vendredi 24 novembre 2023

Nous payons le prix de n’avoir mené à leur terme, ni la dénazification, ni la déstalinisation

Les défaites du nazisme en 1945 puis celle du communisme en 1989 auraient dû permettre d’éradiquer définitivement ces deux totalitarismes qui venaient de se déconsidérer totalement en prouvant leur incapacité à gouverner ainsi que leur dangerosité sans parler de leurs crimes innommables.

Mais la communauté internationale a raté, et la dénazification, et la déstalinisation qui auraient pu permettre de bâtir un monde de liberté.

Quand je dis «raté» c’est plutôt qu’il y a eu un refus d’aller au terme de la démarche d’éradication.

La guerre froide – en grande partie mais pas seulement –  dès 1947 et la lutte contre le terrorisme ainsi que la marche triomphante de la globalisation dès les années 1990 après l’échec du mouvement étudiant de la place Tiananmen à Pékin sont des causes de ce refus des démocraties et des mouvements démocratiques d’engager une réelle et complète «détotalitarisation» de la planète.

Après la Deuxième guerre mondiale, la menace communiste a stoppé net la dénazification et nombre de serviteurs d’Hitler ont été laissé tranquille quand ils n’ont pas été utilisé pour combattre le nouvel empire stalinien.

Notons d’ailleurs que Moscou fit de même avec les anciens collaborateurs du nazisme dont nombre d’entre eux furent utilisés dans de multiples tâches souvent celle de la répression de ses opposants.

Après la chute du mur de Berlin, les démocraties avaient une peur bleue que l’ex-URSS ne se délite totalement en créant un situation hors de contrôle en particulier, on l’a oublié, en ce qui concerne les armes nucléaires qu’elle possédait à profusion et qui, crise économique oblige, étaient laissées à l’abandon quand ce n’était pas proposées à la vente à des organisation terroristes par des militaires peu scrupuleux.

Quant à la Chine, elle avait été élevée au rang d’usine du monde par les capitalistes et principal moteur de la croissance mondiale alors dans des moments difficiles.

Du coup, les tendances totalitaires sont réapparues en Russie et ont été confortées en Chine.

A chaque fois, la morale est passée au second plan voire a été évacuée pour des raisons qui n’étaient pas forcément illégitimes mais qui n’auraient pas dû se poser.

Ainsi, si nous avions aidé le nouveau pouvoir russe, peut-être ne se serait-il pas fourvoyé avec l’alcoolique corrompu Eltsine qui n’eut d’autre choix pour ne pas aller en prison de choisir Poutine comme successeur en passant un pacte pouvoir contre immunité.

Quant à l’arrêt totale de la dénazification à grande échelle, rien ne justifiait cet abandon sauf une peur panique qui s’était emparée des démocraties face à l’agressivité des régimes communistes, agressivité qui aurait pu et aurait dû être traitée différemment.

Et cela est bien dommage parce qu’aujourd’hui la menace totalitaire n’est pas seulement une question morale mais elle est surtout existentielle pour les démocraties républicaines et leurs valeurs humanistes, pour la liberté dans le monde.

On aurait pu espérer que ces deux ratages servent de leçon mais celui de la dénazification n’a été d’aucune utilité lorsqu’il a s’agi de procéder à la déstalinisation…

Aujourd’hui donc on a des régimes musulmans qui affichent au grand jour leur adhésion à l’idéologie hitlérienne et on a des régimes à Moscou et à Pékin qui ont réhabilité Staline et son clone chinois, Mao.

Deux exemples parmi tant d’autres que l’on aurait pu choisir, ailleurs, en Afrique, aux Amériques, en Asie et même en Europe avec la montée des populismes radicaux à l’extrême-droite et l’extrême-gauche.

Peut-être que le comportement de la communauté internationale dominée en 1945 et en 1989 par les démocraties qui auraient pu imposer leur ordre fait des valeurs qu’elles défendaient a été dicté par des impératifs conjoncturels légitimes qui ont empêché la réalisation d’objectifs structurels fondamentaux.

Reste que cette politique du moment a eu des conséquences que l’Humanité paye quotidiennement.

Alexandre Vatimbella

lundi 20 novembre 2023

Si la démocratie s’en sort, elle prouvera définitivement sa force

Attaquée par ses ennemis intérieurs et extérieurs, lâchée par nombre de ceux dont elle protège la liberté et la dignité dans la sécurité, critiquée par ses propres intellectuels et experts médiatiques, si la démocratie républicaine se sort de cette crise qui coure depuis une partie de ce troisième millénaire, elle prouvera définitivement sa force.

L’acharnement de ces offensives, leur intensité, une sorte d’union sacrée entre les extrémismes de gauche et de droite, entre les religieux et les profanes, entre les haineux et les envieux, sont autant de coups de boutoir pour l’affaiblir puis provoquer son effondrement.

Pour l’instant, la démocratie républicaine résiste plus ou moins bien mais elle résiste.

C’est d’autant plus méritoire qu’elle le fait dans le cadre d’un Etat de droit – même s’il est parfois écorché – alors que ses adversaires utilisent tous les moyens et se fichent pas mal des formes.

Car il ne faut pas s’y méprendre, la démocratie républicaine part toujours avec un handicap face à ces offensives et ces vagues constantes d’agression.

Défendre des valeurs humanistes, proposer la liberté dans l’égalité et inversement, rechercher le respect de la dignité de chacun et protéger son individualité sont autant de «désavantages» face à des idéologies, des régimes et des terroristes qui ne proposent que l’enfermement totalitaire et le traitement des individus comme un vulgaire troupeau d’asservis.

Pourquoi celles-ci et ceux-ci séduisent autant de personnes au sein même des démocraties républicaines?

D’abord par les mensonges populistes et démagogiques diffusés et qui touchent des personnes soit limitées, soit en souffrance, soit en précarité et qui sont donc ouvertes à tous les bobards qui leur font miroiter une sorte de paradis sur terre.

Ensuite parce qu’elles ou ils semblent proposer un ordre face à l’instabilité ressentie du monde, la sécurité face à ses multiples violences.

Or, c’est tout le contraire qui est leur véritable programme.

Aucun régime totalitaire, qu’il soit séculier ou religieux n’a apporté la prospérité à son peuple tout en le respectant et lui apportant les garanties sécuritaires.

Sans parler que pour y parvenir, tous les droits humains sont bafoués constamment ainsi que la dignité de chaque individu.

La «fatigue démocratique» invoquée pour expliquer le désintérêt voire le lâchage de la démocratie républicaine par les peuples qui bénéficient de ce régime serait plutôt cette propension humaine à ce que nous soyons toujours insatiables et que nous cherchions des boucs émissaires à nos récriminations et nos revendications au lieu de nous satisfaire du positif de nos existences.

Et la démocratie par sa nature, ses fondements, ses principes et ses règles donnent la possibilité de nous plaindre et de le faire savoir à l’opposé d’un régime totalitaire.

Aujourd’hui, nous sommes sans doute à une des croisées des chemins dont sortira une nouvelle ère.

Sera-t-elle dominée par l’espoir démocratique ou par la noirceur du totalitarisme?

La question demeure ouverte.

Mais une chose est sûre et certaine: la démocratie républicaine n’en sortira pas vainqueure si nous ne l’aidons pas à gagner cette guerre que les forces réactionnaires et despotiques ont engagé contre elle.

A chacun de choisir son camp.

Alexandre Vatimbella

samedi 18 novembre 2023

Trump ou la mort de l’espoir démocratique

Oui, il a existé des démocraties qui sont devenues des dictatures et des dictatures qui ont été remplacées par des démocraties.

Oui, l’espoir démocratique a été maintes fois déçu et il a fallu se remettre à l’ouvrage pour le faire revivre.

Mais ce qui se passe aux Etats-Unis pourrait bien être la vraie mort si ce n’est de la démocratie à court terme mais, sûrement, de l’espoir démocratique.

Première démocratie mondiale, le pays est en proie à une déstabilisation qu’il n’a sans doute jamais connu à cette intensité.

Bien sûr, il ne faut pas oublier les soubresauts de la démocratie américaine tout au long de son histoire avec des épisodes paroxystiques comme lors de la Guerre de sécession (Guerre civile dans la terminologie américaine) où Abraham Lincoln déclara sa battre pour que le régime «du peuple, par le peuple, pour le peuple» ne disparaisse pas de la Terre.

Et comment passer sous silence que cette première et plus longue démocratie de l’ère moderne ait exclue de ses bienfaits les esclaves (dont l’écrasante majorité venait d’Afrique) et les «native americans» (amérindiens)?

Nombre de présidents ont été des politiciens corrompus ou extrémistes comme ce fut le cas dans les dernières décennies avec Ronald Reagan et George W Bush.

Reste que les Etats-Unis sont bien, qu’on le veuille ou non, le phare du monde libre, rien parce qu’ils sont la première puissance de la planète.

Tout aussi imparfait et parfois bancal, son régime démocratique est encore une réalité.

Pour combien de temps?

La présidence de Donald Trump et l’emprise que celui-ci a gardé sur le Parti républicain mais aussi sur nombre d’électeurs est en effet un danger pour son existence même.

Car nous devons nous rendre compte que la principale menace contre la démocratie n’est pas exogène mais endogène.

La démocratie, aujourd’hui, ne s’effondrera pas des coups de boutoir de ses ennemis extérieurs mais bien de ses ennemis intérieurs

Oui, le risque prégnant vient de tous ces mouvements et personnages extrémistes et populistes au premier rang desquels on trouve donc Donald Trump.

Pourquoi l’ancien président des Etats-Unis?

D’abord par le personnage lui-même, un populiste extrémiste, raciste, corrompu, menteur, complotiste et incompétent.

Ensuite par l’idéologie qu’il véhicule qui prétend, entre autres, que les régimes autocratiques sont plus efficaces que la démocratie.

Ensuite par les gens qui le suivent qui sont un mélange détonnant d’ignorants, de haineux, d’envieux, les fameux «déplorables» comme les a fort justement qualifiés Hillary Clinton en 2016.

Puis par les gens qui le servent qui sont un mélange d’extrémistes de droite, d’affairistes corrompus, de ratés et incompétents.

Et parce qu’il est en position de pouvoir éventuellement gagner l’élection présidentielle qui aura lieu en novembre 2024 ce qui démontre une faille monumentale dans le fonctionnement de la démocratie américaine puisque ces agissements auraient dû le conduire depuis longtemps en prison.

Rappelons qu’il doit faire face à de multiples procès ce qui, même condamné, ne l’empêchera sans doute pas de se présenter et d’être soutenu par le Parti républicain qui a depuis longtemps trahi la promesse de ses fondateurs et de ses deux président emblématiques, Abraham Lincoln et Theodore Roosevelt.

Après sa tentative ratée de coup d’Etat le 6 janvier 2021, son élection serait un vrai séisme politique encore plus catastrophique pour la démocratie que sa victoire en 2016.

Trump, en effet, rêve de transformer les Etats-Unis en un pays autocratique dont il serait le chef et de défaire l’alliance entre les démocraties pour se rapprocher de tous les pays ennemis de celles-ci.

On peut, on doit espérer, que les électeurs étasuniens sauront lui faire barrage comme en 2020 (mais aussi en 2016 où il n’avait pas remporté le vote populaire, étant président à cause d’un régime électoral d’un autre temps).

Car comme le dit fort justement Barack Obama, «la démocratie vivra si nous nous battons pour».

Alexandre Vatimbella

 

jeudi 16 novembre 2023

Assistons-nous à l’effondrement de la démocratie?

Il nous faut bien nous poser une question qui semblait émaner il n’y a pas si longtemps des pessimistes chroniques mais aussi des extrémistes vivant dans leur monde utopique: sommes-nous en train d’assister à l’effondrement de la démocratie?

Je ne dis pas au début de l’effondrement parce qu’en la matière l’Histoire nous a montré que tout pouvait aller très vite.

Mais ce qui est important c’est que cet effondrement que tous les démocrates ont toujours redouté sachant la fragilité du meilleur régime politique applicable à ce qu’est l’Humanité, est désormais possible et qu’il n’est pas un événement sorti tout à coup de nulle part.

Cela fait des années, depuis le début de ce troisième millénaire en gros, que la fragilisation de la démocratie sous les coups de boutoir de ses ennemis est un processus en marche constante.

Ainsi, les craintes et alarmes de nombre de gens autrefois posés nous disent que cette interrogation est maintenant bien installée dans la discussion et le débat politiques, non plus comme un exercice de style mais comme un constat face à la réalité du moment.

Comme le pire ne survient pas toujours, il faut également dire que tout n’est pas irréversible dans cette tendance à la disparition du régime démocratique.

Au-delà de cette touche d’optimisme, ce que l’on peut, en revanche, affirmer c’est que les signes se multiplient dans le sens négatif.

Evidemment dans nombre de régions du monde où la démocratie, parfois embryonnaire il est vrai, est en train de disparaître comme en Asie ou en Afrique sous la houlette de pays comme la Russie et la Chine qui veulent imposer leur nouvel ordre mondial où la liberté n’est pas comprise.

Néanmoins, le danger principal qui gangrène déjà les démocraties, ce sont les forces internes qui sont en train de saper méthodiquement tout l’édifice que nous avons construit depuis plus de 250 ans, en partant des Etats-Unis puis de la France, nous rappelant au passage que nous avons déjà assisté par le passé à son implosion dans plusieurs pays comme, bien sûr, l’Allemagne dans les années 1930.

La disparition quasi-totale de la démocratie dans nombre de pays comme la Russie mais aussi le recul manifeste dans d’autres comme la Hongrie, le Venezuela ou la Turquie, par exemple, ainsi que la prise du pouvoir par des partis autoritaires comme en Italie, en Slovaquie et, jusqu’à peu, en Pologne (on va voir,  cependant, comment va se passer la transition entre la droite radicale, battue, et le centre vainqueur aux dernières législatives) sans oublier les expériences comme Bolsonaro au Brésil et, bien sûr, Trump aux Etats-Unis qui risque, en plus, de se reproduire en 2024.

D’ailleurs, une victoire du populiste extrémiste, raciste, corrompu et menteur dans la plus vieille et plus puissante démocratie, serait un signe extrêmement puissant que le processus d’effondrement est en marche.

Déjà, dans les démocraties qui résistent aux extrémismes, on a assisté à un déplacement plus que préoccupant des lignes politiques des partis dits «de gouvernement» de droite et de gauche vers des positionnements proches, voire identiques, à ceux de leurs extrêmes et, par conséquent, un affaiblissement de l’axe central qui regroupe tous les partis qui vont de la droite libérale réformiste à la gauche social-démocrate en passant par le centre libéral social.

En France, l’alliance du PS et d’EELV avec LFI dans la Nupes en est un exemple emblématique mais il n’est pas le seul.

Dans les pays où deux partis principaux s’opposent pour le pouvoir, les ailes radicales gagnent inexorablement du terrain comme c’est le cas aux Etats-Unis où une majorité d’élus républicains est aujourd’hui extrémisée et où l’aile gauche du Parti démocrate se renforce.

Et dans le débat politique, ce sont de plus en plus de thèmes autrefois défendus uniquement pas les extrêmes qui s’imposent.

Comment expliquer ce possible effondrement qui guette la démocratie?

Les causes sont évidemment multiples mais l’une d’elle doit nous interpeler particulièrement, celle de la perversion des valeurs, principes et règles démocratiques par des individus et des groupes soit sciemment, soit par des comportements irresponsables.

Ainsi, la démocratie est, en partie, en train de mourir parce qu’elle a réalisé nombre de ses promesses mais que les peuples qui en ont été bénéficiaires ont été incapables de les utiliser de manière responsable et à bon escient.

Ce qui pose une question encore plus angoissante: le pari démocratique qui consiste à faire naître un citoyen libre et responsable, capable de faire des choix pour ses intérêts et ceux de la communauté dans laquelle il vit est-il voué à être éternellement perdant?

En tout cas, force est de constater qu’en 250 ans, nous n’avons pas réussi à le gagner…

Alexandre Vatimbella