vendredi 28 mai 2021

Le logiciel de la presse erroné face aux nouvelles menaces contre la démocratie

Par définition, une presse libre n’existe que dans un pays de liberté.

Cette évidence est bonne à rappeler à tous ceux qui ont tendance à l’oublier.

Pouvoir dire et écrire ce que l’on veut grâce à la liberté d’opinion, à la liberté d’expression et à la liberté de la presse est l’apanage d’une démocratie républicaine.

Et cette dernière est le socle de la libre parole.

Il n’est pas question, pour moi, ici, de refaire le débat sur l’utilisation de la liberté par ses ennemis pour tuer la liberté, le lecteur pourra lire mon point de vue par ailleurs (lire ici).

Non, ce dont je veux parler c’est de la responsabilité des médias face aux nouvelles menaces qui pèsent contre notre liberté.

Bien entendu, cette nouveauté emprunte largement à l’ancien mais pas seulement.

Et ce que j’entends par nouveauté c’est également un temps nouveau qui est également le retour d’un cycle qui semble inéluctable dans une démocratie républicaine où, à périodes répétées, l’hydre autoritaire et totalitaire revient en force pour abattre l’édifice démocratique en s’appuyant sur les frustrations d’une partie de la population, que celles-ci s’appuient sur du réel ou du fantasmé.

Nous sommes dans une de ces périodes comme nous l’étions dans les années de l’entre-deux guerres par exemple ou lorsque Bonaparte prit le pouvoir pour faire cesser la «chienlit» de la Révolution.

Et la presse semble incapable de prendre la mesure du défi qui se présente et qui pourrait bien, à terme, tuer sa liberté et donc la liberté tout court.

Pourtant, au début des années 1980, quand, en France, l’extrême-droite relève la tête – en même temps que l’extrême-gauche commence à se déliter avec la chute lente mais inéluctable du Parti communiste –, les journalistes dans leur immense majorité tentent de mettre un pare-feu face au Front national en refusant de reprendre ses déclarations ou d’inviter ses dirigeants à s’exprimer dans leurs colonnes, dans leurs studios et sur leurs plateaux.

Cela n’empêche, certes pas, la montée des thèses fascistes défendues par ce parti dans l’opinion – ainsi que les accros à ce pacte antifasciste –  mais cela permet qu’un interdit démocratique demeure, celui d’empêcher les ennemis de la liberté d’utiliser la presse pour la supprimer.

Et, dans la foulée, de montrer du doigt les menaces que leurs thèses recèlent.

Mais ce pare-feu va, petit à petit, de déliter puis céder d’autant plus que la mémoire collective oublie dangereusement les régimes totalitaires de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie et que le monde de l’extrême-droite discret au sortir de la Deuxième guerre mondiale se décomplexe et peut à nouveau faire de la propagande et du prosélytisme afin de retrouver son espace politique et électoral.

Ceux qui pensaient que les thèses totalitaires qui charrient les idées les plus repoussantes auraient disparu comme par enchantement, tombent de haut mais refusent alors la fatalité d’une résurgence à terme victorieuse de leurs propagateurs.

Pour autant, dans un premier temps, ils minimisent une menace dont ils pensent qu’elle est encore lointaine.

Le réveil sera d’autant plus cauchemardesque.

Dès 1986, pour torpiller une victoire écrasante de la Droite aux législatives, François Mitterrand change à la va-vite le système électoral pour permettre à des dizaines de députés du Front national de siège à l’Assemblée nationale afin de créer la zizanie entre eux et les représentants de la droite républicaine.

Si le président socialiste porte une lourde responsabilité dans le début de cette fameuse «dédiabolisation» de l’extrême-droite, il n’a tout de même pas créé cette dernière, ni son ascension.

Et en 2002, c’est le coup de tonnerre avec la présence de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la présidentielle en lieu et place de celui qui faisait pourtant figure de prochain président de la république, Lionel Jospin.

Ce dernier coup de semonce n’a toujours pas été pris à la mesure du challenge qu’il posait à la démocratie par la presse.

Dès lors, est-il étonnant que Marine Le Pen ait été au second tour de la présidentielle de 2017 face à Emmanuel Macron et que sa présence ait été vue somme toute comme «normale».

Normale, elle l’était bien sûr puisqu’elle a obtenu le nombre de voix nécessaire pour y être.

Normale dans une démocratie républicaine, assurément non!

Et le fait que tous les sondages actuels disent qu’elle sera au second tour en 2022 montre bien que cette démocratie républicaine s’est bien mal défendue.

Evidemment, elle n’est pas la seule comme l’a montré l’élection de Trump aux Etats-Unis en 2016 ou la présence d’autocrates au pouvoir en Hongrie, en Pologne, en Turquie, en Russie (où il y eut des élections libres, ne l’oublions pas, avant la mainmise de Poutine sur le pays), aux Philippines, au Brésil.

Oui, le mouvement qui porte l’extrême-droite et la montée du populisme qui permet ses victoires concernent toutes les démocraties du monde.

En Espagne, c’est Vox, parti franquiste qui à le vent en poupe, tout comme en Allemagne, l‘AfD, le parti néo-nazi.

Et il n’y a pas si longtemps, c’est le parti fasciste de la Ligue qui était au gouvernement en Italie.

Dans ce paysage extrêmement préoccupant, la presse n’a pas remplie son rôle quand il le fallait.

Pire, aujourd’hui, pour des raisons multiples qui vont d’idéologies inquiétantes à de simples motifs commerciaux, elle a très largement ouvert ses portes à tous les extrémistes, les radicaux et les populistes qui veulent abattre la démocratie.

Et face aux réseaux sociaux, non seulement elle n’a pas été la digue de la responsabilité et du sérieux de l’information mais elle s’est mise à copier internet pour tenter d’assurer sa survie économique.

Même les médias de service public, pourtant à l’abri de déboires financiers, ont joué le mimétisme avec cette presse commerciale et ces réseaux sociaux.

Mais la presse n’est et ne peut être qu’une pâle copie de ces réseaux si elle veut les singer.

Ceux-ci  auront toujours un temps d’avance et une image romantique positive auprès de ceux qui veulent les croire ou qui tombent dans le panneau de leur information biaisée par rapport à une presse devenue, par sa propre volonté d’ailleurs, une institution en s’autoproclamant «quatrième pouvoir», une énorme erreur de communication…

Parce qu’aujourd’hui, un des succès des réseaux sociaux, c’est bien d’être le lieu contre tous les pouvoirs institutionnalisés.

Pourtant, le fait d’être cette institution aurait pu permettre à la presse d’être ce lieu de responsabilité où l’on informe d’abord et où l’on permet au citoyen de prendre la mesure des périls contre sa liberté.

Au contraire de cela, elle a joué l’irresponsabilité au nom d’une liberté qui impose justement de la responsabilité pour être effective…

Aujourd’hui, la presse ne remplit pas son devoir démocratique en mettant, par exemple, sur le même pied un Emmanuel Macron et une Marine Le Pen, une Hillary Clinton et Donald Trump dans ce que certains ont appelé les «fausses équivalences» qui aboutit à ce que les propos mensongers des extrémistes soient mis sur le même plan que les dires vérifiés des démocrates, où les positions et les personnalités des apprentis autocrates soient traitées de la même manière que celle des candidats des partis démocratiques.

On a vu le résultat en grandeur nature qui s’est produit aux Etats-Unis où, in fine, un personnage comme Trump a pu parvenir à la Maison blanche grâce à une dédiabolisation venue des médias eux-mêmes et qui a tenté un coup d’Etat à la fin de son mandat pour demeurer au pouvoir.

Un Trump qui est un modèle pour Marine Le Pen, tout comme l’est Poutine qui tue des opposants et musèle les médias qui ne sont pas à ses ordres.

Il est urgent que la presse évolue vers une prise de conscience de sa responsabilité dans la protection de la démocratie qui seule lui permet d’exister.

Et quand je dis qu’elle doit évoluer, c’est parce que le temps soi-disant béni où elle était ce phare de la liberté n’a jamais existé!

Cependant, on pouvait penser qu’en accumulant de l’expérience et en formant mieux ses journalistes, elle serait capable de remplir sa mission d’informer du mieux possible le citoyen pour que ce soit celui-ci qui se fasse sa propre opinion tout en lui rappelant que s’il pouvait le faire c’est bien parce qu’il y avait une presse libre, dont la liberté était uniquement garantie par un régime démocratique.

Cela n’a pas été le cas et la défiance qui pèse désormais sur la démocratie vient en partie de ses erreurs, voire de ses fautes ou, pire, d’une volonté affirmée par certains médias d’être des éléments subversifs à l’encontre de la démocratie républicaine.

Peut-on espérer un sursaut et voir le logiciel journalistique être enfin mis aux normes des gigantesques défis qui se présente à la démocratie en ce XXI° siècle?

Les solutions existent, comme par exemple, un service public de l’information géré par une autorité indépendante et contraint par une charte précise de remplir sa mission indispensable à la formation d’un citoyen responsable et capable de prendre des décisions en toute connaissance de cause pour ses intérêts et ceux de sa communauté tout en respectant les valeurs, les principes et les règles de la démocratie.

Mais, seuls les organes de presse commerciaux eux-mêmes peuvent décider de devenir enfin ce pourquoi ils existent in fine dans une démocratie: promouvoir la liberté.

Alexandre Vatimbella

 

vendredi 21 mai 2021

Pas de liberté pour les ennemis de la liberté?

Quand on entend les propos pleins de sagesse de la philosophe Monique Canto-Sperber dans son dernier livre, «Sauver la liberté d’expression», elle qui veut lutter contre la désinformation, les fake news, la cancel culture et la violence des discours qui s’est accrue exponentiellement avec les réseaux sociaux en y opposant la capacité de débattre où la parole serait vraiment partagée dans un juste équilibre, on applaudit mais on demeure dubitatif tellement la situation s’est détériorée ces dernières années.

En revanche, on la soutient lorsqu’elle expliquer que la liberté d’expression n’est pas la liberté d’opinion, la seconde devant demeurer libre et sans entrave, tandis que la première doit être organisée dans un cadre où elle ne peut déraper.

Oui, tout peut être pensé, non, tout ne peut pas être dit et écrit publiquement.

Cependant, le problème cardinal, voire vital, de la liberté d’expression et d’opinion tient dans ce paradoxe extrême qui fait que la liberté est attaquée et souvent supprimée avec ses propres armes c’est-à-dire à la liberté donnée par la liberté à ceux qui veulent l’abattre de pouvoir s’exprimer en toute liberté au risque de néantiser la liberté des autres, de tous les autres, dans les faits.

Oui, tout commence par des mots parce que nous sommes des êtres communicants.

Donc toute ignominie a commencé par des mots pensés, dits, écrits.

Ce sont par des mots que le nazisme, le fascisme, le franquisme, le léninisme et le stalinisme ont d’abord attaqué la liberté avant de la détruire une fois au pouvoir.

Tout était dans Mein Kampf d’Hitler, dans Que faire? de Lénine.

Car le problème n’est pas d’avoir peur de la liberté d’opinion mais bien d’une parole débridée qui, in fine, la fera disparaitre concrètement alors que rien et personne ne sont légitimes à le faire.

Parce que l’attentat contre de la liberté par les mots se transforme souvent en agression contre les personnes, psychologiquement et physiquement.

Lors du génocide des Arméniens par les autorités turques, la première décision fut d’arrêter, de déporter et d’exterminer toute leur intelligentsia  culturelle et politique, de les priver du droit à la parole pour mieux les exterminer, une leçon que les autorités allemandes n’oublieront pas.

Dès lors, ne doit-on pas agir préventivement et faire sienne cette fameuse adresse qui est attribuée – faussement – à Saint-Just lors de la Révolution, «Pas de liberté pour les ennemis de la liberté».

Cette sentence, au premier abord est terrible parce qu’elle semble être une contradiction totale de ce qu’est la liberté qui doit être la même pour vraiment exister, surtout qui ne peut être brandie contre elle-même.

La liberté est basée sur l’égalité, ne peut exister sans l’égalité de tous à pouvoir l’exercer.

Pourtant, elle parle de cette contradiction que contient en elle-même la liberté, la possibilité de ses ennemis de l’utiliser pour la supprimer.

Que recouvre en fait cette discrimination?

D’abord et fondamentalement que c’est pour que l’égalité de chacun à être libre demeure effective que les ennemis de la liberté ne peuvent l’utiliser contre elle.

Ensuite que ceux qui ne respectent pas la liberté des autres ne peuvent prétendre bénéficier de leur liberté.

Ou l’on défend la liberté et l’on a le droit de s’en servir, ou l’on est un ennemi de celle-ci et on ne peut l’instrumentaliser contre elle.

Plus prosaïquement, la liberté se défend contre ses ennemis c’est-à-dire que l’on ne peut demeurer passif devant ceux qui profitent d’un régime de liberté pour l’abattre.

Ce que nous apprend ce XXI° siècle avec la montée de l’autonomie irresponsable de l’individu couplée avec la montée d’un égoïsme irrespectueux de l’autre qui favorise les thèses autoritaires, c’est qu’à l’inverse que ce que croyaient les libéraux, on a besoin, et de la liberté des «anciens», et de la liberté des «modernes», et de la liberté «positive», et de la liberté «négative» dans une dimension collective (alors que l'inventeur de cette dichotomie, Isaiah Berlin l'envisageait du point de vue individuel).

C’est un constat en rapport avec l’évolution des mentalités et des comportements mais aussi des capacités humaines ici et maintenant.

Contrairement à ce que pensaient les libéraux des 17e, 18e et 19e siècles, non seulement la liberté des «modernes», celle reposant sur le libre-choix de chacun, n’a pas créé un monde ouvert où tout le monde se respecte mais la formation et l’information, condition sine qua non d’un individu capable de bien d’utiliser sa liberté pour lui et vis-à-vis des autres, ont failli ou, tout au moins, demeurent largement incomplètes.

Or, pour que la liberté vive, il faut une personne qui respecte l’autre et qui, correctement formée et informée, comprend la nécessité de faire vivre la liberté comme un bien commun inaliénable.

Aujourd’hui, la liberté est simplement revendiquée comme un bien «naturel» et individuel qui repose sur la fiction que nous naissons libres.

Si cette fiction est essentielle pour affirmer que l’être humain n’a d’autre maitre que lui et ne peut être asservi même volontairement, elle l’a, à l’inverse, conduit à se désintéresser de la dimension éminemment collective de la liberté, en particulier dans sa défense.

Ainsi, la participation des citoyens doit être effective avec la mise en place partout où cela est possible d’une association entre les gouvernés et les gouvernants dans une sorte de cogestion de la démocratie, participation qui passe évidemment par le fait de remplir ses «devoirs de citoyen» comme d’aller voter à chaque élection.

Mais ces devoirs ne doivent pas s’arrêter là.

L’absence dans la plupart des démocraties d’un service obligatoire à rendre à la communauté (comme l’était par exemple le service militaire et qui pourrait prendre aujourd’hui la forme de périodes à dédier à la communauté dans des domaines les plus divers) a distendu le lien entre la liberté de l’individu et ses devoirs qui en découlent envers celle-ci.

Ce n’était pas une évidence il y a encore cinquante ans, cela l’est devenu désormais.

La liberté n’est en effet pas donnée «naturellement» mais elle se conquiert et elle ne se conserve pas sans agir, c’est-à-dire qu’elle doit être protégée contre ses prédateurs, ce qui ne peut se faire qu’ensemble.

Or cette protection ne peut être réalisée individuellement mais doit se faire collectivement parce que tout les membres de la communauté sont dans le même bateau et pour qu’il demeure à flot et qu’il continue sa traversée, l’ensemble de l’équipage doit aller dans le même sens.

De même, il ne s’agit pas seulement de lutter contre l’oppression pour être libre (liberté négative) mais bien d’agir pour la faire vivre dans la collectivité en prenant par à son fonctionnement et à sa protection (liberté positive).

Face à cela, ceux qui veulent tuer la liberté sont évidemment les ennemis de sa dimension individuelle et collective.

Ils doivent être combattus comme tels et non être tolérés comme une sorte de résidu naturel de la liberté qui ne pourrait satisfaire tout le monde.

Car la liberté n’est pas un bien, ni même un droit, c’est l’état indépassable de la condition humaine d’une société respectueuse de chacun de ses membres.

A ce titre, cette société est tout à fait légitime de se battre contre les ennemis de cette liberté.

Pour cette dernière, c’est tout simplement une question de vie ou de mort.

Et elle ne peut se laisser assassiner.

D’où le combat légitime de ses défenseurs.

Et n’oublions pas que ce combat n’est pas initié par eux mais bien par les ennemis de la liberté.

Alexandre Vatimbella

 

jeudi 13 mai 2021

Crises: la décision est évidemment politique et doit toujours être politique

Quand les médecins disent que les décisions concernant l’épidémie de la covid19 sont essentiellement politiques pour s’en plaindre, ils ont raison et ils ont tort.

Ils ont raison, ce sont des décisions politiques et ils ont tort de s’en plaindre parce qu’il faut que ce soient des décisions politiques.

Quand les scientifiques spécialisés dans l’environnement, le réchauffement climatique ou encore la biodiversité regrettent que devant l’urgence de la situation ce soient les politiques qui décident et non qu’ils ne soient que des courroies de transmission de leur travaux, ils ont également raison et tort.

Tous comme les militaires (et pseudo-militaires) factieux qui veulent que les décisions prises en matière de maintien de l’ordre et de sécurité par les politiques leur soient attribuées.

En cela, ils sont des disciples de Platon qui était tout sauf un démocrate et qui souhaitait que sa république idéale soit dirigée par ceux qui savent.

Mais en démocratie républicaine, il est essentiel que le politique, c’est-à-dire le peuple, par la voie de ses représentants élus, soient les décisionnaires en dernier ressort.

C’est l’unique voie qui permet à une décision d’être légale, donc de s’imposer à tous et d’être mise en œuvre par les professionnels.

Ce qui n’empêche nullement que ces derniers soient consultés par les politiques pour qu’ils leur donnent leur avis autorisé et leurs recommandations.

D’autant qu’un gouvernement des «élites» n’est pas un gage de bonne gouvernance.

Et si le politique peut faire des erreurs, c’est la même chose pour ceux qui savent.

Si l’on reprend toutes les déclarations des médecins depuis que la crise sanitaire a débuté, on trouvera énormément d’erreurs, d’approximations et de bêtises.

Et personne n’a oublié que nos militaires si compétents selon eux nous ont conduits à une défaite traumatisante en 1940 alors même qu’ils disposaient de plus d’avions et de canons que leurs homologues allemands.

En revanche, seuls les politiques possèdent la légitimité mais aussi la responsabilité issues du suffrage universel.

Mais il ne faut pas être dupe de ces revendications qui vont de pair avec une défiance contre les politiques et la montée du populisme et de l’extrémisme.

Ainsi, on pourrait croire que la volonté de ceux qui savent de diriger à la place des élus du peuple est à l’opposé des attaques populistes contre les piliers de la démocratie libérale.

L’une vient d’«en haut», les autres, d’«en bas».

En réalité, dans notre monde du XXI° siècle, la première est complémentaire des secondes parce qu’ensemble, elles procèdent du même objectif, retirer le pouvoir du politique.

On le voit bien par l’instrumentalisation qu’en font les médias dans la crise de la covid19 en particulier.

Les médecins sont en effet utilisés contre le gouvernement et l’on trouve toujours le spécialiste service qui viendra dire que le confinement est inadapté ou que le déconfinement est une erreur, au choix…

Une instrumentalisation qui ne semble guère gêner la grande majorité du corps médical qui intervient dans lesdits médias et qui se prête à ce jeu… politicien.

Reste qu’évidemment nous avons besoin de la parole et des travaux de ceux qui savent pour qu’ils nous éclairent.

Et nous avons besoin de leurs capacités et de leur art pour nous protéger, nous soigner, nous aider.

Mais s’ils veulent décider pour le pays, alors ils doivent s’engager en politique et se faire élire.

 

 

lundi 10 mai 2021

Le rêve européen peut-il devenir réalité?

Ce 9 mai est le jour où nous fêtons l’Union européenne et, en cette année 2021, c’est également le lancement officiel de la Convention sur l’avenir de l’Europe dont l’objectif est, par une consultation des citoyens et des organisations, de définir ce que, nous, européens de l’UE voulons qu’elle soit demain.

A l’horizon du printemps 2022, les instances de Bruxelles feront le bilan et s’engagent à donner suite aux propositions faites sur un site dédié (http://futureu.europa.eu) dans la limite, évidemment, de leurs compétences.

Et c’est sans doute là que cet exercice trouvera ses limites si jamais il ne les trouve pas déjà dans un désintérêt des citoyens européens pour participer à cette consultation.

Mais ce serait bien dommage que ceux-ci ne disent pas ce qu’ils veulent pour l’Union européenne et ce qu’ils ressentent de son existence ainsi que de son fonctionnement et que leurs propositions n’aient aucune suite.

Parce qu’il faudrait bien que le rêve européen devienne enfin cette réalité dont nous avons tellement besoin, nous, les habitants de l’Europe mais nous aussi les membres de l’Humanité.

Parce que ce rêve est bien un rêve de paix, de coopération, de respect dans un cadre démocratique où règnent la liberté et l’égalité.

C’est-à-dire un formidable défi, difficile mais tellement formidable à relever.

Jusqu’à maintenant, il est demeuré une sorte d’utopie et, parfois, il s’est concrétisé pendant un instant ou à propos d’une épreuve qui touchait les Européens collectivement.

C’est le cas, bien évidemment actuellement, avec la pandémie de la covid19 d’autant que le continent européen a été particulièrement touché par ce virus et ses ravages.

Peut-être d’ailleurs, qu’il sera un élément-clé pour aller de l’avant comme la Deuxième guerre mondiale a été un élément-clé pour ébaucher une union de l’Europe.

On peut le regretter, mais c’est souvent dans les moments incertains que les choses avancent parce qu’il n’est plus temps alors d’ergoter, de procrastiner et encore moins de reculer.

Mais les dangers, certains mortels, ne se réduisent pas à un coronavirus.

Elles ont pour nom Russie, Chine, terrorisme, populisme, réchauffement climatique, pauvreté et exclusion et quelques autres items menaçants.

De même, le départ du Royaume Uni dont l’apport à l’Union européenne demeurera à jamais une honte indélébile par la volonté des dirigeants de Londres de bloquer de l’intérieur ce qu’ils n’avaient pas réussi à détruire de l’extérieur (et aux autres membres de l’UE de ne pas réagir assez vigoureusement), impose que l’Union européenne saisisse l’instant pour créer une dynamique qui permette de passer à une étape majeure d’une entité fédérale.

Oui, mais voilà, les forces qui jouent contre une Europe plus intégrée n’ont en rien abdiqué, bien au contraire.

Si le Royaume Uni n’est plus là, la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, voire même les Pays Bas et le Danemark sans oublier les pulsions allemandes en la matière, peuvent êtres des freins à toute avancée notable.

Et les forces d’extrême-gauche et d’extrême-droite, les mouvements nationalistes et populistes sont également là pour bloquer, dans la violence s’il le faut, une Europe unie.

Rien n’est donc gagné.

Cependant, rien n’est perdu, non plus!

En cela, il y a un espoir que les citoyens, au vu des énormes challenges ainsi que des graves menaces que l’Union européenne doit et va devoir affronter, comprennent enfin que le rêve européen c’est juste une question de survie, une réalité bien concrète et non une chimère utopique.

Alexandre Vatimbella

 

samedi 8 mai 2021

Napoléon ou l’ambiguïté de son héritage

Ceux qui détestent la Révolution adorent Napoléon et ceux qui détestent Napoléon adorent la Révolution.

Derrière cette formule lapidaire et peu nuancée se cache néanmoins cette bataille mémorielle sur l’empereur des Français, tel était son titre.

Mais l’Histoire, elle, nous dit que sans Révolution pas de Napoléon et sans Napoléon pas de Révolution.

Car, que l’on aime ou non l’homme, que l’on aime ou non l’événement, Napoléon est un fils de la Révolution et nombre des legs de la Révolution sont dus à Napoléon même s’il en a piétiné allégrement bien d’autres...

Alors que l’on fête le bicentenaire de sa mort, il serait bon de ne pas oublier l’intrication de la Révolution et de l’Empire pour le meilleur et pour le pire.

Oui, il y a un héritage positif de Napoléon et oui c’était un dictateur.

Certains vont jusqu’à estimer qu’il est de la même engeance qu’Hitler ou Mussolini qui eux aussi, surtout le premier, peuvent être crédités d’améliorations de leur pays et vis-à-vis de leur peuple mais qui ont été des personnages sanguinaires, imbus de leur grandeur ainsi que de leur pouvoir et qui ont conduit, et leur pays et leur peuple, à un désastre militaire.

D’ailleurs, Hitler n’était-il pas un admirateur de Napoléon qui, comme lui, était issu du peuple, même si le Corse venait d’une famille de petite noblesse mais désargentée?

Pour autant, on ne peut faire une stricte analogie entre un réel bâtisseur, Napoléon, et un aventurier avide de grandeur mégalomaniaque comme Hitler, qui fut in fine qu’un destructeur, même si tous deux pensaient d’abord à eux-mêmes avant de penser à ceux qu’ils gouvernaient.

Et puis, si Napoléon a enfermé ses opposants, s’en est même débarrassé, même si ses guerres à répétition ont semé la mort et le chaos, il n’est pas responsable d’un génocide et n’a pas été le leader d’un parti qui a commis des atrocités et des ignominies sans nom.

Bien sûr, faire une distinction sur le degré de barbarie d’acteurs majeurs de l’Histoire n’est pas vraiment une échelle de valeur positive!

De plus, Napoléon n’est pas celui qui déclare la guerre qui va mener au chaos mais il en hérite de la Révolution qui, elle-même, n’en est pas responsable mais doit faire face à la coalition de monarchies qui veulent abattre un régime qui prône – sans toutefois toujours tenir ses promesses – la liberté, l’égalité et la fraternité.

Et puis, il convient de ne pas oublier que l’Europe entière des monarchies voulait se débarrasser de Napoléon.

Non pas parce qu’il était un «usurpateur» – tous les monarques n’en sont-ils pas?! – mais parce qu’il amenait avec ses troupes les idées de la Révolution qui étaient bien plus dangereuses que ses fusils et sa personne.

Reste la question centrale de sa place dans notre époque.

Si l’on peut trouver du bien et du mal dans le gouvernement de la France par Napoléon à l’époque où il s’est déroulé et si l’on peut trouver des héritages positifs qui ont permis de faire de la France ce qu’elle est, on ne peut, en revanche, faire l’impasse d’une analyse de son règne en y appliquant les valeurs humanistes.

Non pas celles d’aujourd’hui mais celles qui ont plusieurs millénaires et que des personnalités de paix et d’amour ont professées, parfois dans le désert, mais qui ne sont pas seulement «modernes» ou «contemporaines», c’est-à-dire qui ne peuvent, selon certains, s’appliquer à une période différente de la nôtre.

On pense évidemment à Jésus ou Bouddha, par exemple mais il y en avait bien d’autres comme Confucius ou Zoroastre qui permettent de pouvoir utiliser une grille de lecture un peu différente de celle que l’on nous ressasse sans cesse «les réalités du moment» qui ne peuvent faire fi d’une vision morale que, par exemple, nous utilisons toujours malgré «les réalités de notre époque».

Non pas pour nier ces réalités mais pour ne pas laisser à ces dernières l’exclusivité d’une analyse où l’on doit toujours réintroduire des valeurs millénaires basées sur le respect de l’humain.

Et avec cette grille humaniste, les circonstances atténuantes en faveur de Napoléon sont quasi-inexistantes!

Mais, ajoutons immédiatement, que cela est le cas pour bien d’autres figures historiques qui sont célébrées, voire glorifiées…

En conclusion, nous ne devons pas nier les aspects positifs de l’Empire sur la construction de la France moderne parce qu’il y en a mais nous ne pouvons pas absoudre Napoléon de tous ses manquements au respect de l’humain au nom de ceux-ci.

Alors, à l’inverse de que certains prônent, si l’on doit positiver, ce n’est pas l’héritage de Napoléon mais bien de l’Empire en disant bien que ni l’un, ni l’autre ne sont des modèles pour l’avenir de la France.

Si l’exercice de style auquel s’est livré Emmanuel Macron à l’occasion de ce bicentenaire, à la fois dans l’éloge et la critique de Napoléon, n’était pas des plus convaincants sur ses conclusions somme toute favorables pour l’empereur, on ne peut être que d’accord avec lui sur le fait qu’il faut étudier l’homme et son œuvre pour savoir d’où nous venons, nous, Français, et dans quel environnement nous vivons mais aussi pour apprendre ce que nos ancêtres étaient et ce que nous voulons être.

Oui, étudier Napoléon et tous ceux qui ont fait l’Histoire, pour comprendre comment s’est formée la France et le monde mais aussi pour avoir cette capacité critique d’évaluer le passé afin d’y puiser le bon et rejeter le mauvais pour construire un avenir meilleur.

Reste que l’homme et l’époque où il vécut ont tellement d’ambiguïtés que nous n’avons certainement pas fini de nous interroger sur l’un et l’autre et sur ce qu’ils nous ont donné.

Alexandre Vatimbella