lundi 24 avril 2023

Plaidoyer pour un service public d’information citoyenne

Peut-on expliquer les dérives actuelles des médias par l’arrivée d’internet et des réseaux sociaux? En partie, seulement, car ce serait oublié que la presse fut d’abord d’opinion avant d’être d’information puis populaire voire populiste avant d’être factuelle. Il est évident que la concomitance entre la création des chaines d’info en continu et d’internet a introduit un élément moteur de ces dérives qui est la nécessité d’alimenter sans discontinuer le fil d’information avec tout ce que l’on peut et avec tout l’arsenal de la communication. D’où une absence encore plus grande de hiérarchie dans les informations et la trituration d’une information au-delà du concevable. S’est ajoutée une concurrence débridée entre les chaines d’info en continu entre elles, des sites et réseaux sociaux d’internet entre eux mais aussi de ces chaines, sites et réseaux entre eux, à la fois, sur la recherche d’informations qui peuvent faire le buzz et sur la manière de racoler le plus de public (soit global, soit particulier) possible.

Aujourd’hui, on peut malheureusement dire qu’en ce qui concerne le journalisme nous ne sommes plus dans l’information, ni même dans l’information spectacle mais dans la communication où l’information n’est qu’une matière première et non plus l’objectif final, c’est-à-dire que ce qui est privilégié n’est pas les faits mais les commentaires qui les accompagnent voire des commentaires sur des faits qui auraient pu se produire ou qui pourraient se produire.

Si la presse n’a jamais été parfaite, loin de là, elle est néanmoins devenue un endroit où il est de plus en plus difficile de s’informer parce que l’information est manipulée soit à des fins commerciales, soit à des fins idéologiques.

S’il semble impossible dans une démocratie de faire autre chose que de réguler ad minima ces tendances et cette réalité, rien n’empêche, en revanche, de créer aux côtés de ce secteur privé, un vrai service public de l’information citoyenne dont la mission serait d’apporter les faits, de les expliquer mais de ne jamais être dans le commentaire, c’est-à-dire de faire ce que le journalisme aurait dû toujours faire et qu’il n’a pratiquement jamais fait.

Un service public évidemment indépendant du pouvoir en place et des forces politiques, économiques, sociales et culturelles dont la mission et la charte déontologique seraient très précises et dont l’application serait confiée à une autorité indépendante élue.

Cette information citoyenne serait délivrée à côté de celle que délivrent les médias commerciaux et/ou partisans.

Ainsi, les deux fondements de l’information dans une démocratie républicaine libérale seraient mis en œuvre:

- donner les éléments qui permet au citoyen d’être correctement informé pour qu’il puisse prendre les décisions le concernant et concernant la communauté dans laquelle il vit en disposant des éléments nécessaires à ses choix;

- permettre à tous de pouvoir s’exprimer dans le cadre de la liberté de pensée et donc de la liberté d’expression et de pouvoir faire passer son message auprès de la population et de pouvoir convaincre de la justesse de ses idées.

Il n’y a qu’un système vraiment dual qui permet cela.

Aujourd’hui, aucun service public de l’information dans aucune démocratie ne remplit le rôle d’être un canal d’information citoyenne, à la fois, parce qu’il est souvent en concurrence directe avec le secteur privé et parce qu’il est systématiquement partisan.

La tâche est donc d’en mettre un sur pied qui réponde à tous les critères d’une vraie information citoyenne.

Alexandre Vatimbella

 

 

dimanche 16 avril 2023

Mieux vaut une démocratie imparfaite que pas de démocratie du tout

La démocratie républicaine est un édifice en construction continue, sans cesse en émulation mais également en confrontation constante avec à la réalité afin de faire prévaloir ses valeurs, ses principes, ses règles et son vécu face aux agressions dont sont en permanence victime la liberté, l’égalité et la dignité humaine.

La démocratie républicaine ne doit jamais devenir ce travers dans lequel nous la contenons trop souvent: une simple incantation. Cela signifie qu’elle doit être à même de réaliser ses promesses. Or, si plusieurs ont été réalisées, plus ou moins complètement, plus ou moins parfaitement, nombre de celles-ci demeurent encore virtuelles par notre faute.

Il ne s’agit même pas que nous approfondissions la démocratie – ce qui peut se justifier dans certains domaines –, juste que nous la pratiquions correctement.

Bien sûr, la démocratie moderne est récente, elle n’a pas encore 250 ans et ses premiers balbutiements étaient loin d’être exemplaires.

Aux Etats-Unis, les citoyens actifs n’étaient ni les Amérindiens, ni les Afro-américains ainsi que les femmes (qui toutefois étaient des citoyennes passives).

En France, l’épisode de la Terreur et la récupération du mouvement par Napoléon pour se faire sacrer empereur sont des exemples de ses débuts chaotiques à l’occasion de la Révolution.

Mais heureusement des évolutions ont eu lieu vers les principes fondamentaux de la démocratie.

Reste que la simple constatation nous indique sans aucun doute que vivons actuellement dans une démocratie imparfaite.

Cependant, mieux vaut vivre dans une démocratie imparfaite que dans pas de démocratie du tout.

Parce qu’une démocratie imparfaite fait sienne les valeurs humanistes qui défendent la dignité humaine et le respect de la personne.

Parce qu’une démocratie imparfaite reste le régime de la liberté et de l’égalité qui, si elles doivent être améliorées n’appartiennent qu’à la démocratie si imparfaite soit-elle.

Parce que si nous attendons que la démocratie soit parfaite pour être libres, nous risquons de ne jamais l'être!

Ayant dit cela, il est évident que tous les démocrates doivent travailler sans cesse à faire en sorte que la réalité se rapproche des idéaux.

Et la tâche est avant tout de faire de tous les individus des citoyens bien formés et informés capables de construire et pratique leur propre projet de vie tout en étant responsable de la société dans laquelle ils vivent.

Alexandre Vatimbella

 

 

mercredi 12 avril 2023

S’attaquer aux droits des femmes c’est évidemment s’attaquer à la démocratie

Pourquoi les réactionnaires et en particulier les extrémistes de droite s’attaquent systématiquement aux droits des femmes?

Tout simplement parce qu’ils s’attaquent à la démocratie qui n’en est vraiment une que si l’égalité entre les femmes et les hommes est réelle et que si les droits spécifiques aux femmes sont protégés et étendus.

En niant aux femmes le droit de disposer d’elles-mêmes, ils veulent imposent un ordre qui en fait des sous-citoyennes.

C’est une stratégie réfléchie qui n’est pas un simple rejet de la modernité, du progrès social ou la peur d’une société libertaire.

S’attaquer aux droits les plus récents donc les moins structurés par le temps et la pratique c’est créer une brèche dans l’édifice des droits des humains.

On pourrait dire la même chose pour les droits des communautés LGTBQ+ et même du droit des enfants où la reconnaissance de ces derniers comme personne à part entière est rejetée au nom d’un délitement de l’autorité et d’un refus d’un soi-disant «enfant-roi» qui n’a existé que dans le fantasme d’esprits réactionnaires.

Ainsi, les décisions des républicains et des juges qu’ils ont nommés aux Etats-Unis remettant en cause l’avortement procède de cette offensive contre la liberté et pas simplement contre les femmes.

Défendre et protéger les droits des femmes, les étendre, faire ne sorte qu’il y ait une vraie égalité dans tous les domaines entre les femmes et les hommes est un combat pour une vraie démocratie républicaine.

Ceux qui prétendent que cela serait la disparition de la civilisation occidentale et de ses valeurs tentent en réalité désespérément non seulement d’arrêter un processus qui aurait du être beaucoup plus rapide dès les révolutions américaine et française mais de revenir en arrière.

Tout démocrate doit les en empêcher.

Alexandre Vatimbella

 

 

dimanche 2 avril 2023

Les jours sombres de la démocratie sont-ils devant nous?

Pour fonctionner correctement la démocratie républicaine nécessite des citoyens éveillés.

Et la liberté ne peut être réelle que dans le cadre d’une responsabilité de chacun dans son utilisation.

En ces temps troublés et anxiogènes que nous sommes en train de vivre – et pas seulement à cause de la crise sanitaire, du réchauffement climatique ou de la guerre de Poutine contre l’Ukraine –, l’individu responsable – pierre angulaire d’une société libre et en paix –, face aux faits et aux dires d’une partie de la population, n’est-il pas un espoir déçu et qui a vocation à toujours l’être?

Si tel est le cas, n’est-on pas au bout d’un processus démocratique – qui a toujours été imparfait et parcellaire – et non à l’aube d’une nouvelle avancée de la liberté?

N’’est-on pas déjà allé trop loin dans l’autonomie de l’individu qui se révèle souvent n’être que le terreau à son irresponsabilité, son égocentrisme, son irrespect et son insatisfaction chronique avec sa demande d’un assistanat continu?

Une reprise en main n’est-elle pas alors nécessaire pour protéger et conforter les acquis plutôt que d’élargir les «droits de» et surtout les «droits à»?

On le sait, la démocratie est un régime fragile qui permet d’être attaqué par ses ennemis tant extérieurs qu’intérieurs avec les propres armes qu’il leur fournit au nom même de ses principes.

Quant à la liberté – état qui fait souvent aussi peur qu’il fascine – les obligations qu’elle demande de la part de ses utilisateurs sont soit détournées, soit rejetées par nombre de ceux qui peuvent l’utiliser.

Or donc, si la responsabilité ne peut être réellement implémentée, si chaque liberté, chaque droit font l’objet d’un détournement pour n’être que des armes qui divisent au lieu de rassembler, qui permettent la licence et l’irrespect de l’autre, alors il faut en tirer les conséquences.

D’abord en redéfinissant exactement ce qu’est la démocratie en ce 21° siècle où ce n’est plus le vote des représentants du peuple qui en est le fondement – mais qui demeure évidemment essentiel – mais bien, au-delà de la souveraineté populaire, le respect de la personne donc de son individualité, de sa dignité et de sa liberté, ce qui fait d’elle le seul régime politique légitime et non pas un parmi tant d’autres.

Et l’Etat de droit se doit de s’adapter à ce constat ainsi que les pratiques démocratiques.

Donc la solution ne passe absolument pas par un régime autoritaire et a fortiori totalitaire qui serait la négation des valeurs humanistes de la démocratie.

Mais elle passe par la mise en place de garde-fous c’est-à-dire de réglementations strictes qui empêchent l’instrumentalisation de la liberté qui la nie, c’est-à-dire que la licence l’emporte sur la liberté.

Ensuite, il faut toute une série de mesures qui forment réellement à la démocratie, allant de l’enseignement à l’obligation d’un service civique en passant par la mise en place d’un vrai service public de l’information.

L’individu doit être libre mais il doit aussi participer au cadre qui permet cette liberté sinon il ne peut complètement comprendre les mécanismes qui lui permettent de l’être.

Si tel n’est pas le cas, nous sommes sans doute à l’orée de jours sombres pour la démocratie qui s’effondrera autant par les coups de boutoirs de ses ennemis extérieurs et intérieurs que par l’incapacité de ses dirigeants mais aussi de la société civile d’avoir mis en place les structures indispensables qui seules peuvent permettre une vraie pratique démocratique grâce à des citoyens éveillés et réellement capables de prendre des décisions en regard de leurs intérêts et de ceux de la communauté à laquelle ils appartiennent.

Alexandre Vatimbella

samedi 1 avril 2023

A la recherche des gens raisonnables

Raisonnable, personne «dont la pensée, le comportement, les choix sont guidés par la raison, la sagesse, la mesure; qui sait rester maître de ses impulsions, de ses passions, de son imagination» nous dit le CNRTL (Centre national de ressources textuelles et lexicales).

Raisonnable, c’est-à-dire doué de raison, donc de capacités à ne pas fantasmer mais à vivre dans le réel.

Donc capable de faire des choix pour ses intérêts et ceux de sa communauté en relation avec ce réel et non ses fantasmagories et ses passions.

Que ce soit en France ou ailleurs, le constat est sans équivoque: la raison n’a jamais été aussi faible et attaquée depuis la fin du 19e siècle.

Plus, elle semble être «ringarde» quand ce n’est pas tout simplement «rétrograde» et «réactionnaire».

S’émanciper de la raison serait donc s’émanciper d’un carcan qui empêcherait la réalisation de ses désirs et de ses plaisirs.

Or, si un régime autocratique ou totalitaire s’accommode fort bien de son absence, ce n’est pas le cas d’une démocratie républicaine.

Celle-ci, au contraire, a un besoin existentiel de gens raisonnables et elle n’existe que pour eux et par eux.

Cet absence de raison vient notamment de systèmes d’enseignement et informationnels déficients.

Elle vient également de la volonté de certains d’instrumentaliser les passions plutôt que de construire sur le réel.

Quoi qu’il en soit, il nous faut absolument replacer l’individu raisonnable au centre du projet démocratique et républicain faute de quoi nos sociétés de liberté disparaitront.

Alexandre Vatimbella

 

 


L’échec de la république de faire de l’individu un citoyen éclairé et responsable

La réalisation du projet de la démocratie républicaine libérale passe obligatoirement par l’éclosion et l’épanouissement d’un citoyen éclairé et responsable, capable de prendre des décisions au mieux de ses intérêts et de ceux de la communauté dans laquelle il vit.

Les deux mamelles auxquelles l’individu doit s’abreuver pour atteindre cet objectif émancipatoire sont la formation – c’est-à-dire la transmission du savoir et des valeurs humanistes ainsi qu’une méthode par l’enseignement – et l’information – c’est-à-dire lui donner la possibilité de pouvoir prendre connaissance de tous les éléments possibles afin d’être au courant du monde dans lequel il vit.

Tâche ô combien belle et valorisante mais qui, dès le départ, a laissé sceptique certains devant son ampleur et son côté quelque peu utopique.

Néanmoins, l’école de la république et les médias de la démocratie ont enclenché au cours du 19e siècle le processus de cet éveil du citoyen.

Mais, malheureusement, on s’est vite aperçu qu’il n’était pas à la hauteur requise pour qu’il permette à ce citoyen d’être vraiment éclairé et responsable.

Car si le projet démocratique a apporté à l’individu une autonomie indispensable à sa qualité de citoyen, faute des outils pour bien l’utiliser, celle-ci est devenue, paradoxalement, une arme contre la démocratie…

J’ai souvent parlé de cette autonomie égocentrique, assistée, irresponsable, irrespectueuse et insatisfaite.

Une sorte de détournement «solipsistique» de la démocratie où la seule réalité que veut prendre en compte l’individu est celle de son existence et de son intérêt.

Et un détournement de l’idéal individualiste qui est ramené à un simple nombrilisme.

Cet échec ou cette non-réussite si l’on préfère, pose la question de la possibilité d’y parvenir un jour, le plus tôt possible serait évidemment le mieux.

Cependant si la raison de cet insuccès, c’est la nature même de l’espèce humaine, alors la messe est dite.

Si, en revanche, c’est la faute des structures mises en place et de leur fonctionnement, alors il reste un espoir.

La réalité que nous vivons quotidiennement et les années de pratiques démocratiques semblent devoir nous faire militer pour la première proposition– la démocratie républicaine existant depuis près de 250 ans sans discontinuer aux Etats-Unis, on constate une faillite certaine du projet qui apparait dans toute sa crudité avec Trump qui est autant un des phénomènes de celle-ci que sa conséquence –, on peut également dire que les politiques et les moyens mis pour les réaliser ont aussi montré leurs limites et qu’il reste encore à mettre en route une organisation efficace et ce, en provoquant un véritable Big bang dans ce domaine.

Cela passe d’abord par la création d’une structure essentielle et prédominante, un ministère transversal de la citoyenneté qui regrouperait, entre autres, l’enseignement et l’information citoyenne.

Ce super-ministère ne serait pas une fin en soi mais le bras armé d’un plan de mobilisation d’une envergure jamais vu jusqu’à maintenant.

Si tel n’était pas le cas, on peut craindre que la démocratie s’effondrera par l’incapacité des humains à lui donner vraiment les moyen d’exister.

Pourquoi militer pour ce big bang ?

Parce que la démocratie républicaine libérale est le meilleur système politique que l’on puisse mettre en œuvre actuellement face aux réalités de la vie terrestre et il vaut donc la peine de tout faire pour qu’elle existe vraiment.

Une fois d’ailleurs solidement établie et fonctionnant correctement des améliorations et des évolutions pourront se faire pour aller encore plus vers la seule raison d’être d’une démocratie républicaine libérale, l’épanouissement de l’individu capable de vivre pleinement son individualité, ses différences, de bâtir avec réussite son projet de vie tout en partageant avec l’autre dans une relations de confiance et solidaire.

Avouons que nous n’en sommes pas encore là…

Alexandre Vatimbella