samedi 27 mai 2023

La condition humaine et la question de l’eau

La gestion de l’eau est emblématique de notre condition humaine, des lacunes de celles-ci dans nos connaissances et dans notre capacité à anticiper les problèmes, des comportements irresponsables et égoïstes en tant que sans eau pas de vie sur Terre.

La ressource eau potable a toujours été un problème pour l’Humanité.

Pendant des siècles, nombre de personnes mourraient pour avoir bu de l’eau viciée et l’on préférait boire du vin ou de la bière dans certaines communautés afin d’échapper à ces maladies mortelles qu’on savait venir de l’eau sans savoir pourquoi.

Les découvertes scientifiques ont permis de proposer de l’eau en quantité et en qualité dans beaucoup de pays du monde depuis le 19e siècle.

Mais le manque d’eau et une absence de potabilité demeurent dans beaucoup de régions du monde.

Néanmoins, l’idée de manquer d’eau au niveau de la planète n’a jamais été une préoccupation des politiques publiques ainsi qu’une crainte des populations.

Il pouvait y avoir, ici ou là, des pénuries ou des pollutions qui pouvaient priver des populations d’eau localement et de manière conjoncturelle.

Ce qui fait que les politiques de protection de cette ressource étaient rares, peu importantes sauf là où la pénurie était structurelle comme dans les pays du Sud où les plus riches ont commencé à se doter d’usines de désalinisation d’eau de mer malheureusement hautement polluantes encore aujourd’hui.

Quant aux potentielles «guerres de l’eau», elles semblaient être dues à des situations locales qui avaient peu d’incidences sur l’ensemble de la planète.

L’exemple-type de ce désintérêt pour prendre le problème à la racine vient des propos du président américain George W Bush qui, lorsqu’on lui faisait remarquer que les Etats-Unis consommaient beaucoup trop d’eau, asséchant lacs, rivières et nappes phréatiques a répondu qu’il suffirait d’aller la chercher au Canada!

Les Canadiens ont répondu qu’il en était hors de question mais que pourront-ils faire le jour où les Américains auront vraiment besoin de leur eau?!

Pourtant, alors que l’on consacre des milliards pour des politiques et des produits qui ne sont pas indispensables à notre existence, l’eau est demeurée cette ressource qui serait soi-disant toujours disponible en quantité suffisante et que l’on pourrait rendre potable grâce aux technologies maitrisées.

Point donc de «plan eau», d’infrastructures adéquates, de gestion rationalisée, etc.

Même quand des problèmes sont apparus qui indiquaient que ce n’était pas des épisodes passagers mais des tendances lourdes, les réactions n’ont pas été à la hauteur de l’enjeu.

Rappelons-le: sans eau pas de vie.

Si, désormais, avec le réchauffement et donc le dérèglement climatiques, la pénurie d’eau du fait de son utilisation débridée et aucunement encadrée, menace des Etats-Unis à la Chine en passant par l’Europe, des pays qui ne sont pas pauvres et démunis, c’est parce que nous n’avons pas mis en place les politiques et les mesures qu’il fallait parce que trop «contraignantes» et «chères».

Tout cela dit quelque chose de notre condition humaine, de notre incapacité à bâtir un monde où nous prenons en compte les fondamentaux de notre existence.

L’espèce humaine, toute intelligente et capable de réalisations exceptionnelles qu’elle est, ne s’intéresse aux problèmes que quand ils sont là ce qui est souvent trop tard.

Au lieu d’édifier nos société sur du solide, nous accumulons des strates fragiles en espérant que cette construction tienne le plus longtemps possible.

Du coup, au lieu de régler des problèmes assez facilement quand il en est encore temps, nous nous retrouvons au pied de montagnes gigantesques de défis que nous avons bien du mal à résoudre correctement.

L’eau est un exemple typique de nos comportements parce qu’elle est au cœur de nos vies et que nous avions les moyens de sécuriser nos approvisionnements mais que nous avons voulu croire qu’elle serait toujours une ressource «infinie» et qu’il serait toujours temps de s’en occuper «si jamais».

Nous avons fait et faisons la même chose avec l’alimentation, la pollution, l’énergie et bien d’autres domaines.

Changer drastiquement notre vision semble une gageure, non seulement parce que nous n’y sommes jamais parvenus jusqu’à présent, mais parce que cela entraînerait des remises en question que ne sont pas prêts à accepter de larges pans de la population voire de pays tout entiers.

Pourtant, il faudrait que nous prenions enfin conscience de la précarité de la vie humaine face à des réalités qu’il ne suffit plus de nier ou encore de minimiser.

L’espèce humaine en est-elle capable collectivement et solidairement?

Son histoire prouve le contraire.

 Alexandre Vatimbella

 

Pour un grand ministère de la citoyenneté

Que faut-il pour exercer réellement sa citoyenneté dans une démocratie républicaine?

On pourrait répondre, dans une sorte de tautologie, en étant citoyen!

Car être citoyen demande plus que de naître dans un pays, d’en avoir la nationalité et les droits et devoirs qui y sont attachés.

On a bien alors la dénomination légale de citoyen mais en a-t-on la qualité politique?

Par qualité, je parle de capacité.

En effet, être citoyen formel ne permet pas d’être un citoyen responsable de sa vie, de ses actes et de ses choix.

Pour cela, il faut avoir la connaissance, savoir s’en servir pour ses intérêts et ceux de sa communauté.

Il faut connaître ses droits et ses devoirs afin de les maximiser au mieux pour soi et la société dans laquelle on vit.

Posséder la qualité de citoyen demande ainsi d’être éveillé et au courant.

Cela ne requiert pas d’être d’une intelligence supérieure maisd’ avoir reçu une bonne formation (l’enseignement scolaire et extra-scolaire, l’éducation familiale, l’auto-culturation) et d’avoir accès à une bonne information.

De plus, il faut bénéficier et profiter de droits comme ceux qui s’attachent à la liberté, à l’égalité, au respect de sa dignité et à sa sécurité.

Tout ceci concoure au même objectif: faire de l’individu une personne qui possède la qualité de citoyen.

Il y a donc une cohérence à regrouper la formation, l’information et la défense des droits de l’humain dans un grand département ministériel pour donner plus de force et de cohérence à ce qui permet l’acquisition effective de la citoyenneté et non seulement une carte d’identité.

Précisions que lorsque l’on parle d’information, il s’agit avant tout de permettre à toute personne de pouvoir avoir accès à un service public dont la mission est de donner la priorité aux faits et à leur explication avec le plus d’objectivité possible.

Il s’agit aussi de contrôler que la presse commerciale et d’opinion respecte aussi les fondamentaux du journalisme et les lois mais sans interférer évidemment sur sa liberté d’expression.

La création d’un ministère de la citoyenneté, au vu de l’histoire des démocraties et des résultats en ce domaine, est essentiel si l’on veut enfin que le projet démocratique soit une réalité et non largement fictionnel.

L’échec de l’existence de ce citoyen responsable de sa vie démontre une large faille dans ce projet alors qu’il était au centre même de celui-ci selon les pères fondateurs de la démocratie moderne que ce soit aux Etats-Unis ou en France.

Mais il semble que eux et leurs héritiers – tout en répétant sans cesse l’importance de cette entreprise –  n’ont pas assez pris en compte le gigantesque effort que cela nécessitait en termes de moyens tant matériel qu’humain.

Un tel ministère démontrera la volonté de réaliser l’ambition du projet démocratique et que la liberté, l’égalité et la fraternité ne soient plus seulement une devise sur le fronton des édifices publics mais la réalité de ce que vit chaque citoyen.

Alexandre Vatimbella

 

 

jeudi 25 mai 2023

Et si les médias empêchaient l’émancipation du citoyen

Que ce soit par motivation commerciale ou idéologique, les médias ne remplissent pas leur devoir citoyen de délivrer une information la plus juste et la plus objective possible (sachant que la «vérité» est un leurre er que l’objectivité totale impossible).

Bien sûr, selon leurs orientations politiques – sauf pour les médias de service public –, libres à eux, ensuite, de la commenter et de donner leur opinion.

Ce dont je parle est la matière première, les faits, qui, rapportés au plus près de la manière dont ils se sont déroulés, font la véritable information journalistique.

Et cela a une conséquence capitale: l’impossible émancipation du citoyen car celui-ci a besoin de cette information citoyenne pour qu’il puisse, grâce à sa formation (enseignement par l’école et autres moyens de se cultiver), être capable d’être responsable de son projet de vie mais aussi de ses actes.

Pour prendre la mesure de ce que cela représente comme carence dans le processus qui permet au citoyen d’être capable de prendre des décisions concernant ses intérêts et ceux de sa communauté en se basant sur des informations les plus proches possibles de la réalité, imaginons que l’on enseigne à l’école que la Terre est plate, que ce sont les autres planètes et le soleil qui tournent autour d’elle et que les autres étoiles ne sont que des ampoules accrochées à la voûte céleste.

Ou imaginons que pour soigner le cancer, on lui enseigne qu’il faille faire des saignées et traiter les «humeurs».

Comment, dans ces conditions, le citoyen pourrait-il appréhender en toute connaissance de cause et vivre libre dans un monde où il aurait sciemment trompé par l’enseignement qu’il a reçu?

Eh bien, nous sommes proche de cette configuration avec les dérives de plus en plus nombreuses et de plus en plus graves des médias avec la réalité.

Je ne plaide pas pour revenir un âge d’or qui n’a jamais existé dans la presse où ces manquements au devoir d’informer ont toujours été présentes.

Le journalisme du 19e siècle et du début du 20e siècle en France était aussi gangréné par les intérêts commerciaux et idéologiques.

Pendant longtemps le commentaire était valorisé par rapport à la description des faits.

Néanmoins, une avancée dans l’information citoyenne avait eu lieu avec cette idée que le journalisme avait une mission didactique qui était de lui donner les éléments factuels essentiels à son émancipation.

La Charte de déontologie du journaliste rédigée par le SNJ (Syndicat national des journalistes) en 1918 et qui servira plus tard de modèle à la Fédération européenne des journalistes pour sa Charte dite de Munich en 1971, démontrait cette volonté.

Tout n’était pas parfait mais il semblait que les avancées dans ce domaine étaient irréversibles.

Malheureusement le troisième millénaire naissant allait connaître une régression spectaculaire dans cette mission libératrice.

On peut bien sûr pointer l’émergence d’internet et des réseaux sociaux vis-à-vis desquels la presse traditionnelle, après une tentative de résistance, se calqua sur leurs codes pour le pire.

Cependant, ce serait trop facile de trouver uniquement des responsables extérieurs de cette dérive.

Parce que la déontologie journalistique aurait dû l’empêcher, ce qui n’a pas du tout était le cas, démontrant que les journalistes et les propriétaires des médias n’avaient aucunement comme but cette information citoyenne mais que la concomitance entre celle-ci et leurs intérêts commerciaux et idéologiques était conjoncturelle et non structurelle.

Nous voilà donc dans un monde où ni la réalité des faits, ni leur hiérarchie, ni leur importance pour l’information du citoyen ne sont des priorités absolues.

Nous voilà dans un monde où les faits ne sont plus la matière première pour informer mais, par leur manipulation, pour raconter des réalités alternatives qui servent l’intérêt, non pas du citoyen, mais du média, de ses intérêts commerciaux et/ou idéologiques.

Tout cela a une conséquence désastreuse pour le projet démocratique qui ne peut exister sans un citoyen qui, pour être, émancipé et responsable, doit être correctement formé et informé.

Alexandre Vatimbella

 

 

mardi 16 mai 2023

La démocratie et ses faussaires

Les faussaires de la démocratie sont partout.

Faussaires, des «personnes qui commettent un faux, qui imitent, qui falsifient quelque chose d'authentique» selon la définition du CNRTL, le Centre national de ressources textuelles et lexicales du CNRS.

Au nom soi-disant de la défendre, de l’améliorer, de l’accroître et/ou de permettre qu’elle fonctionne correctement voire réellement, ils la violent, la corrompent, la fragilisent sans vergogne et s’en servent pour l’instrumentaliser au profit de leurs desseins individuels ou collectifs.

En réalité, ils attaquent les valeurs qui la fondent et en sont les fossoyeurs.

On les retrouve partout, dans les partis politiques, dans les médias, dans les sphères intellectuelles mais aussi dans l’univers des réseaux sociaux où ils pullulent.

Exemple avec les deux valeurs fondamentales de toute démocratie: la liberté et l’égalité.

Celui venant de la Gauche.

Au nom d’une liberté virtuelle, elle s’en prend constamment à la sécurité qui serait anti-démocratique.

Des organisations ont même demandé aux Etats-Unis de ne plus financer la police, mot d’ordre repris en France par certains membres de la Nupes.

Or, Proudhon disait fort justement qu’il y avait trois éléments essentiels pour l’humain: sa liberté, son égalité et sa sécurité.

C’est vrai.

Si elles sont vraiment réelles alors sa dignité est assurée et son individualité préservée.

Car la liberté sans la sécurité ne peut exister pas et n’existera jamais.

Celui venant de la Droite.

Au nom d’une soi-disant méritocratie, l’égalité ne serait vraiment assurée que si l’on laisse à chacun la capacité d’exploiter ses potentialités sans les entraver d’aucune manière dans une compétition où le «meilleur»gagne.

Sauf que le prétendre c’est oublier que dans une société qui n’organise pas l’égalité, comme le dit Montesquieu, «quand il s'agit d'obtenir les honneurs, on rame avec le mérite personnel et on vogue à pleines voiles avec la naissance».

En effet, laisser inorganisée la méritocratie c’est évidemment nier qu’il y a, dès le départ, une inégalité de condition sociale entre les individus et que si l’on veut une vraie égalité de réussite, donc une vraie méritocratie, il convient de donner la même chance à chacun de pouvoir mener son projet de vie avec succès.

Prenons un autre exemple: le communautarisme.

Sous couvert de donner la parole aux minorités, il nie la plupart du temps l’universalisme qui est le  cadre même de la démocratie républicaine libérale.

Tout groupe qui réclame une légitimité plus grande et des droits plus étendus que ceux offerts par cette démocratie républicaine libérale combat en fait cet universalisme.

De même pour tous les mouvements qui demandent des «réparations» à la démocratie au motif qu’elle aurait maltraité des groupes sociaux, ethniques, générationnels, etc.

Le plus souvent ils réclament une sur-égalité ce qui, par voie de conséquence, entraîne une sous-égalité aux autres ce qui est totalement anti-démocratique alors même que la revendication est soi-disant une démocratie plus aboutie…

Plus généralement, exiger pour un groupe – et non pour un individu – une reconnaissance de sa différence c’est créer des sphères fermées qui se côtoient dans une inégalité de fait.

L’exemple le plus caricatural dans cette fausseté est bien sûr la prétention d’établir la démocratie ultime en passant par une dictature!

C’est ce qu’a prétendu le marxisme-léninisme et a abouti aux pires totalitarismes du 20e siècle en Russie et en Chine, notamment, avec des dictateurs comme Staline et Mao qui n’ont rien à envier à Hitler.

Par ailleurs, on retrouve une idée dans les mouvances extrémistes de gauche et de droite selon laquelle le «peuple» serait tout puissant pour organiser la démocratie comme il l’entend.

Or rien n’est plus faux.

La démocratie est un régime qui donne le pouvoir au peuple de choisir ses représentants, non d’abattre la liberté, l’égalité et la fraternité.

Ainsi n’y aurait-il qu’un seul partisan de celles-ci, cela empêcherait toute le reste de la communauté dans laquelle il vit de le priver de ses droits démocratiques.

Et n’y aurait-il plus aucun partisan, cette même communauté ne pourrait agir au nom des droits des générations futures.

La manipulation des esprits est la méthode principale utilisée par les faussaires.

La réponse est une dénonciation constante des tentatives de vicier la démocratie et de subvertir ses valeurs.

Plus structurellement, c’est de bien former et informer chacun pour qu’il devienne ce citoyen responsable et conscient de ses intérêts et de ceux de sa communauté, ce qui est la condition sine qua non d’un fonctionnement correct de la démocratie.

Alexandre Vatimbella