nous avons réussie, sinon à domestiquer – ce qui sera toujours impossible –, en tout cas à faire en sorte de dominer certains de ses aspects les plus hostiles à notre encontre.

Donc nous savons à peu près quel chemin nous devons suivre au moment où nous atteignons les limites d’un modèle de développement.

Reste à savoir si nous sommes capables de l’emprunter, tout dans l’Histoire de l’Humanité semblant démontrer le contraire.

Car, oui, grâce à nos capacités intellectuelles, nous avons été capables de lutter contre nombre de fléaux qui nous ont touchés depuis l’aube de notre présence terrestre.

En revanche, nous avons toujours échoué à empêcher que nos comportements néfastes produisent des cataclysmes.

Pire, nous avons même utilisé nos intelligences pour les rendre encore plus cataclysmique.

Nous avons trop souvent choisi de périr plutôt que d’utiliser notre génie à faire de la planète un endroit sûr.

Peut-être que notre science et notre technologie nous permettront d’inventer un futur vivable.

Mais même si c’est le cas, nous devons nous prouver à nous-mêmes que nous pouvons devenir des êtres responsables.

Un challenge à la hauteur des défis que nous avons-nous-mêmes créés.

Alexandre Vatimbella

 

samedi 20 août 2022

Egalité et ipséité doivent se compléter sans s’opposer pour vivre librement notre individualité

C’est bien parce que nous sommes égaux que nous avons droit à notre différence et c’est bien parce que nous sommes différents que nous avons droit à une égalité de traitement.

L’égalité et l’ipséité d’où découle notre individualité ne s’opposent nullement mais se complètent, forment un couple qui est le seul à pouvoir garantir la liberté.

Sans l’égalité dans l’ipséité et sans l’ipséité dans l’égalité pas de liberté et par voie de conséquence, pas de démocratie.

Notre individualité issue de cette ipséité, est cet personne que nous construisons tout au long de notre existence grâce à nos caractères uniques et irréductibles à ceux d’un autre et ne peut s’épanouir dans la société qui dans un identique respect de notre dignité humaine.

C’est bien parce que 1=1 et que 1+1= 2 dans ce qui nous fait mêmes, dans les droits et les devoirs, dans la considération que chacun doit recevoir et de la dignité attachée à chacun, dans la liberté qui est consubstantielle à l’être que, dans ce qui nous différencie, 1≠1 et que 1+1≠2 mais que toujours 1 et 1 et que 1+1=1+1.

Car ici le langage arithmétique nous induit en erreur en additionnant deux entités qui sont différentes et qui ne peuvent devenir identiques.

Or donc c’est bien dans l’égalité politique, l’égalité de condition que chacun peut vivre son individualité issue de son ipséité, dans ses différences qui le fondent comme un individu unique jamais soluble dans un autre ou dans un groupe, qui fait qu’il n’est jamais l’autre, qu’il n’est jamais réductible à des groupes dans lesquels il se meut ou auquel il est rattaché par sa volonté ou en dehors de celle-ci.

Ici ce n’est pas l’égalité qui à la préséance mais l’ipséité.

En revanche, que pour que l’individu puisse vivre son individualité, il est nécessaire que l’égalité soit le fondement de la règle de vie en société, le principe qui régit les relations entre les membres de la communauté.

On peut même affirmer que le fait que 1=1 ainsi que 1+1=2 sont les prérequis pour que 1+1=1+1 et que 1+1≠2 existe sociétalement

Si tel n’était pas le cas, la nature nous aurait rendu tous identiques, ce qui n’est évidemment pas le cas.

En revanche, si telle était la loi de la société alors celle-ci serait immanquablement totalitaire.

L’individualité, bien évidemment, n’est jamais supprimable ou effaçable mais se vit cachée ou constamment aux aboies dans un régime liberticide.

Cependant, c’est aussi le refus de cette différence dans cette opération arithmétique simple, ici simpliste, qui fait confondre par beaucoup l’égalité de droit et l’a-égalité de l’être afin de supprimer la seconde au nom de la première alors que c’est cette première qui garantit dans la société à tout individu son droit à la seconde, ce qui lui permet d’être ce qu’il veut être en respectant l’autre dans tous ses droits identiques au sien et dans sa dignité pareille à la sienne.

L’égalitarisme est ainsi un fléau à l’expression de l’individualité mais l’égalité est sa condition d’existence.

Alexandre Vatimbella

dimanche 14 août 2022

Poignarder Rushdie, c’est poignarder la liberté

L’émoi créé dans les pays démocratiques par la tentative d’assassinat de Salman Rushdie par un illuminé qui obéissait à une fatwa émise trente-trois plus tôt par un vieillard sanguinaire, l’ayatollah iranien Khomeiny, est à la hauteur du symbole que les ennemis de la liberté ont tenté d’éliminer.

Tout comme la tuerie de Charlie hebdo, tout comme l’assassinat de Samuel Paty pour ne parler que de la France, c’est bien la liberté d’opinion et d’expression qui sont visées sous de prétendues et fallacieuses revendications selon lesquelles le droit de dire et d’écrire ce que l’on pense serait une atteinte aux croyances de certains.

L’ensemble des démocrates dont évidemment les centristes ont ce devoir de s’indigner et de condamner toute atteinte à la liberté d’opinion surtout quand elle prend la forme d’une attaque contre des personnes.

Mais, au-delà de cet acte misérable et ignoble, cette liberté de dire et d’écrire ce que l’on pense est de plus en plus en danger dans le monde avec le raidissement des totalitarismes comme en Chine ou en Russie mais aussi dans les autocraties comme en Turquie et même dans l’Union européenne avec le triste exemple de la Hongrie.

Et quand elle n’est pas restreinte par les régimes en place, elle est trop souvent mise en danger par tous les extrémistes qui des Etats-Unis à la France menacent de violences et même de mort ceux qui ne pensent pas comme eux.

L’agression dont a été victime l’écrivain britannique d’origine indienne sur le sol américain à propos d’un livre qui parle de la religion musulmane et condamnée par l’Iran mais aussi d’autres pays islamique comme le Pakistan, résume à elle seule les enjeux et les défis que doit affronter la liberté en ce troisième millénaire débutant et où le 21e siècle pourrait très bien être celui de régression historique.

La mobilisation est donc de mise comme elle le fut de manière spectaculaire lors de l’attentat contre Charlie hebdo sachant que cette époque avec une réaction aussi puissante et une mobilisation aussi forte est peut-être déjà révolue.

Un attentat qui a eu lieu de 7 janvier 2015 soit seulement il y a sept ans…

Alexandre Vatimbella

samedi 13 août 2022

Est-il temps de devenir aquoiboniste?

Crises sanitaires (covid19, variole du singe...), crise climatique (sécheresse, feux de forêt…), crises guerrières (agression de Poutine contre l’Ukraine…), crise des libertés (mis au pas de Hongkong, décision de la Cour suprême étasunienne contre l’avortement…), crise de la démocratie (montée des extrémismes populistes…), crise en la foi dans le progrès (qui ne serait qu’une illusion), les temps sont durs et l’avenir se présentent mal, alors n’est-il pas enfin temps, en ces années 2020 horribilis de devenir aquoiboniste?

Rappelons que l’aquoibonisme est le refus d’agir et de s’engager, dû au sentiment de l’inanité, de la stérilité de toute action envisagée face à la réalité désespérante du monde.

Devant un état de la planète qui peut légitimement inspirer le découragement, l’abattement voire l’accablement, être aquoiboniste semble la bonne démarche, le seul comportement réfléchi d’un fatalisme revendiqué et assumé.

Attention, néanmoins, à ne pas confondre l’aquoibonisme au je-m’en-foutisme qui est l’apanage de celui qui ne s’intéresse à rien, qui n’est touché par rien, qui manifeste une totale indifférence à ce qui se passe et qui n’est même pas conscient de la réalité.

L’aquoiboniste, lui, au contraire est lucide, c’est-à-dire impliqué, éveillé, informé, il a de la compassion pour l’autre, mais il constate que son action est vaine alors même qu’il souhaiterait le contraire.

Alors il décide dans une sorte d’ataraxie inquiète mais assumée, de laisser le chaos du monde faire son œuvre comme il le fait d’ailleurs fait depuis la nuit des temps.

Qui pourrait jeter la pierre à celui qui a constaté la réalité du monde et choisi de ne pas intervenir car il a compris l’inutilité d’agir?

Face à cela, pourtant, il y a la vie.

Oh! Ben sûr, allez-vous me dire, nous n’avons pas choisi de naitre, nous n’avons pas choisi de vivre et nous ne savons pas pourquoi nous sommes là et ce qu’il y a après notre mort.

Sans oublier que beaucoup d’entre nous sur cette Terre ne vivent même pas mais peinent à juste survivre – et c’est un euphémisme –, leur existence ressemblant le plus souvent à une tragédie sans fin.

Oui, mais voilà, si nous décidons de vivre et de ne pas mettre fin à nos jours, nous acceptons implicitement de nous confronter à la réalité même si nous inventons parfois des mondes parallèles pour supporter celle-ci.

Et tout aussi implicitement nous nous révoltons face à notre destin puisque nous décidons de défier la mort, c’est-à-dire la négation de notre existence, de notre choix de vivre.

Dès lors, l’aquoibonisme, qui n’est qu’un comportement d’observateur, de spectateur passif de notre existence, s’oppose diamétralement au choix de vivre pour lequel nous avons opté librement.

Mais cette révolte ne peut être nihiliste puisqu’elle aurait alors le même objectif de ce contre quoi nous avons dit non.

Elle ne peut être qu’humaniste parce qu’en décidant de vivre nous avons mis en avant cette exigence de la dignité humaine face au néant.

Et cette révolte humaniste nous impose de travailler à changer le monde pour le rendre meilleur.

Car comment vivre en conscience dans un monde tel qu’il est sans agir pour tenter de le rendre plus accueillant ou moins brutal?

En décidant de vivre, nous défions notre tendance aquoiboniste par cette énergie que nous puisons au plus profond de nous dans ce lieu que certains appellent notre âme qui refuse l’indicible auquel nous sommes quotidiennement confronter.

Et cette âme, cette conscience, ce souffle vital, ce moteur, cette force intérieure, appelez-la comme vous voulez, non seulement elle est à l’origine de cette révolte qui nous meut mais également de ces mondes meilleurs qui alimentent cette résistance à l’ignominie mais aussi à tomber dans l’aquoibonisme.

Alexandre Vatimbella

 

vendredi 12 août 2022

Chère liberté chérie es-tu trop chère?

En démocratie, la liberté est une potentialité.

Elle est offerte à qui veut s’en saisir.

Pour la posséder, il faut en avoir envie.

Et cette envie suppose une volonté.

Vouloir être responsable de sa vie c’est-à-dire l’être tout autant des choix à faire pour soi-même que des actes accomplis et de leurs conséquences vis-à-vis des autres.

Etre libre ce n’est plus demander à être assisté mais assumer ses décisions.

Cependant, à la différence de la liberté qui est offerte, cette envie, elle, à un coût qui peut paraitre exorbitant à certains.

C’est pourquoi, dans un raccourci, on dit que la liberté n’est pas gratuite dans le sens où pour l’exercer il faut consentir à en payer le prix qui est celui de la responsabilité.

On comprend que tout le monde ne veuille pas passer à la caisse car cela implique un courage certain.

D’où cette cherté qui peut paraître excessive.

Tout dépend, évidemment, de ses priorités et de sa volonté à être ou non un acteur libre de sa vie, celui qui décide et choisit ce qu’il veut vivre et qui en assume les conséquences.

On peut donc admettre que, dans une communauté, une partie de la population refuse la liberté, n’a pas envie du package et décide de ne pas la pratiquer.

On peut aussi admettre qu’une autre partie de la population décide de pratiquer la liberté sans la responsabilité ce qui s’appelle la licence quand cela touche l’autre et l’incapacité à s’assumer quand cela touche sa propre vie.

Reste que la partie qui n’a pas envie de la liberté ne peut priver ceux qui acceptent toutes les conséquences de sa pratique.

Et ceux qui la dévoient doivent être évidemment punis lorsqu’ils attentent à la liberté de l’autre par leur pratique licencieuse.

Car il n’y aurait qu’un seul membre de la communauté prêt à assumer sa liberté, aucun des autres ne serait légitime à l’en empêcher.

Alexandre Vatimbella

 

jeudi 4 août 2022

Notre capacité à lutter contre les injustices implique de vivre dans la réalité

Pour un humaniste, reconnaître la réalité, ce n’est pas l’accepter.

Au contraire, cela permet de transformer notre désespoir face aux injustices en une révolte salutaire c’est-à-dire constructive, positive, camusienne, celle qui va changer le monde par la réforme et non en une rébellion violente, voire nihiliste, qui prétend changer de monde en faisant table rase, cette utopie révolutionnaire qui a fait tant de ravages et de victimes et qui n’a jamais amélioré la condition humaine.

Car rejeter la réalité, c’est-à-dire ce qui est, ce que nous sommes dans les grandes constances de l’existence, c’est être dans la fantasmagorie la plus totale et surtout la plus inefficace pour s’attaquer aux injustices.

Le déni de réalité conduit à échafauder des idéologies sur lesquelles s’appuient les systèmes totalitaires qui affirment que l’on peut changer de monde, donc, in fine, changer d’humains avec tout ce que cela implique de terrifiant.

On voit bien dans l’Histoire les dégâts causés par de telles élucubrations et la volonté de créer par la contrainte un «homme nouveau».

Certains, par ailleurs, croient avec honnêteté et sincérité que l’on peut lutter contre les ajustices de la vie sur Terre alors que celles-ci sont des données intangibles et que, par ailleurs, elles fondent, qu’on le veuille ou non, nos différences ontologiques c’est-à-dire notre individualité qui fait ce que nous sommes, chacun de nous, et qui nous distingue de tous les autres.

Nous devons prendre en compte ces ajustices pour tenter d’atténuer leurs conséquences tout en sachant que nous ne les ferons pas disparaître.

Là aussi intervient le principe de réalité qui, comme pour les injustices, permet de trouver des solutions concrètes et applicables pour changer le monde.

Il est évident que le réel est un ennemi des extrémismes et des populismes et que ceux-ci tentent de lui substituer des «vérités alternatives» qui ne reposent sur aucun fait mais sur des théories hors-sol, c’est-à-dire qui n’entretiennent aucun lien direct avec ce qui est.

En ce troisième millénaire, il est frappant de voir, malgré une élévation du niveau d’instruction et de connaissances des populations que la réalité demeure une sorte de nuisible qui serait porteur de tous les maux alors même qu’elle ne reflète que notre inaptitude collective à vraiment s’attaquer aux injustices.

Alexandre Vatimbella