jeudi 25 février 2021

La force de la démocratie réside dans sa fragilité et inversement

La faiblesse de la démocratie, le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, c’est ce qui fait sa solidité; la force de la démocratie, apporter la liberté et l’égalité à tous, c’est ce qui la rend fragile.

S’en remettre au choix du peuple pour élire ses dirigeants est un pari sur la responsabilité et la sagesse de celui-ci, voilà qui est évidemment fragile mais cela donne à la démocratie sa puissante légitimité et donc fait sa force par rapport à tout autre régime.

Donner la liberté dans l’égalité est le cadeau indépassable de la démocratie à chacun, qui lui donne cette aura particulière mais est également un pari sur l’humain qui peut être la source de tout désordre et revendication exagérés.

Les fragilités et les forces de la démocratie sont donc entremêlées et celle-ci ne peut exister sans leurs connexions.

D’où les corollaires qui vont avec.

Le premier est que la démocratie ne se défend pas toute seule, c’est-à-dire qu’elle ne peut exister sans une protection constante face à ses ennemis parce qu’il est facile d’instrumentaliser les bienfaits de la démocratie pour les retourner contre elle.

Le deuxième est que la démocratie ne peut pas vivre sur le temps long sans des individus de plus en plus responsables, c'est-à-dire de plus en plus formés et informés, donc capables de comprendre non seulement les enjeux de la démocratie mais aussi leur intérêt et d’adopter leurs comportements en conséquence pour être de véritables citoyens émancipés et non plus des gouvernés soumis du régime politique en place, des sujets à part entière de l’histoire qui se déroule et qui la modèlent et non des objets qui la contemplent passivement en la subissant.

Le pari démocratique est donc un défi constant face à des attaques et des dysfonctionnements récurrents qui impactent sa bonne marche.

Et il faut bien comprendre qu’il en sera toujours le cas.

Quelle que soit sa protection, quel que soit le degré du citoyen éclairé et averti, le processus démocratique comportera en permanence les mêmes fragilités parce que le monde sera immuablement gouverné en grande partie par les passions.

Même si la raison peut progresser, elle partira toujours avec un handicap avec ce qui fait de nous des êtres doués de sentiments.

Et c’est heureux car cela nous permet d’avoir de l’amour, de l’affection, de la solidarité, de la tolérance et de la fraternité pour l’autre, du respect pour sa dignité et de posséder des capacités si essentielles d’empathie et d’indignation face à l’inacceptable et l’insupportable.

D’autant que la raison dans sa froideur peut être aussi dangereuse que les passions si elle n’est pas portée par les valeurs humanistes.

Par ailleurs, il est bien évident que la démocratie ne sera jamais parfaite, que son organisation et que son fonctionnement sont toujours perfectibles et qu’elle aura du mal à réaliser tout le temps et pour tous en même temps ses promesses.

Mais même avec ses défaillances, elle demeure sans conteste le meilleur régime parce que ses bénéfices collectivement et individuellement parlant seront toujours bien meilleurs que ceux proposés par ses régimes concurrents.

Nous devons donc faire avec les friabilités de l’édifice démocratique et nous serons perpétuellement obligés de combler les fissures qui le lézardent sans interruption tout en renforçant constamment ses fondations.

Mais, en retour, cette démocratie, à la fois forte et faible, à la fois solide et fragile, donne des fruits à la saveur incomparable.

C’est si vrai que tous les peuples à travers le monde qui n’y ont jamais goûté ou si peu et ceux qui les ont déjà dégustés ne rêvent que d’en faire leur met principal et sont prêts à donner leur vie pour y avoir accès.

Oui, être à la table des Dieux pour prendre part au banquet se mérite même si nous devons préparer le repas et faire la vaisselle.

Alexandre Vatimbella

 

 

lundi 22 février 2021

L’universalisme est la seule solution humaniste pour le bien vivre ensemble

Non, l’universalisme n’est pas une idée obsolète (et doit se nourrir des différences) qu’il soit philosophique, moral, politique, juridique, démocratique ou républicain et, qu’in fine, la seule société légitime est celle qui regrouperait dans un seul monde toute l’Humanité.

L’universalisme est de dire que tout le monde est égal devant la loi mais différent dans son individua lité, dans son altérité.

L’universalisme est de dire qu’il y a des règles morales et éthiques qui s’appliquent à tous où qu’ils habitent sur la planète.

L’universalisme politique est de dire que la liberté, l’égalité, la fraternité sont les valeurs communes à l’humanité entière ce qui induit l’universalisme de la démocratie et de la république.

Que tout humain en vaut un autre parce que nous sommes tous de même nature.

Mais cet universalisme se construit évidemment sur la diversité, plus précisément sur la différence car chaque membre de la communauté mondiale possède son individualité irréductible à celle d’un autre.

Et à l’inverse des idéologies qui prônent le séparatisme et le cloisonnement du communautarisme, l’universalisme pose qu’il n’existe qu’une seule et unique Humanité dans laquelle chacun peut vivre sa vie comme il l’entend au seul impératif de respecter la dignité de l’autre.

La solution pour le bien vivre ensemble réside dans la ressemblance et non dans la dissemblance, dans l’union plutôt que dans le séparatisme.

Ce n’est pas le « ou » qui est important mais bien le « et », c’est-à-dire le lien plutôt que l’opposition mais un « et » qui n’additionne pas stupidement les individualités (ici 1=1 est faux) mais fondamentalement les conditions (ici 1=1 est juste).

Faire société ne peut se concevoir dans la contrainte mais, à l’inverse, ne peut exister dans la licence.

Dans le premier cas on aboutit à une fiction de vivre ensemble et dans le second à une fiction de l’individualisme.

Or, il s’agit bien de marier individualisme et solidarisme, non de les opposer comme le font la plupart des intellectuels à la mode actuellement dans ce remake constant du «tout va mal» qui permet certains à tenir leur boutique à idées sur le malheur et l’angoisse plutôt que sur les réelles solutions et de réclamer une reprise en main où l’ennemi est l’individualisme alors que c’est de le dévoiement de celui-ci qui est le coupable.

Oui, les problèmes existent, il serait naïf, niais voire irresponsable de les nier.

Oui, l’humain est bourré de contradictions et de défauts et les défis du bien vivre ensemble sont gigantesques.

Mais, en divisant en myriades de groupes et de communautés tout en fustigeant les différences individuelles plutôt qu’en unissant dans un seul ensemble d’êtres qui partagent la même condition tout en permettant à chacun de se réaliser du mieux possible dans sa vie au regard de ses propres espoirs et non ceux d’une vision holiste totalitaire et accablante, on ne fait qu’augmenter les cassures sans jamais trouver le lien indispensable qui est indispensable si nous voulons avoir un avenir et bâtir un présent pour tous.

Certains se désolent qu’il n’y est plus d’oppositions frontales en matière politique, ce qui inciterait tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans le consensus existant à se tourner vers les extrêmes et les populismes.

D’abord, ils semblent ignorer que toute l’histoire de l’humanité a toujours été marquée par cette réalité…

Quant aux oppositions au modèle démocratique, force est de reconnaitre qu’il est toujours aussi puissant et qu’il a même retrouvé des couleurs depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale puis de la chute du communisme.

Ensuite, ils se trompent parce que c’est bien à un délitement du consensus – qui a toujours et constamment été très fragile dans les démocraties, les «accidents» jalonnant leur existence le prouvent – auquel nous assistons.

Et celui dont nous avons besoin urgemment est bien de celui qui reconnait la dignité de l’humain, le respect de l’individualité de l’autre.

Parce que, sur cette base là, on construit une vraie société humaniste car de cette injonction du respect de la dignité de chacun découlent toutes les valeurs essentielles qui font une vraie démocratie républicaine, voire son dépassement vers quelque chose d’encore plus grand.

Pourquoi le Centrisme est par son essence, l’universalisme par excellence?

Parce qu’il refuse les clientélismes qui sont le fonds de commerce de la Droite et de la Gauche mais aussi celui de tous les séparatismes.

Parce qu’avec sa notion de juste équilibre il parle à tous comme des égaux et des personnes possédant chacune son individualité propre et combat les extrêmes qui réclament la rupture et la violence.

Parce qu’en mettant en avant la personne qui ne peut se réaliser que dans la liberté et la solidarité, il refuse d’opposer la liberté à l’égalité mais affirme que ce n’est qu’en les associant que l’on construit un vrai monde d’humains dignes et fraternels.

L’universalisme, face à tous défis de ce XXI° siècle, des guerres au réchauffement climatique en passant par les inégalités sociales et la destruction des richesses naturelles, est la seule réponse efficace comme nous le prouve malheureusement l’Histoire où la violence et la désolation se sont nourries des divisions.

 

 

dimanche 14 février 2021

Enfants: protéger, évidemment, mais sans oublier émanciper

L'enfant est une personne.

Et une personne à part entière, à laquelle, même si elle a donc des droits identiques aux adultes, la société doit protection et assistance particulières.

Parce que la société doit garantir à l’enfant, personne en construction, de pouvoir grandir et se réaliser dans la plus grande sécurité possible.

Comme le dit le préambule de la Convention des droits de l’enfant: «l’enfance a droit à une aide et une assistance spéciales» afin d’assurer son bien-être.

Mais cette protection qui ne souffre aucune discussion et qui comporte aujourd’hui encore de nombreuses failles qui ne sont pas acceptables, ne doit pas faire oublier le volet émancipation qui a été, comme la sécurité, à l’origine de cette convention qui lui garantit «le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant», des opinions qui doivent être «dûment prises en considération».

A l’aune d’affaires récentes de violences et d’agressions intolérables et insupportables, on tend à parler uniquement de sécurité et n'évoquer qu'à la marge les droits des enfants.

Il ne faut pas que la préoccupation sécuritaire qui doit prendre encore plus d’ampleur n’étouffe néanmoins l’exigence émancipatrice qui, doit, elle aussi prendre une dimension supplémentaire.

D’autant, que sur cette vague sécuritaire surfe à nouveau un discours qui tend à tout simplement nier les droits de l’enfant, faisant de lui un être complètement irresponsable, auquel on dénie tout choix autonome et lui imposer une tutelle stricte au nom d’errances réelles dont il n’est pas responsable, donc qui ne peuvent justifier le retour à un ordre antérieur où sa volonté était complètement ignorée ou bridée à l’excès.

C’est vrai que ce mouvement d’émancipation a trop souvent été instrumentalisée par des adultes, conduisant ainsi à des comportements répréhensibles de ceux-ci à l’égard des enfants et à nombre d’errements notamment dans les années 1960 et 1970 lorsque, au nom d'une liberté de la sexualité infantile, certains ont, par exemple, prôné des relations «libérées» avec des adultes comme le fit une frange du mouvement hippy ainsi que nombre de militants de la gauche radicale ou de l'anarchisme.

Une époque qui faisait encore que dans les années 1980, on pouvait inviter des pédophiles assumés sur les plateaux de télévision et, quoi qu’en disent ceux qui les recevaient alors et qui parlent aujourd’hui pour se dédouaner d’un «autre temps», suscitait chez beaucoup un dégoût absolu!

Des erreurs que l'on rappelle fort justement à tous ceux qui avaient oublié que l'émancipation des enfants n'est rien sans une véritable protection, qu’émancipation est le contraire d’exploitation.

Oui, la liberté pour vraiment exister nécessite la sécurité, même chez les enfants, surtout chez les enfants.

Cependant, cette dernière ne doit pas être un prétexte à refaire de l'enfant un être incapable auquel on nie sa personnalité, son individualité, donc sa capacité à faire des choix.

Ainsi que l’explique le pédiatre Janusz Korczak, cette grande figure de la défense des enfants assassiné avec les orphelins dont il s’occupait par les nazis à Treblinka:

«L’enfant est un être doué d’intelligence qui connait lui-même ses besoins, ses problèmes, ses difficultés. Pas besoin d’ordres despotiques, de rigueurs imposées, d’un contrôle méfiant. Ce qu’il faut, c’est du tact pour rendre l’entente possible, et une confiance en l’expérience, qui facilitera la cohabitation, la collaboration. L’enfant n’est pas un sot: chez eux les imbéciles ne sont pas plus nombreux que chez nous. Nous drapant dans notre dignité d’adultes, nous leur imposons cependant un nombre considérable de devoirs ineptes et de tâches irréalisables. Que de fois l’enfant ne s’arrête-t-il pas frappé de stupeur devant tant d’arrogance, d’agressivité, tant de bêtises âgées.»

D’autant que, dans le même temps, vis-à-vis de la délinquance juvénile, c’est un discours de répression qui est devenu majoritaire, ce qui signifie que l’on estime que les enfants et les adolescents doivent être responsables de leurs fautes à l’encontre de la société mais donc pas de leurs choix personnels!

Un paradoxe incompréhensible et incohérent qui fait de l’enfant un être à deux têtes, ce qui arrange bien les adultes.

On ne peut pas protéger l’enfant de lui-même quand il veut faire des choix de vie et le réprimer lorsqu’il fait des infractions et des transgressions!

Il ne faudrait pas que la protection, indispensable et incontournable, ne rime avec régression et retour à un temps où l'enfant était considéré comme un inapte à décider en tout, notamment tout ce qui concernait sa vie, où ses parents choisissaient pour lui de ses vêtements à ses lectures, de ses loisirs à ses études, de ce qu'il devait penser, dire et aimer.

Comme l’écrit fort justement le sociologue François de Singly:

«La reconnaissance de l’enfant comme personne, comme individu, ne signifie pas que l’enfant est un adulte. Elle indique que le processus central des sociétés contemporaines occidentales – l’individualisation – touche désormais aussi les enfants. La nature sociale de l’enfant dans nos sociétés est d’être double: être ‘petit’ – c’est incontestable – mais aussi d’être un individu comme les autres méritant d’être traité avec le respect propre à toute personne. (…) L’enfant est à la fois fragile comme un enfant et respectable comme tout être humain. (…) Cette tension permanente entre ‘protection’ et ‘libération’ caractérise la spécificité de l’individualisation pour l’enfant.»

Ici, il n'y a aucunement l'idée de prétendre que les prédateurs et les criminels n'existent pas et qu'il ne convient pas de les empêcher de nuire et de mettre entre eux et les enfants une barrière infranchissable.

Et, cela va de soi, toute violence contre un enfant doit être sanctionnée le plus durement possible alors que ce n'est toujours pas le cas malheureusement comme vient d'en témoigner le verdict de 20 ans de prison seulement pour le tortionnaire du petit Tony, trois ans, torturé et frappé jusqu’à l’ignominie, jusqu’à sa mort.

Reste que l'on ne peut pas dire à un pré-adolescent et à un adolescent qu'il ne peut rien décider de sa vie et qu'il n'a aucun discernement.

Tout cela est une question d'équilibre et n'est pas toujours aisé à réaliser mais on ne peut réduire l'enfant à un être, voire un objet, à protéger non seulement, contre les autres mais également contre lui-même quoi qu’il dise, quoi qu’il fasse, quoi qu’il veuille accomplir.

En revanche, cette protection renforcée pourrait être le point de départ d'une amélioration de la condition des enfants dans la société où, malgré les inepties de quelques «spécialistes», ils ne sont pas des rois et n'ont même pas la place que nous croyons leur avoir fait – la réalité et les statistiques le montrent clairement – même s'il est évident que nous les considérons plus et sans doute mieux qu'il y a un siècle ou deux.

Mais cette amélioration ne peut être réelle que si cette meilleure protection s'accompagne d'une plus grande émancipation ce qui implique que les adultes s'attèlent à bâtir un monde où le respect de l'enfant sera un impératif catégorique qui se traduira concrètement par une planète qui ne sera pas uniquement celle des adultes où les enfants ont comme injonction de devoir s'adapter quoi qu'il leur en coûte et de se taire mais un monde que ces adultes auront rendu également à la hauteur de leurs enfants, ce qui, au-delà de la taille des corps, nécessite une élévation qui est bien plus forte que ce qui a été fait jusqu’à maintenant.

Entendre la parole de l’enfant et de l’adolescent, ce n’est pas seulement l’entendre quand il parle des agressions et des violences qu’il a subies mais aussi quand il parle de sa condition et de ses souhaits.

Les écouter, c’est leur permettre de se réaliser tout en les protégeant.

En les comprenant, nous ferons d’eux de vraies personnes.

Et comme le dit le poète:

«Vos enfants ne sont pas vos enfants, ce sont les fils et les filles de l’appel de la Vie. Ils viennent à travers vous et non pas de vous, et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas» (Khalil Gibran)

Alexandre Vatimbella

 

dimanche 7 février 2021

Pourquoi les extrêmes reviennent toujours?

On pourrait penser qu’après tant d’échecs et de fiascos, tant de crimes et d’indignité, les mouvements extrémistes de droite comme de gauche seraient un vestige d’une époque où l’on pouvait encore croire à la fable du grand soir tout simplement parce qu’il n’était jamais arrivé jusque-là.

Le XX° siècle nous a ainsi donné une bonne leçon sur cette faribole qui a produit tant d’horreurs qui a recouvert l’Humanité d’une indignité qu’elle devra porter encore longtemps avant de pouvoir s’exonérer de ses fautes immenses.

Néanmoins, après la seconde guerre mondiale, beaucoup pensaient dans l’euphorie de la victoire en avoir fini avec l’extrême-droite et ses deux représentants les plus malfaisants, le fascisme et le nazisme.

Puis, après l’effondrement de l’Union soviétique et le réveil de la Chine dans les années 1980, beaucoup, les mêmes et d’autres, dans l’euphorie de la chute du Mur de Berlin, pensaient en avoir fini avec l’extrême-gauche et son représentant le plus malfaisant, le communisme, et ses diverses branches (léniniste, trotskyste, maoïste).

Le legs des quatre plus odieux dictateurs du XX° siècle, Hitler, Staline, Mao et Mussolini, semblaient être enfin soldé avec, à la clé, des centaines de millions de morts.

D’autant que, dans les poubelles de l’Histoire se trouvaient également Franco, Pol Pot, Pinochet, Khomeyni et quelques autres criminels de la même espèce.

Avions-nous commencé notre repentance collective?

Pas le moins du monde.

Car, en ce début de troisième décade du XXI° siècle force est de reconnaitre que ces «beaucoup», dont votre serviteur, se sont trompés et que le plus grand nombre d’entre ces «beaucoup» a vu s’évanouir l’espoir qu’une démocratie républicaine enfin dominante s’impose «naturellement» dans un monde confraternel, hanté des génocides et des massacres récents, et où l’on célèbrerait les valeurs humanistes.

Bien sûr, nous n’étions pas dupes de ce que l’Histoire n’était ni terminée, ni que son tragique ait disparu dans les limbes.

Ni même que les créatures immondes du totalitarisme avaient pourri définitivement la gueule ouverte dans quelques caniveaux aux eaux boueuses.

Nous savions qu’elles étaient encore tapies dans l’ombre prêtes à bondir sur la démocratie quand l’occasion se présenterait.

Certaines avaient d’ailleurs réussi à survivre à la grande lessive et s’affichait au grand jour comme Mobutu, Kim-Il Sung ou Saddam Hussein.

Les piqûres de rappel furent nombreuses et douloureuses.

Ce fut Tienanmen en Chine, la prise de pouvoir de Poutine en Russie, la résilience du castrisme à Cuba et de la dynastie Kim en Corée du Nord, les nouveaux habits des dictatures militaires comme en Thaïlande ou au Myanmar, les chefs de guerre en Afrique, du Libéria au Congo, du Rwanda au Zimbabwe en passant par l’Ouganda ou la Centre-Afrique, sans oublier les régimes violents dans le monde arabo-musulman, de l’Arabie Saoudite à l’Afghanistan, de la Syrie au Qatar en passant par l’Algérie ou la Libye.

Et la liste pourrait continuer en une sombre litanie.

Il faut y ajouter, bien entendu, le terrorisme avec ses deux plus ignobles figures, Al Qaida et Daesh.

Quant aux pays qui ont instauré la démocratie, ils ont vu les montées des extrémistes et des radicaux, leurs tentations et même leurs tentatives séditieuses qui sont devenues parties du paysage politique depuis maintenant une trentaine d’années avec une accélération de leur capacité à nuire depuis une dizaine d’années.

Voilà pour le constat.

Mais la question essentielle ici est de se demander pourquoi ce pire est toujours possible alors qu’il a démontré son incapacité, ses méfaits et ses atrocités?

Pourquoi l’humain est toujours prêt à accepter d’être sous le joug plutôt que de vivre en la liberté?

Sur CNN une partisane de Trump et des contributeurs du réseau élucubrationiste (complotiste) QAnon a expliqué qu’elle croyait tout ce que lui disaient celui-ci et ceux-là parce qu’elle avait toujours été élevée pour obéir et suivre…

Ce genre de comportement est malheureusement bien connu mais il n’est pas une raison satisfaisante et certainement pas unique qui ferait que des esprits faibles se laissent embobiner par des démagogues vicieux et des propagandistes malins.

Lorsque l’on voit les mouvements de foule dans les pays démocratiques, on est frappé de la haine et de la rage qu’ils exhalent de tous les pores de leurs participants.

Rage et haine sont deux des moteurs favoris des extrêmes contre les démocraties libérales.

Ce sont aussi deux carburants essentiels des totalitarismes.

De même, un monde inconnu et angoissant fait que beaucoup cherchent des réponses qui les rassurent et les idéologies fermées des extrêmes qui expliquent tout, qui pointent de manière manichéenne les bons et les méchants ainsi que les boucs émissaires du tout ce qui ne va pas bien, qui affirment où est la seule vérité possible sont, pour eux, les bienvenus.

Les mouvements terroristes sont là pour le démontrer jusqu’à l’ignominie.

Et puis il y a cette liberté dont tous ces gens ne savent pas quoi en faire et qui devient plus anxiogène qu’émancipatrice parce qu’elle requiert respect et responsabilité – deux attitudes qui nécessitent de penser à autre chose qu’à son unique intérêt – plus un objet gênant dont il faut se débarrasser qu’un outil pour vivre son projet de vie et faire épanouir son individualité.

Oui, le terreau qui permet la résilience des extrêmes malgré leurs échecs constants et les exemples vivants de leurs turpitudes, n’est pas prêt de disparaitre.

Même le fait qu’en ce XXI° siècle, il y ait un nombre de citoyens mieux formés et informés ne suffit pas qu’à ce qu’un grand nombre demeurent prêts à s’embrigader derrière les hérauts de l’autoritarisme et de l’intolérance ou à leur laisser le champs libre sans réagir.

Parce qu’il y a cette évidence que nous voulons oublier lorsque nous parlons d’extrémisme et totalitarisme: aucun parti liberticide dans une démocratie ne peut exister sans électeurs et aucun régime despotique ne peut survivre sans l’appui d’une partie significative de la population, que celui-ci soit tacite ou s’exprime (c’est un peu différent pour une organisation terroriste).

Et les indifférents sont leurs complices.

Alors, le constat est que l’extrémisme existera toujours et que, corrélativement, la démocratie sera toujours un combat et jamais une guerre définitivement gagnée.

Ce n’est pas que nous ne soyons pas capables intrinsèquement de vivre en liberté mais cela requiert des individus qui savent et qui savent utiliser ce qu’ils savent.

Surtout, il faut des individus qui acceptent le prix de la liberté.

Trop nombreux sont encore ceux qui ne veulent pas le payer.

Des sortes de radins de la dignité humaine…

Alexandre Vatimbella