dimanche 24 janvier 2021

Agressions sexuelles d’enfants: et si enfin la notoriété ne protégeait plus l’ignominie

Plusieurs affaires de pédophilie et d’inceste impliquant des célébrités des mondes culturels, économiques et politiques semblent montrer que la notoriété, enfin, ne protège plus de l’ignominie.

Ceux qui privilégiaient jusqu’à présent les célébrités commettant ces actes inqualifiables et insupportables sur les victimes sont en train de perdre cette bataille.

Nombre de ceux-ci d’ailleurs semblent même avoir compris leur errance coupable.

Beaucoup mais pas tous, loin de là…

Mais réjouissons-nous quand même de cette prise de conscience de la société que des enfants violés par des adultes, ce n’est plus acceptable dans ce troisième millénaire par des gens qui auraient, sinon des excuses pour agir, en tout cas une sorte d’immunité due à leur position ou leur œuvre.

Parce que comment expliquer rationnellement qu’un cinéaste, un universitaire ou un écrivain à succès puissent être exonérés de leurs crimes parce qu’ils ont un curriculum vitae brillant?

On ne le peut évidemment pas.

Pourtant, par un tour de passe-passe improbable où la mauvaise foi se dispute avec un désintérêt total des victimes qui deviennent même parfois les agresseurs parce qu’ils osent prendre la parole et dénoncer des soi-disant icônes qui devraient être au-dessus de la contingence du quotidien et même de la morale la plus basique, certains continuent à crier au lynchage de ces individus dont les comportements de lâcheté et d’hubris les ont amenés à l’impardonnable.

Toute personne qui se réclame des valeurs humanistes ne peut en aucun cas accepter ces raisonnements qui sont honteux et dévoilent le côté sombre de leurs propagateurs dont la complicité intellectuelle et éthique avec les perpétrateurs est une évidence.

Pendant longtemps, par l’intimidation, par les sous-entendus, par des procédés indignes, ils ont réussi, grâce à leur entregent, à éviter aux célébrités criminelles qui abusent des enfants, c'est-à-dire des êtres qui n’ont pas les moyens de se défendre contre les adultes, ce qui rend leurs méfaits particulièrement nauséabonds, de devoir rendre des comptes à la société et à la justice.

Les dernières affaires révélées et l’indignation qu’elles ont provoquées dans la société sonnent, je l’espère, le glas de cette impuniité tout en libérant la parole et, peut-être, en faisant réfléchir à deux fois ces tristes personnages d’agir.

Et de toujours citer cette phrase de cet infatigable défenseur des droits des enfants, Jean-Pierre Rosenczveig:

«C’est à la place faite aux enfants que l’on juge une société et sa culture».

Alexandre Vatimbella

 

jeudi 14 janvier 2021

Le savoir au cœur même de la démocratie

La démocratie ne saurait fonctionner sans des individus formés et informés, capables de comprendre les enjeux de l’existence et d’analyser les situations, c’est-à-dire des citoyens responsables et respectueux.

Tout cela moi et d’autres le disent et le redisent sans cesse avec souvent des haussements d’épaules pour toute réponse.

Ce qui vient de se passer dans la plus vieille démocratie du monde et première puissance mondiale vient nous rappeler l’indépassable équation, la seule qui peut faire vivre la démocratie dans la durée.

Je rappellerai ici que le régime démocratique le plus long, celui des Etats-Unis, n’a pas encore 250 ans, une goutte d’eau dans l’Histoire de l’Humanité.

Evidemment, au cours des siècles, que ce soit dans la Grèce et la Rome antiques mais également dans les cités italiennes du XIV° siècle, on a beaucoup parlé de démocratie et de liberté, on l’a même pratiquée de temps à autre, ce qui démontre que ces deux phares humanistes ont toujours été présentes dans l’esprit des humains et ne sont pas des concepts portés par quelques penseurs et politiques.

Toujours est-il qu’à partir de la fin du XVIII° siècle, tant aux Etats-Unis qu’en France, l’idéal démocratique devient une réalité.

Oh, certes de manière imparfaite et avec des allers-retours mais les humains ont prouvé que l’on pouvait à la dimension d’un Etat-nation construire un système où la liberté et l’égalité sont ses deux mamelles et, surtout, qu’il peut fonctionner.

Mais de sa faiblesse constitutive – la confiance qu’il fait aux individus qu’ils seront responsables et respectueux – résulte qu’il ne peut s’ancrer durablement que si l’œuvre de diffuser le plus et le mieux possible le savoir à tous fonctionne.

Or, même si des progrès fantastiques ont été fait ces deux cents dernières années, nous sommes encore loin d’avoir des citoyens capables de prendre soin et de protéger la démocratie, c’est-à-dire leur liberté, leur égalité, leur fraternité et leur dignité.

Les propos tenus devant les médias et sur les réseaux sociaux par les émeutiers de Washington font froid dans le dos sur l’ignorance de cette multitude menée par quelques activistes extrémistes qui incitent à la violence et à la haine, deux comportements si faciles à susciter chez une foultitude qui s’auto-excite.

Ce sont la même logorrhée que l’on a pu entendre lors du mouvement de foule des gilets jaunes en France, des brexiters au Royaume Uni, des chavistes au Venezuela, des partisans de Bolsonaro au Brésil et de ceux de Salvini en Italie et dans bien d’autres pays démocratiques ces dernières années.

Partout des élucubrations qui bâtissent des théories du complot abracadabrantesques de la part de gens qui sont souvent d’une ignorance crasse et qui porte en eux misanthropie et intolérance au plus haut degré, ce que les médias en mal de gros titres appelle sans cesse «colère» mais qui n’est en fait qu’une ignoble rage barbare qui s’exprime évidemment le mieux quand on est entre soi et que, soudain, le «courage» du nombre, qui n’est en réalité que le plus haut degré de la couardise, permet de s’attaquer à tout ce que l’on vomit sans jamais réellement savoir pourquoi.

Et puis, après, cette odieuse audace téméraire vous fuit comme ce séditieux du Capitole interrogé par une chaîne de télévision américaine sur le pas de sa porte et qui, pour toute excuse d’avoir été reconnu comme étant entré dans le bâtiment, disait penaud parce que tout à coup seul sans ses congénères, «Je me trouvais au mauvais endroit, au mauvais moment».

Gageons que si le putsch fomenté par les partisans de Trump avait réussi, il se serait glorifié de sa présence et aurait fanfaronné avec ses amis complotistes.

Ces mêmes lâchetés se retrouvent dans tous les mouvements de foule.

Et elles s’y retrouveront tant que nous n’auront pas des citoyens dignes de la démocratie.

Car oui, c’est bien de cela qu’il s’agit.

Ce n’est pas à la démocratie de dévoyer ses valeurs, ses principes et ses règles pour s’adapter à des factieux et à des terroristes mais bien à nous, individus, de mériter ses bienfaits, bienfaits qui font que lorsqu’ils ne sont pas présents, des hommes et des femmes luttent jusqu’à donner leurs vies pour les (re)conquérir.

Soyons, habitants des démocraties, à la hauteur de leur combat en chérissant ce que tant d’autres nous envient et que beaucoup d’entre nous salissent de manière inacceptable, inadmissible et insupportable.

Et n’oublions pas que la démocratie, ça se mérite.

Alexandre Vatimbella