samedi 24 octobre 2020

La faillite de l’individu responsable?

La crise de la covid19 est un révélateur symptomatique de premier ordre sur les comportements humains, non pas seulement dans ce qu’elle pourrait enseigner de nouveau ou de cacher mais également dans ce qu’elle confirme un certain nombre de réflexions sur l’évolution des rapports sociaux et des comportements individuels ainsi que de grandes tendances les concernant dans les démocraties républicaines.

Un des fondements de l’existence pérenne de ces dernières est l’émergence, par la formation et l’information, d’un individu responsable, c'est-à-dire d’un citoyen capable de savoir et comprendre où est son intérêt mais aussi, de manière tout aussi prégnante, de savoir et comprendre où est sa responsabilité dans le collectif où il vit, en un mot être un citoyen, celui qui est capable, dans le cadre du lien social, d’utiliser au mieux ses droits et de respecter du mieux ses devoirs.

Or, le système politique des démocraties du XXI° siècle semble faillir à produire une telle personne et, au contraire, à faire émerger un humain à l’autonomie irresponsable, égoïste, irrespectueux au comportement essentiellement consumériste, n’ayant retenu du savoir qu’il lui est transmis que la réalisation de ses désirs par ces droits sans se préoccuper le moins du monde du bien vivre ensemble et des règles essentielles qui sont à sa base, c'est-à-dire ses devoirs.

Et une démocratie républicaine responsable ne peut pas survivre éternellement sans individus responsables.

L’impossibilité de parvenir à cette conscience et d’agir en regard des valeurs humanistes qu’elle véhicule par la majorité des membres de celles-ci montre qu’elles butent sur un mur dont il faut se demander sérieusement s’il est fait de briques que l’on peut desceller les unes après les autres comme l’espéraient ses premiers promoteurs ou s’il est constitué d’un béton armé inattaquable.

La réalité actuelle semble malheureusement devoir privilégier la deuxième composition.

La montée des populismes où les revendications égocentriques ne sont aucunement contrebalancées par des comportements altruistes en est une preuve tout comme les comportements égocentriques dans cette crise pandémique que nous vivons en ce moment où l’on entend plus des récriminations sur le devoir faire attention à l’autre, le plus faible et le plus exposé au virus – cet autre qui serait un empêcheur de jouir –, que la reconnaissance de l’obligation morale de respecter l’autre en appliquant les règles sanitaires pourtant d’une simplicité extrême mais, oui, contraignantes.

Cette situation se retrouve dans le monde entier et pas seulement en France.

De même, il ne faut pas obscurcir à l’extrême le tableau, beaucoup de personnes agissent de manière responsable et respectueuse de la dignité de l’autre.

Cependant, 244 ans après la guerre d’indépendance des Etats-Unis, 231 ans après la Révolution française qui furent des moments-clés dans l’émergence de la démocratie républicaine et de régimes s’en réclamant, force est de constater que nous sommes encore loin de pays composés que de citoyens, pire, que cet espoir d’émancipation qu’elle porte a été détourné vers des aspirations uniquement narcissiques, pour la satisfaction unique des égos et de plaisirs immédiats.

Ce qu’il faut bien comprendre ici, le point essentiel, c’est que la faillite de l’individu responsable – qui n’est pas encore totale et peut-être pas inéluctable – sera suivie très vite de celle de la démocratie républicaine.

La découverte de vaccins et de traitements pour soigner la covid19 est un espoir que nous voulons tous voir réaliser au plus vite pour sauver le plus de vies possibles et nous permettre de ne pas sombrer dans le chaos politique, économique, social, sociétal et international.

Mais, sur le fond, cela ne règlera pas la question existentielle de l’individu responsable.

Et une fois cette crise terminée, elle n’aura sans doute même pas été un élément de prise de conscience sur la nécessité d’un vivre ensemble humaniste comme nous l’enseigne malheureusement l’Histoire.

 

Alexandre Vatimbella

 

jeudi 22 octobre 2020

Oui, la démocratie est un combat, oui, la liberté a un prix

Je vais me répéter mais c’est pour la bonne cause, celle de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, du respect et de toutes les autres valeurs humanistes dont la tolérance.

Oui, n’en déplaise aux délicats affligés et affligeants qui récusent cette association, la démocratie n’est pas un long fleuve tranquille mais un réel combat quotidien face à des ennemis déterminés.

Oui, n’en déplaise aux sots ignorants et irresponsables, la liberté n’est pas gratuite, elle a un prix et celui-ci est élevé mais pour un bien au montant inestimable.

Tout événement dramatique nous le rappelle si tenté que les éveillés se soient endormis et que les endormis soient en coma avancé.

L’assassinat abjecte de Samuel Paty au nom d’une idéologie nauséabonde est un électrochoc mais tous les jours qui passent les adversaires de la démocratie et les égorgeurs de la liberté sont à l’œuvre, pas toujours dans l’ombre.

Que ce soient les populistes ou les extrémistes, les régimes totalitaires, les terroristes et d’autres forces odieuses, tous agissent pour éliminer de la surface de la terre la démocratie républicaine, une menace que nous ne prenons pas, collectivement, à sa juste importance.

Ce ne sont pas seulement ces pics de l’horreur auxquels nous sommes de plus en plus confrontés et qui rappellent d’autres ignominies dont le XX° siècle fut si riche, mais tout ce quotidien où l’humanisme est constamment agressé dans le but évident et même souvent avoué de le détruire définitivement.

De l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis à celles de Jaïr Bolsonaro au Brésil, de Narendra Modi en Inde ou de Rodrigo Duterte aux Philippines aux «dictacraties» en Hongrie ou en Pologne jusqu’aux mouvements de foules populistes de gauche ou de droite de la France à l’Italie en passant par la Grande Bretagne ou l’Allemagne , les démocraties sont constamment déstabilisées et fragilisées sans que nous réagissions comme nous devrions le faire, avec détermination et sans hésitation.

De la répression des Ouïgours en Chine aux exactions d’Al Qaida ou de Daesh en passant par l’imposition d’un régime autocratique en Turquie, les assassinats ciblés d’opposants en Russie et les massacres de populations civiles en Birmanie ou au Congo, nous regardons amorphes la montée du totalitarisme comme nous l’avions fait dans les années 1930 en nous disant que le pire n’est peut-être pas sûr, enfin, pas tout de suite…

Si nous continuons ainsi, si nous laissons les Méphistophélès emplis de puissance destructrice et de haine agir à leur guise, alors il ne faudra pas s’étonner que les temps apocalyptiques que nous espérions avoir écarté pendant longtemps en 1945 puis en 1989, reviennent avec ce choc en retour qui risque d’être d’une intensité et d’une violence gigantesques.

C’est à nous de choisir l’avenir que nous voulons pour nos enfants.

Alexandre Vatimbella. 

 

samedi 17 octobre 2020

Assassiné pour avoir enseigné la liberté

Toute attaque terroriste est un acte odieux et inacceptable.

Toute victime d’un acte terroriste est une victime de trop.

Mais la décapitation d’un professeur d’histoire d’un collège de Conflans-Sainte-Honorine dans les Yvelines par un terroriste excité par des dénonciations calomnieuses sur les réseaux sociaux de minables et au seul motif qu’il donnait un cours d’éducation civique sur la liberté d’expression et qu’il montrait, pour l’illustrer, aux élèves qui le souhaitaient des caricatures de Mahomet publiées par Charlie hebdo, est d’une dimension encore plus odieuse parce qu’elle touche au cœur de ce qu’est la démocratie républicaine: la formation de citoyens libres et responsables, respectueux de l’autre qui possèdent le droit imprescriptible de s’exprimer et de se forger une opinion par eux-mêmes.

Comme l’a dit avec la force de l’émotion le Président de la République, «Il a été assassiné parce qu'il apprenait à des élèves la liberté d'expression, la liberté de croire et de ne pas croire».

Parce que l’objectif des terroristes islamistes est, en attendant d’établir leur dictature sanglante sous le nom de califat universel, d’empêcher la libre expression le plus possible et d’éliminer tous ceux qui la défendent et la pratiquent en instaurant, dans le même temps, une terreur pour faire taire définitivement tous ceux qui agissent au nom de la liberté.

Assassiner un professeur est l’acte criminel emblématique de ces terroristes contre lequel tous les démocrates doivent se lever, s’indigner et faire front avec cette affirmation, «ils ne passeront pas», qu’a utilisée fort justement Emmanuel Macron.

Oui, ils ne passeront pas et, oui, ils ne feront pas taire ceux qui sont là pour nous apprendre à être libres.

La démocratie républicaine est en deuil parce que le plus profond de son âme a été atteint, parce qu’un de ses membres chargés de l’enseigner a été lâchement tué par un fanatique.

Mais ses partisans ne sont pas à terre et ne plieront jamais devant l’infâme et monstrueuse abjection parce qu’ils tirent leur résilience et leur courage des valeurs humanistes que des criminels de bas étage veulent détruire.

Alexandre Vatimbella

 

mardi 13 octobre 2020

L’enfant, figure emblématique du respect dû à la dignité humaine

L’enfant est la figure emblématique de l’impératif éthique catégorique du respect dû à la dignité humaine.

Son être, dans toutes ses facettes – physique, psychologique, métaphysique –, dans toute son individualité, doit être ainsi sacralisé comme reflet du plus profond comportement moral que toute communauté humaine doit faire sienne, collectivement et individuellement, par chacun de ses membres pour chacun de ses membres, ce respect de soi et de l’autre sans lequel elle ne peut être qualifiée d’humaniste et aucun individu de vir virtutis (humain vertueux).

Ainsi, toute société qui affirme mettre la personne au centre de son agir, qui revendique d’être responsable et démocratique doit porter au plus haut l’affirmation absolue et inconditionnée que chaque enfant est dépositaire de ce que nous avons de plus capital et de plus vital et que, de ce fait, il est l’incarnation suprême de la vertu cardinale qui est notre plus impérieuse obligation, ce respect de la dignité humaine.

Pourquoi un tel statut?

Tout simplement parce que le petit humain est dans son essence, dans son existence, dans son devenir et dans sa fragilité tout ce que doivent défendre et protéger une société aux valeurs, aux règles et aux principes humanistes.

Cela ne signifie aucunement que l’enfant est un dieu, un extraterrestre, un roi, une icône ou même qu’il est un prix supérieur à celui d’un autre humain.

Cela veut dire que dans l’enfant, vis-à-vis de l’enfant, dans son comportement envers l’enfant, l’Humanité trouve ce miroir de ce qu’elle doit réellement être, de ce qu’elle doit vraiment défendre, de ce qu’elle veut se représenter d’elle-même mais aussi des métavaleurs qui la fondent.

Cela veut dire que l’enfant est un sanctuaire où doivent converger pour sa protection toutes les valeurs humanistes qu’une communauté civilisée qui se considère comme telle, doit radicalement et indispensablement appliquer.

Dès lors, si celle-ci ne respecte pas la dignité enfantine n’est pas, elle ne peut pas, elle ne peut jamais être une organisation sociale qui respecte la dignité humaine.

Vient en regard de cela, presque en contrepoint, une des choses les plus simples sur cette terre, «faire» un enfant.

 Une femme et un homme font l’amour, la femme tombe enceinte puis accouche d’un(e) petit(e) humain(e).

Cet acte naturel entre deux partenaires à la recherche d’un plaisir partagé et souvent dans une communion qui touche au divin et au sublime peut engendrer la création de ce que toute société a de plus précieux.

Mais rien n’est fait pour que ces futurs parents soient préparés à cette possible venue au monde et à ce choix.

Même si certains d’entre nous sont plus capables d’être «naturellement» des pères et des mères, même s’il y a aujourd’hui des cours d’éducation sexuelle pour les adolescents, il n’y a aucune formation qui concerne la décision elle-même de devenir parent ainsi de ce que cela implique pour les géniteurs et, surtout, pour l’enfant à naître.

Notre époque permet ou non d’être parent mais elle ne nous prépare pas à l’être, non pas quand la femme tombe enceinte et pendant sa grossesse mais déjà bien en amont ce qui permettrait un vrai désir d’enfant en toute connaissance de cause, en toute responsabilité.

Tout parent en devenir devrait être informé de ce que cela représente d’être les guides de vie et les accompagnateurs d’un enfant.

Autre problème de taille, lorsque cette simplicité se complique avec le problème de l’infertilité de certains couples hétérosexuels ou du «désir d’enfant» de ceux qui ne peuvent enfanter par voie naturelle comme les personnes seules ou les couples gays.

Du coup, cette naissance si «simple», si naturelle acquiert une deuxième dimension éthique forte et évidente parce qu’il s’agit, non pas, d’un désir d’un objet quelconque mais d’un être vivant, un être humain, d’une personne à part entière et d’un individu qui, nous l’avons vu est le récipiendaire emblématique des valeurs humanistes d’une société, la jauge en quelque sort de sa réelle qualité.

La nature ou des puissances célestes, comme chacun voudra selon ses convictions, ont voulu que le nouveau venu ne puisse être que le fruit d’une union sexuelle entre un mâle (spermatozoïde) et une femelle (ovule) pour pratiquement toutes les espèces qui peuple notre planète.

Ceci est une réalité.

A-t-elle un impératif à demeurer immuable ou peut-on s’arranger avec en permettant à tous un «droit à» l’enfant, en créant, par exemple, un humain issu de spermes et d’ovocytes fabriqués en laboratoire parce que nous avons réussi techniquement à ne plus rendre le rapport sexuel obligatoire pour enfanter?

Et comment concilier le principe selon lequel le corps de chacun lui appartient et le problème de l’enfant conçu se trouvant encore dans le ventre de sa mère ainsi que ses droits qui peuvent ne pas correspondre à la volonté (et aux droits) de la femme dans le corps duquel se trouve l’enfant à naître (on ne parle ici que d’un fœtus qui n’est plus un amas de cellules, donc un être en devenir, donc pas de la question de la liberté d’avortement des femmes).

Mais on parle de tout le reste comme, par exemple, de la PMA et de la GPA.

Une ligne directrice doit toujours guider toutes ces questions: l’intérêt de l’enfant.

Ce n’est qu’en adoptant ce point de vue dès le départ que l’on peut éviter le plus possible (mais jamais à tous les coups) les mauvais choix et que la vie d’un enfant se passe de la meilleure manière possible, avec le plus d’amour, le plus de respect et cette responsabilité de lui donner le plus d’outils qui lui serviront toute son existence pour qu’elle se déroule au mieux.

C’est en tout cas la volonté infrangible et la mission intangible que se fixent les humanistes, ceux qui voient dans la personne l’origine et le but de toute association, de tout vivre ensemble.

Alexandre Vatimbella

 

lundi 5 octobre 2020

Au nom de quoi les démocrates devraient se contenir devant les populistes et les extrémistes?!

Quand j’entends que le débat Trump-Biden a été une défaite de la démocratie, je suis malheureusement d’accord.

Quand je lis que cette démocratie a encore une fois été ridiculisée, je suis encore d’accord, toujours malheureusement.

Quand j’entends et je lis que c’est une responsabilité collective, là, je crie au mensonge et à la manipulation.

Ce n’est pas parce que les défenseurs de la démocratie – en l’occurrence Joe Biden dans ce cas – désormais refusent de plus en plus de faire profil bas face aux agressions de ses ennemis, ce qu’ils ont fait pendant trop longtemps afin de n’être pas associés aux beuglements et aux insultes des extrémistes et des populistes, et choisissent enfin la nécessaire confrontation en répondant directement et fermement à ceux-ci, qu’ils doivent être considérés comme coresponsables du climat haineux, violent et nauséabond que ces factieux ont sciemment instauré pour affaiblir et détruire la démocratie.

Pourquoi, nous, les démocrates, nous devrions demeurer doctes, mesurés, voire même résignés devant les vomissures des populistes, des démagogues et des extrémistes qui salissent sans cesse la liberté, l’égalité, la fraternité et les valeurs humanistes?

Nous prend-on pour des grands crétins ou des gros naïfs à qui l’on dit de se pencher un peu plus pour que le coup de pied dans le derrière fasse un peu plus mal?!

Devons nous attendre que la situation devienne encore plus grave qu’elle ne l’est actuellement pour nous révolter et montrer que nous ne nous laisserons pas faire.

L’Histoire nous apprend que nous avons souvent réagi trop tard.

Joe Biden a décidé de refuser de subir les mensonges, les insultes, les provocations, les attaques et les intimidations de Trump et il a bien fait.

Non pas que nous devions nous réjouir que le débat politique atteigne cette intensité dans l’affrontement et qu’il devienne une guerre plutôt que la confrontation des idées mais l’époque est à la défense sans concession des valeurs, des principes et des règles démocratiques.

In fine, s’il est préférable de s’exprimer avec civilité, respect et dignité, n’oublions jamais qu’hier comme aujourd’hui ou demain, que ce n’est pas l’enrobage des extrémistes et des populistes qui est l’essentiel du péril qu’ils représentent et de l’abîme vers lequel ils tentent de nous précipiter mais le fond de leur pensée et leurs intentions.

Qu’ils l’expriment avec vulgarité, brutalité et agressivité, c’est un moyen de frapper les esprits et de prétendre, en bombant le torse, qu’ils sont plus forts (physiquement) et puissants que les démocrates afin d’impressionner le plus grand nombre.

C’est ici que les démocrates ne doivent plus céder un pouce de terrain dans la situation actuelle de la société mondiale et des sociétés démocratiques de plus en plus gangrénées par l’hydre autoritaire qui, une fois qu’elle s’installe débouche le plus souvent sur un régime totalitaire à terme.

Alexandre Vatimbella