39-45: Mon père à El Alamein

1939-1945: La guerre d'Aris Vatimbella


 
Aristarque, dit Aris, Vatimbella est né le 3 février 1916 à Alexandrie. Il est mort à Paris le 20 janvier 1990.

Il participa à la Deuxième Guerre Mondiale comme volontaire de l’armée hellénique du Moyen Orient. Après avoir fait l’école des officiers, il devint lieutenant cadet puis lieutenant en second d’Infanterie et officier de liaison avec les armées britanniques. Il participa à des batailles de la Campagne du Désert et notamment à la fameuse bataille d’El Alamein en 1942. Il fut également attaché au vice-président du conseil des ministres du gouvernement grec en exil à Alexandrie.

Moment où l''avion de Jean est abattu par les Allemands...
Si ce texte est dédié à Jean Vatimbella, son frère, c'est que celui-ci est mort à 22 ans au combat à vingt-deux ans en tant qu'aviateur au-dessus de la Crète, le 26 novembre 1944 à bord d'un Spitfire, alors même que la fin de la guerre avait été actée par toutes les parties mais que les soldats allemands de la batterie de DCA qui l'ont abattu en fonction dans l'île ne le savaient pas...

Aris avait fait ses études au Gymnase (lycée) Averoff d’Alexandrie de 1929 à 1932 et partit faire ses études universitaires en France, à Paris, à la faculté du Panthéon, de 1933 à 1936 puis à Montpellier, en 1937. Comme beaucoup d’élites d’Egypte, la famille Vatimbella était francophone en réaction à la présence coloniale britannique, même si Aristarque, lui-même, devint très anglophile et le demeura toute sa vie.

Il fit des études de droit et devint avocat dans le cabinet de son père, Vatimbella & Catzeflis, de 1937 à 1955. Mais il ne fut jamais accepté par son père et décida, après une dizaine d’années de collaboration, de partir. Il se rendit en France, à Paris, où il rencontra sa femme, Nicole Pommery, avec laquelle il se maria en 1956.

De se mariage naquirent, à Monaco, Nicolas (1956) et Alexandre (1958). Il s’était établi à Monaco, car le père de sa femme, Louis Pommery, avait trouvé du travail à son gendre chez Onassis, un célèbre armateur grec dont les bureaux étaient alors installés dans la principauté. Ensuite, il s’installa comme avocat-traducteur lorsqu’Onassis quitta Monaco et demeura dans le Sud de la France. Là, il exerça son activité professionnelle, fut ami avec le prince Rainier III dont il fut un conseiller. De plus, il s’occupa de sport en créant, notamment, le club de squash de la principauté mais aussi en tant qu'organisateur de plusieurs événements sportifs.

Aris était un grand sportif. Il fut champion de voile et de ski (il fit les Jeux olympiques d’hiver à Cortina d’Amppezzo, en Italie, en 1956 sous les couleurs grecques, participant aux épreuves de descente, de slalom et de slalom géant). Il pratiquait fort bien le squash et le tennis ainsi que la Cresta, une luge, appelée skeleton, sur laquelle on descend coucher à plat ventre et dont la piste unique se trouve dans la station de sports d’hiver de Saint-Moritz. Mais il pratiqua beaucoup d’autres sports comme le hockey-sur-glace ou le water-polo. A noter qu’il fut vice-président de la fédération européenne de squash à la fin des années 1970.

De même, il a écrit, au cours de sa vie, de nombreux articles pour des journaux et des revues.


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A la mémoire de mon frère Jean qui vola dans les ciels du désert et tomba des ciels bleus de la Grèce sur la belle île de Crète.



Préface

Ces simples notes n’ont aucune prétention et furent écrites simplement pour rappeler à ma mémoire lorsque les jours de guerre deviendraient du passé une période remplie d’anxiété, de suspense, de tension et d’excitation.

La syntaxe est mauvaise et elles peuvent sembler très monotones mais c’est justement ce qu’elles veulent suggérer au lecteur, ces heures monotones et exaspérantes passées à s’embêter sous l’uniforme que seuls ceux qui les ont vécues dans le désert peuvent se rappeler.

J’ai retrouvé mon petit carnet l’autre jour parmi divers papiers dont j’avais oublié l’existence et j’ai pensé que ce serait une bonne idée de les imprimer pour les rendre plus lisibles. Mais comme mon travail de transcription avançait, j’ai pensé que ce serait avisé d’y insérer quelques remarques ici et là et c’est comme cela que ces notes et ces annotations sont nées.

Cela nécessiterait plus que quelques mots d’expliquer comment l’Armée grecque du Moyen-Orient fut formée et comment après des crises et des intrigues politiques une magnifique force combattante fut déployée dans les sables du désert une fois formée. Mais je peux dire qu’après la chute de la Grèce et de la Crète, le moral de tous les Grecs demeura plus élevé que jamais. Les victoires des Albanais sur cette race méprisable que l’on appelle les Italiens (*) avaient enfin permis l’unité du peuple grec qui se réunit tel un seul homme pour défendre son pays et ses maisons. Malheureusement, au Moyen-Orient, un gouvernement grec en exil faible et borné ne mit pas fin immédiatement aux vieilles intrigues politiciennes qui avaient recommencé à fleurir. De même il était difficile de contrôler tous les réfugiés qui se déversaient de la mère patrie et beaucoup de personnages indésirables avaient réussi à se retrouver au pouvoir comme par le passé. Ces éléments travaillaient lentement mais sûrement et, avec la pleine coopération de l’ennemi qui était enchanté de pouvoir compter sur un allié aussi puissant au milieu de cette ruche, furent capables - après des agissements qui furent déjoués mais demeurèrent impunis - d’achever leurs buts, et ainsi de mettre fin à l’effort qui nous avait demandé tant de temps et d’argent pendant quatre ans. Les événements de Grèce en décembre 1944 montrent quelles étaient leurs intentions, une fois démasqué le double-jeu de ces éléments subversifs.

L’Armée Grecque du Moyen Orient est née autour du noyau du Bataillon Dodécanésien de huit cents jeunes Grecs vivant en Egypte, quatre cents d’entre eux étant des volontaires venant de toutes les classes sociales et quatre cents étant de jeunes conscrits âgés de dix-neuf à vingt ans. Plus tard, tous les Grecs de Palestine, de Syrie et d’Egypte jusqu’à l’âge de trente-trois ans furent enrôlés, incluant tous les Grecs de la mère patrie qui s’étaient échappés et qui continuait à échapper à l’occupation italienne et allemande.

Avec les armes et l’entrainement britanniques, deux brigades furent malgré tout formées, complétés avec des régiments d’artillerie et d’autres armes d’appui, créant une force combattante formidable, animée de l’intense désir de libérer la Grèce et d’écraser les envahisseurs impudiques.

J’ai été un témoin de la naissance et de la mort de ces unités magnifiques et j’ai été désolé de les laisser alors que leur travail et le mien n’étaient pas terminés. Heureusement, des cendres de ces unités naquit la 3° Brigade de montagne grecque qui joua un rôle éminent dans la Campagne d’Italie, aidant à la capture de la ville-clé de Rimini portant haut le blason des armées grecques.

Le présent journal fut écrit dans le désert pendant que je combattais avec la Première Brigade, défendant l’Egypte des envahisseurs.
 

(*) Il peut sembler paradoxal qu'Aristarque Vatimbella ait porté cette appréciation si négative sur les Italiens alors que lui même avait un nom italien et que, par ailleurs, il avait de la famille en Italie dont une tante et des cousins germains qu'il aimait profondément sans parler des nombreux amis italiens qu'il fréquentait. Néanmoins, on peut expliquer ces mots très durs par le fait que la Grèce fut envahie par les troupes de Mussolini en octobre 1940, une invasion qui aboutit, après une catastrophique campagne du Duce à un repli piteux puis à l'aide de l'armée nazie qui provoqua un véritable massacre de la population grecque puisque l'on estime à plus ou moins 10% le nombre de Grecs qui furent tués par la soldatesque hitlérienne ce qui est le pourcentage la plus élevé payé par un pays lors de la Deuxième guerre mondiale.



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En septembre 1942, je fus attaché au service du chef de cabinet du Premier ministre du gouvernement grec en exil au Caire, monsieur Panayotti Kanelopoulo. Malheureusement, je sentis que je ne rendais aucun service à la cause pour laquelle je m’étais enrôlé volontairement dans l’armée. De même, les intrigues politiciennes me faisaient détester chaque jour un peu plus Le Caire ainsi que la manière dont les officiers et les politiciens essayaient de se frayer un chemin vers des postes importants.

Notre Première Brigade où j’avais été incorporé avant de venir au Caire était partie en Syrie pour une longue période d’entrainement. Un nouveau commandant avait été nommé par Kanelopoulo, le colonel Katsotas et les officiers et les hommes réclamaient de passer à l’action dans le désert. Cela se passait au moment où Rommel avait poussé jusqu’aux portes de l’Egypte et que la 8° Armée avait réussi à arrêter sa charge à El Alamein. Je me rappelle clairement ces derniers jours intenses de juin 1942 et les deux ou trois jours cruciaux de juillet, que l’on baptisa « La Panique », lorsque les documents furent brûlés et des échelons créés pour une éventuelle évacuation de l’Egypte. Kanelopoulo gardait une vision très claire de la situation et une attitude ferme, refusant d’être évacué trop vite mais également s’efforçant que la brigade agisse. Ces efforts répétés dont je peux me porter garant comme je traduisais la plupart des documents adressés aux différents états major ainsi qu’à Anthony Eden, Churchill et aux autres personnalités, se matérialisa finalement au début de septembre 1942. La brigade fut alors déplacée de Syrie dans le Delta du Nil et il lui fut assigné la tâche de défendre Alexandrie avec les Forces Françaises Libres et d’autres forces sous le nom de Delta Forces par rapport à celles qui combattaient dans le désert que l’on appelait les Troupes du Désert et qui étaient dorénavant positionnées sur une ligne courant grossièrement du Sud, de Tel-El Issa qui avait été pris par les Australiens, jusqu’à la dépression de Qattara. La brigade était stationnée à Amria juste à la sortie d’Alexandrie et lorsque la menace majeure qui planait sur le Delta fut passée, elle fut déplacée sur le front et rattachée à la 44° Division juste au Sud de Munassib. La brigade était formée comme un « groupe brigade » ce qui signifiait que c’était une petite force armée indépendante avec un régiment d’artillerie formant une partie intégrante de la brigade, une batterie antitank, un escadron de reconnaissance avec des véhicules blindées, une unité médicale ambulante et un poste d’équipements de campagne et d’autres petites unités qui n’appartiennent pas généralement à une brigade d’infanterie mais sont rattachées normalement à une division voire même à un corps d’armée.

Dès que je sus que la brigade s’était déplacée pour occuper une position sur le front, je devins très actif au Caire et j’écrivis un rapport, qui me fut dicté par le colonel Gigantes, qui devait jouer plus tard un rôle prédominant comme commandant de l’Escadron Sacré, dans lequel je disais que je désirais me battre. Kanelopoulo, au départ ne voulut pas que je m’en allasse mais il était sous la pression de différents officiers qui ne m’aimaient pas et étaient très influents ce qui fait qu’il accepta cependant pas pour aller dans le désert mais en Palestine où la Deuxième Brigade était en cours de création et où le nouveau commandant me voulait comme Officier de Liaison (j’étais encore un cadet officier puis je fus promu Lieutenant en Second après mon retour de la Campagne du Désert). Gigantes m’aida alors encore une fois et après que j’eus une discussion avec Kanelopoulo, il accepta de m’envoyer à la Première Brigade.

Pendant ce temps, la brigade s’était déplacée vers une nouvelle position et était maintenant face à la Division Bologna (ou à la Division Trieste) qui était renforcée par le Bataillon de parachutistes allemande Rahmke Burkhart du nom de l’officier qui le commandait.

Mes amis Constantin Salvago et Tony Contomichelos y étaient déjà, n’ayant jamais quitté la brigade. Ils s’occupaient du Bureau de Liaison et j’étais supposé aller les aider avec les documents qui se déversaient en préparation de la grande offensive qui devait culminer avec la maintenant fameuse bataille d’El Alamein.

Je quittais Le Caire le 18 septembre pour Alexandrie d’où je devais récupérer mes affaires pour le désert et y laisser mes uniformes et mes objets personnels qui, dans une ville, sont de première nécessité mais sont complètement inutiles dans le désert. Je demeurai à Alexandrie pendant trois jours pour me préparer et le 22 septembre je fis le chemin vers la brigade dans un camion. Voici les notes écrites au hasard dans mon petit calepin militaire que j’ai gardé avec moi tout le temps.

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Mardi 22 septembre 1942
Suis parti à six heures et demie du matin pour le front. Me suis arrêté à Mariout où le régiment de véhicules blindés est stationné et qui doit nous convoyer moi et les autres à la brigade dans un camion. Sommes partis à huit heures et quart, Edouard conduisant. Sommes arrivés à la section centrale de la ligne de front d’Alamein à onze heures trente. Suis allé au quartier général de la brigade. Calme excepté l’artillerie. Me sens un peu sale. Nuit calme très humide.

Mercredi 23 septembre 1942
Levé à six heures, rasé, petit-déjeuner. Obus à proximité jusqu’au milieu de la matinée. Une perte. Lu et pris un bain de soleil. Déjeuner pas mauvais. Au travail l’après-midi. Ai eu une bonne framboise de la part du chef d’état major, le lieutenant-colonel Laius. Eau pas trop mauvaise. Plus sale qu’hier. Nuit calme.

[Lors de mon arrivée au quartier général de la brigade, le général de brigade m’a accueilli sur la ligne de front et m’a demandé si je ne voulais pas retourner au Caire !! Il m’a ensuite affecté au quartier général de la brigade temporairement pour aider mes amis. La framboise à laquelle dont je parle donnée par le chef d’état major fait référence à mon endormissement durant mon service dans la tranchée-abri chaude et profonde qui sert de poste de commandement de la brigade. Nous nous étions installés dans une position occupée auparavant par la Division néozélandaise et, avec chance, nous avions trouvé des tranchées-abris et autres facilités déjà prêtes et ainsi aucun travail pénible ne fut à faire par nos troupes pour ses défenses. Nous étions dans un endroit du désert entourés de champs de mines, appelé la Boite de Nouvelle-Zélande.]

Jeudi 24 septembre 1942
Humide, brumeux et très froid. Tout est mouillé. La brume s’est levée à dix heures et demie. Bombardement léger.
Après-midi. Venteux et tempête de poussière jusqu’à dix-huit heures trente. C’est très ennuyeux d’être couvert de saleté. Pas de bombardement cette après-midi. Me suis lavé avant le dîner. Aménagé ma tranchée-abri et l’ai couverte avec une petite tente pour éviter une humidité excessive pendant la nuit. Léger mal de ventre.

Vendredi 25 septembre 1942
Pleine lune. Les canons se sont fait entendre toute la nuit dans le secteur australien. Petit matin plus calme. Au travail. Officiers de liaison de la Brigade indienne, Général de brigade Sherston et Général Hugues sont venus rendre visite à Katsotas. A midi et demie, des Stukas au-dessus de nos têtes. Après-midi calme. Creusé mon trou et mis des sacs de sable autour et un morceau de tente au-dessus. Sept Stukas ont bombardé à proximité. Temps calme. J’ai réussi à avoir assez d’eau pour me laver les cheveux !!

Samedi 26 septembre 1942
Des gros serpents blancs apparaissent chaque matin avec l’aube. Nuit très calme. Ai dormi mieux que d’habitude. Très, très humide. Un camion cantine a fait une apparition la nuit dernière. Ai acheté plusieurs boites de conserve d’ananas. Matin calme. Beaucoup d’avions volent au-dessus de nos têtes et intenses tirs de la défense aérienne. Dans l’après-midi suis allé avec le chef d’état major à l’échelon d’arrière-garde pour un exercice avec le télégraphe et le radiotéléphone. Très poussiéreux dans la voiture et je n’ai pas eu de déjeuner. Suis allé  à l’échelon MT. Suis revenu à dix-neuf heures trente. Ai eu un bon dîner avec la nourriture que ma mère m’a envoyé avec un pardessus et des lettres. Nuit calme. Me suis bien lavé avant d’aller me coucher.

Dimanche 27 septembre 1942
Premier dimanche sur le front. Artillerie très intense. Au travail toute la matinée. Rien d’intéressant. Environ dix Stukas ont déversé leurs bombes sur une position près d’ici. Leur bruit est très caractéristique. Après-midi calme, me suis lavé et ai changé de chemise !! Reçu une lettre tapée à la machine de Maureen ! Coromilas, Pierre Pilavachi et Damaskinos sont partis tard dans la soirée. J’ai écrit des lettres dans la tranchée-abri du quartier général.

[Coromilas était un lieutenant en second rattaché au Ministre grec de l’Information basé au Caire qui écrivait des rapports très intelligents et intéressants et des articles sur la vie et la guerre dans le désert. Il était toujours en train d’aller et venir, était rempli de sens de l’humour, très actif et rien ne l’avait jamais fait déprimer sauf l’inaction et le petit esprit de ses supérieurs du Caire. Pierre Pilavachi et Damaskinos étaient tous deux des cadets et étaient utilisés comme des officiers de liaison parlant anglais et étaient, en réalité, affecté à un bataillon d’infanterie.]

Lundi 28 septembre 1942
Les canons ont fonctionné toute la nuit. Pas d’humidité. Tempête effrayante de poussière avec vent soufflant du Sud. Travaillé durant la matinée. Ai été capable de changer de vêtements et d’envoyer les sales à la maison (avec Coromilas). La tempête de poussière nous a occupés toute la journée. Ai passé l’après-midi dans la tranchée-abri pour écrire des ordres opérationnels. Une tempête de sable s’est abattue vers dix-huit heures. Lavé et nettoyé mon équipement, ai dîné et suis allé me coucher tôt. Fus réveillé par des bombardements et des explosions à proximité.

Mardi 29 septembre 1942
Suis là depuis une semaine. Suis encore vivant.
Matinée calme, en service. Tout le monde est occupé à appliquer les ordres et à se préparer. Après-midi exceptionnellement  chaude, pas un souffle de vent dans l’air. Stukas et dizaines d’avions ennemis au-dessus de nos têtes. Cette vue est très impressionnante. Fait mon paquetage et suis allé au lit tout habillé attendant de nouveaux ordres.

Mercredi 30 septembre 1942
Jour J ! En service de trois heures à seize heures trente !!
A cinq heures trente l’Enfer se déchaîna avec tous nos canons qui firent un vacarme terrifiant pendant une heure. L’ennemi répliqua à huit heures trente, faiblement. Monsieur Kanelopoulo nous a rendu visite à midi trente. Les Stukas ont déversé leurs bombes sur nos positions d’artillerie.
Mère m’a envoyé un merveilleux panier d’osier rempli de fruits et de légumes et un thermos rempli d’eau glacée ! Quel traitement ! Des mangues et de l’eau glacée dans le désert !! La bataille continue favorablement pour nous.

Jeudi 1er octobre 1942
Nuit et matinée très calme. Echanges de tirs au loin. Jour très calme. Ennemi bombardé pendant la matinée. En service durant l’après-midi. Ai reçu la visite de l’ancien attaché militaire britannique à Athènes.

Vendredi 2 octobre 1942
Nuit calme. Suis parvenu à changer de vêtements et à envoyer les sales à la maison. Grosse activité des forces aériennes au-dessus de nous. Journée calme et comparativement fraîche. Manoli Benachi, Phrantzis et Constantin Stathatos sont arrivés dans l’après-midi. J’ai été transféré du quartier général de l’artillerie comme officier de liaison. Combats aériens au-dessus de nos têtes dans l’après-midi.

[Alors que le moment de l’offensive se rapprochait et que notre collaboration avec les Forces britanniques deviendraient de fait un peu plus compliquées et requerraient plus de travail, les trois officiers dont je viens de parler nous furent envoyés pour remplir les manques. Phrantzis partit au Caire où il fut attaché au Ministre de la Guerre. Stathatos, mon futur beau-frère mais aussi le plus gradé d’entre nous puisqu’il était lieutenant en second alors que nous n’étions que des cadets, partit en Palestine pour des cours de recyclage, les mêmes que ceux que devaient suivre tous les officiers et les hommes arrivés récemment de Grèce. Stathatos évidemment devait servir au quartier général de la brigade et quelqu’un devait donc partir. Le général de brigade avait caressé l’idée de m’envoyer pendant quelques temps au régiment d’infanterie et quand tous ces messieurs arrivèrent, l’idée se matérialisa et j’y fus envoyé. D’une certaine façon, c’était bien mieux parce que, dorénavant, je serai mon propre chef pour tout ce qui concernait le travail de liaison et aussi parce que nous dépendions plus du secteur de l’artillerie du Commandement général de l’artillerie (CRA).]

Samedi 3 octobre 1942
Nuit calme. Quelle matinée !! Bombardement, pluie, grêle, tempête de sable !! Tout était rempli d’humidité, plein de sable et j’avais tout mon équipement empaqueté prêt à partir. A seize heures trente j’allai dans un camion au régiment d’artillerie a un peu plus de deux kilomètres à l’Est et y pris mes quartiers.

Dimanche 4 octobre 1942
Deuxième dimanche. Ai dormi très bien dans mes nouveaux quartiers. Premier jour avec un régiment du front. Très calme. Passé la matinée à creuser mon habitation, à aérer mes vêtements de nuit. Après-midi. Ai écrit des lettres, pris un bain de soleil et suis allé au quartier général de la brigade pour récupérer un panier avec deux thermos remplis de glace ( !!) de tomates, de lettres, de bananes, etc. Excellent !!

Lundi 5 octobre 1942
RAS (Rien à signaler). Nuit calme. C’est inaction me pèse sur les nerfs. J’ai passé la matinée à nettoyer et faire sécher mon équipement, mes vêtements, etc. Bain de soleil toute l’après-midi en lisant « Cream of Thurber ». En fin d’après-midi les nuages se sont réunis pour dessiner un merveilleux motif avec des tranches de violet. Eclairs puis gouttes de pluie. Journée très calme, il ne s’est vraiment rien passé.

[Lorsque je me suis présenté au régiment de campagne, le commandant du régiment, Lieutenant-colonel Dascarolis avec qui je devais devenir très ami, se trouvait au commandement opérationnel. Pendant deux jours je ne pus le rencontrer parce qu’il revenait très tard la nuit et repartait dès l’aube. Heureusement, mon bon ami et compagnon de promotion Athanassiou qui était officier d’intendance au régiment et  qui faisait en plus tout le travail ingrat plus le travail de liaison fut capable de me donner les instructions pour le travail pour lequel j’avais été requis plus toutes les complexités d’un régiment de campagne au travail sur le front. Lorsqu’enfin je rencontrais le commandant du régiment ce fut la nuit suivant son retour du commandement opérationnel où il avait passé la journée. Ma tranchée-abri était juste en face de la sienne. Comme je l’ai déjà dit, tous ces aménagements avaient été préparés par les Néozélandais qui avaient aussi leur régiment de campagne au même endroit où nous étions maintenant installés. La tranchée-abri du commandant du régiment était assez profonde et recouvert par la carrosserie retournée d’un camion. A l’intérieur, il y avait une lampe et une petite table. Après qu’il m’ait posé les questions usuelles, il me demanda ce que j’avais fait avant de rejoindre l’armée et où j’avais étudié. Il semblait assez incrédule lorsque je dis Paris et il me demanda si je connaissais telle ou telle rue !! Il me dicta aussi de la poésie de Villon et me demanda de l’expliquer !! Après cela, il fut convaincu que je connaissais vraiment le français. Sa prononciation était atroce et il était très enthousiaste à apprendre l’anglais. En fait, à la fin de 1944 lorsque je le quittais il avait encore vraiment besoin de mon aide lorsqu’il parlait à des officiers britanniques mais pouvait écrire très correctement l’anglais.]

Mardi 6 octobre 1942
Deux semaines au front. Nuit calme assez chaude. Matin curieux. Vent d’Est et nuages. Beau et frais. Le camion cantine est passé ce matin. Dans l’après-midi je suis allé avec le commandant du régiment au quartier général de la brigade où deux bombes tombèrent juste à cinquante mètres de là où je me tenais. J’allais aussi voir le Premier Bataillon sur la ligne de front et revint assez tard.

Mercredi 7 octobre 1942
Assez humide. Nuit calme. Travaillé toute la matinée à traduire  quelques mémorandums. L’après-midi j’ai flâné, j’ai été rempli de sable, j’ai visité un avion britannique abattu et un camion brûlé, tous les deux dans notre zone et laissés à l’abandon après la première bataille. Pris tôt un dîner et suis allé me coucher tôt. Me suis bien lavé auparavant.

Jeudi 8 octobre 1942
Les jours passent ! Nuit tranquille. Que ces journées sont inintéressantes et ennuyeuses ! Il a plu toute la matinée et n’ayant plus de couverture en bon état pour ma tranchée-abri, suis resté dans la pluie avec une pelle pour enlever l’eau de mon lit de camp ! Après-midi : suis allé à l’échelon « B » pour voir les véhicules du front du régiment et une jeep récupérée. Peut-être que j’irai à Alexandrie pour prendre des pièces détachées pour elle. Qui sait ?

[Nous étions à court de véhicules en bon état pour le front, le commandant du régiment étant obligé d’utiliser une voiture d’état major ce qui n’était pas du tout commode pour se déplacer dans le coin. Le seul officier qui avait une Jeep était le général de brigade et Dascarolis faisait tout son possible pour s’en procurer une. L’officier de liaison britannique en relation avec notre régiment, le capitaine Thoms, en avait une. A chaque fois qu’un officier britannique venait nous rendre visite, le commandant du régiment se mettait en colère en criant « Je veux une Jeep » !!]

Vendredi 9 octobre 1942
Beau et assez venteux. Je lis « Sphere’s » envoyé par mon père. Journée encore plus ennuyeuse que d’habitude. Lu « One Small Candle » de Cecil Robert. Le major Sinnet (il était le Chef B.MM.) a envoyé un nouveau capitaine d’artillerie pour faire office d’officier de liaison.

[Ce nouvel officier de liaison était le capitaine Thoms que j’ai déjà mentionné.]

Samedi 10 octobre 1942
Encore un autre samedi. Grosse activité des Stukas toute la matinée et toute la journée. Ennuyeux et temps couvert. Magnifique coucher de soleil. Ai écrit des lettres, lu et flâné.


Dimanche 11 octobre 1942
Dimanche, dimanche !! Ai mal dormi. Que ces journées sont longues et fatigantes ! Rien à faire à part attendre, lire et écrire. Après le déjeuner, le commandant du corps est venu faire une visite. Pas beaucoup de bombardements, légère activité aérienne. Penser aux dimanches à la maison tout en étant ici est une torture !!

[Ce que je n’ai pas mentionné mais qui était la plus grande torture était l’attaque continue et qui nous rendait fou de nuées de mouches toute la journée. Dès que le soleil s’était levé, elle commençait à tourner autour de nous et seulement au coucher du soleil nous avions un peu de répit. Manger était une course entre les mouches et vous-mêmes et vous vous considériez heureux si, à la fin de votre repas, vous n’aviez seulement avalé qu’une douzaine d’entre elles. De même, l’absolu ennui d’une longue journée était indescriptible. Nous devions nous lever et nous habiller longtemps avant que le soleil ne se lève pour « être prêts » en cas d’attaque de parachutistes ennemis ce qui, évidemment, ne s’est jamais produit. Les jours se traînaient en longueur. C’était le prix d’une guerre de position, nous préparant pour le jour de l’attaque.]

Lundi 12 octobre 1942
Ai eu une journée plus intéressante. Suis allé avec Thoms rendre visite à différents régiments d’artillerie britanniques. Suis allé au quartier général de la 50° Division et à celui de la 44° Division. Vu un tank Mk. IV et un canon de 88 mm allemands, un canon et des tanks italiens abandonnés. Ai vu des amis et bu beaucoup de thé. Suis revenu à dix-sept heures. Nouvelle nuit sans lune. Fûmes bombardés pendant la soirée.

Mardi 13 octobre 1942
Troisième semaine ici. Bombardement et visites fréquentes des Stukas tôt ce matin. Grande bataille aérienne vers dix-heures quarante-cinq. Stukas s’en vont. Toute la journée ils sont venus et repartis. Rien n’a été lâché près de nous. Pas de bombardement. Lu et écrit. La lune éclaire la longue et calme soirée.

[Comme les jours raccourcissaient et que nous n’avions pas le droit d’utiliser des lampes après le coucher du soleil, le clair de lune était un don de Dieu.]

Mercredi 14 octobre 1942
Nuit calme. Les Stukas de nouveau ! Ai eu une bonne coupe de cheveux, me sens mieux. A midi, nous sommes allés avec Thoms faire des visites. Nous nous sommes arrêtés à l’échelon « B » puis nous nous sommes rendus au quartier général de l’armée du désert à Burg-el-Arab. La route devenait mauvaise et dangereuse. Enfin nous sommes arrivés sur la route goudronnée. Suis allé à Alexandrie !! Quelle joie. Pris un bain. Suis allé à Monseigneur.

[Mon nouvel ami, Thoms, était un gars charmant et calme, mieux adapté pour le monde victorien que pour notre époque. Il était un tireur de premier ordre et la première chose qu’il fit lorsqu’il prit son service comme officier de liaison était de se mettre en relation avec tous les régiments de campagne mais aussi avec les hautes autorités à la division et au corps d’armée. De cette manière, une coopération plus proche fut instituée ce qui s’avéra très utile lorsque nous commençâmes nos attaques la nuit sur les positions ennemies et que nous avions besoin du support de l’artillerie de régiments de campagne autres que le nôtre. En ce jour particulier du 14 octobre, nous commençâmes par visiter le quartier général du 13° corps dont la 50° Division faisait partie avec l’excuse que nous devions aller chercher la Jeep du commandant du régiment qu’il était si anxieux d’acquérir. Le chemin dans le désert était très mauvais et après avoir appelé le quartier général du 13° Corps nous commençâmes par visiter le quartier général de la 8° Armée… Montgomery avait son quartier général dans les dunes de sable blanc qui donnaient sur la mer à Burg-el-Arab. C’était un endroit merveilleux et après trois semaines dans le désert, la vue de la mer bleue était apaisante et enchanteur. Après avoir accompli notre travail avec les mandarins de l’artillerie de la 8° Armée au quartier général, comme il était encore très tôt, Thoms suggéra que nous allions à Alexandrie. Je sautai sur l’occasion et sans délai nous fonçâmes sur la route goudronnée en direction d’Alexandrie. Comme personne n’avait le droit de quitter la brigade sans permission du commandant, je n’ai jamais rien dit à notre commandant et je ne crois pas que jamais cela n’ait été découvert. Le bain que j’ai pris à la maison était le meilleur de ma vie et mon lit me parut comme une couche céleste !!]

Jeudi 15 octobre 1942
Ai dormi dans un lit propre et moelleux ! Ai pris un petit-déjeuner copieux et j’ai quitté Alexandrie à huit heures trente. Passé au corps d’armée et après avons roulé dans le désert pendant très longtemps. De retour au régiment à quatorze heures trente. Quel voyage ! Comme dans un rêve.

Vendredi 16 octobre 1942
Le PIRE jour que je n’ai jamais vu dans le désert. Tempête de sable infecte, vent et pluie. Presque étouffé et aveugle. Le sable rempli tous les trous disponibles et couvre tout.

[Ce jour-là, j’ai du me réfugier dans la tranchée-abri du quartier général du régiment qui était proche de la mienne mais plus profonde, plus odorante et encombrée. Lorsque je retournai enfin dans ma tranchée-abri la nuit, je ne parvins pas à la retrouver parce que le sable l’avait entièrement recouverte, enterrant mon lit de camp et tout le reste ! Lorsque je me tenais debout dans ma tranchée-abri, généralement il n’y avait que ma tête qui dépassait, alors on peut imaginer ce qu’une tempête de sable soufflant toute la journée avait pu amasser comme quantité de sable pour remplir un trou aussi large. Avant de pouvoir me coucher, je dus prendre une pelle et creuser !!]

Samedi 17 octobre 1942
Le vent a continué de souffler toute la nuit. Il a plu durant la matinée. Eclats d’obus ennemis très près. La tempête de sable a recommencé et à souffler comme en Enfer !! Jour épouvantable. Le temps se dégage dans la soirée. Me suis arrangé pour me laver puis me suis couché.

Dimanche 18 octobre 1942
Le vent continue de souffler mais sans sable. Journée plutôt morne : suis allé au commandement de la 50° Division avec le commandant de la brigade puis à celui de la brigade. J’ai fini le livre de Cronin « Keys of the Kingdom ». Assez bon.

Lundi 19 octobre 1942
Nuit calme. Nous avons installé un écran de fumée tôt mais cela n’a eu aucun effet. J’ai changé de vêtements et j’ai envoyé le panier, les thermos, les flacons, le linge sale à la maison avec Coromilas. Journée tranquille, lu un peu. Dans la soirée, j’ai rendu visite au major Curtiss Gillespie du 3° Régiment Medium (qui, plus tard, fut tué lors de notre avance) qui est pratiquement la porte à côté de notre régiment. Il vit dans une tente, a un gramophone et une lampe !! Très plaisant.

[L’absence d’améliorations de nos conditions de vie auxquelles nous étions assujettis m’a toujours étonné parce que notre colonel ne fit jamais rien pour rendre notre existence dans le désert déjà morne plus supportable. Toutes les autres unités s’arrangeaient pour avoir une sorte de mess des officiers et d’autres conforts. Nous, de notre côté, on nous disait que ce serait à la dure et c’est exactement ce qui se passa. C’est seulement bien plus tard après que nous eûmes quitté le théâtre des opérations que notre commandant en revint à des conditions de vie plus normales et plus confortables. La cuisine du quartier général de notre régiment ne se trouvait qu’à un jet de pierre de ma tranchée-abri, sur une petite hauteur. Cette position attirait apparemment le feu de l’artillerie ennemie et nous étions souvent privés d’un repas chaud non pas parce que les tirs étaient aussi précis pour toucher leur cible mais simplement parce que notre cuisinier se réfugiait sous terre dès le moment où l’ennemi ouvrait le feu, même si les obus tombaient à plus d’un kilomètre et demi et rien ne pouvait l’obliger à réapparaître à temps pour cuisiner la nourriture. Ce cuisinier avait un caractère qui vaut la peine d’être mentionné. Il venait d’une très bonne famille de Patras mais lui-même en était le mouton noir. Avant d’être enrôlé, il était un  camelot à Athènes et un bon nombre de soldats se rappelaient de lui et le taquinait en imitant ses appels et la manière dont il vendait ses articles qui, selon ses mêmes soldats, étaient toujours de qualité inférieure mais toujours vendus aux prix les plus élevés. Cet ancien camelot était aussi un joueur invétéré. Un jour il apparut avec les dix doigts des mains couverts de bagues qu’il avait gagnées la nuit précédente au poker et la nuit d’après il perdit tout jusqu’à sa solde du mois suivant. Il s’arrangeait pour survivre et demeura avec le régiment jusqu’à l’extrême fin et parvint même à avoir ses galons de sergent.]

Mardi 20 octobre 1942
Je suis ici depuis un mois. Le temps est assez froid les matins. Journée ennuyeuse. Rien à faire, rien à espérer ! Lu et flâné. Mais je ne veux pas partir parce que quelque chose d’excitant pourrait survenir à tout moment. Même si c’est une vie très ennuyeuse d’attendre tous les jours avec absolument rien à faire.

Mercredi 21 octobre 1942
Un autre jour long et ennuyeux avec un soleil chaud. Suis allé à dix-sept heures à la 50° Division avec le commandant pour une réunion avec le commandement du corps d’armée.

Jeudi 22 octobre 1942
Encore une nouvelle journée. Me suis occupé aussi bien que je le pus, lavant, nettoyant, etc. A dix-sept heures je suis retourné avec le commandant à la réunion à la 50° Division pour régler les dernières questions.

[Ces réunions au quartier général de la 50° Division avec le commandement en chef devaient mettre la touche finale au plan d’artillerie pour le grand jour qui devait commencer le 23 octobre. Tous les officiers commandant les différents régiments d’artillerie discutaient ces plans et faisaient des propositions. Puis le plan final fut adopté en prenant en compte en y incluant les propositions et les possibilités de chaque régiment d’artillerie. Les munitions ne furent jamais autant amassées qu’elles le furent dans tous les coins du désert et tout ce que nous devions faire était de les collecter et de les mettre dans les canons aussi vite que nous pouvions et de tirer aussi rapidement que les canons pouvaient le faire sur l’ennemi avant qu’ils ne deviennent trop chaud pour les utiliser. L’utilisation de l’artillerie était l’objet principal du plan pour harceler l’adversaire la nuit, juste assez pour le maintenir éveillé et inconfortable. Malheureusement le bruit des obus nous maintenait aussi éveillés et je n’ai jamais pu trancher qui était le plus inconfortable, nous à un bout ou l’ennemi à l’autre bout ! Si l’ennemi était hors de portée et pour éviter de mettre à l’épreuve les canons avec une charge trop importante, un ou deux canons étaient alors  avancés  au crépuscule près de la première ligne d’infanterie et, de là, continuaient leurs tirs d’harcèlement sur l’ennemi jusqu’à l’aube lorsqu’ils étaient ramenés à leurs positions.]

Vendredi 23 octobre 1942
Magnifique bataille aérienne au-dessus de nos têtes. Ai vu un avion se faire descendre et le pilote sauter en parachute. Ai travaillé toute la matinée et j’ai visité le 74° régiment de campagne et le commandement en chef. C’est à vingt-deux heures que les opérations sur l’ensemble du front doivent débuter. La brigade a conduit une attaque avec un grand succès et le régiment fut actif toute la nuit.

[La bataille d’El Alamein venait de commencer.]

Samedi 24 octobre 1942
Les opérations continuent. J’ai dormi suffisamment malgré le vacarme toute la nuit et tôt le matin provoqué par la concentration de centaines de canons tirant en même temps et incessamment. Très occupé dans la matinée. Suis allé au 74° Régiment de campagne. Après-midi tranquille. Aucun tir n’a été tiré dans notre direction par l’ennemi. Exceptionnellement tranquille. Les opérations sur le front Nord nous sont favorables. Au Sud, ferme résistance. Notre front est tranquille.

[Comme on le sait maintenant l’ennemi fut complètement pris par surprise. Le plan du Général Montgomery d’attaquer dans le Nord et d’harceler l’ennemi dans le Sud a été mal interprété par ce dernier. L’ennemi a cru que la principale menace viendrait de notre secteur, c’est pourquoi les choses y étaient assez tranquilles. Il attendait que nous venions à lui. A la place, nous détournions son attention et le faisions attendre l’obligeant à garder un grand nombre de troupes dans ce secteur qui lui aurait été bien utile dans le Nord. Nous faisions quelques attaques de nuit, quelques unes plus importantes que les autres, d’autres assez fortes pour tester sa force et aussi pour lui donner l’impression que nous pouvions l’attaquer à n’importe quel moment. Ainsi, pendant que l’essentiel de la bataille la plus importante de la guerre se déroulait pas très loin de nous, nous étions en quelque sorte en dehors de celle-ci et avions seulement des comptes-rendus sur son déroulement.]

Dimanche 25 octobre 1942
Il pleut. Tirs intermittents toute la nuit. Batailles aériennes au-dessus de nos têtes. Un grand nombre de Bostons sont passés au-dessus de nous toute la matinée et ont bombardé les lignes ennemies. Excepté ces vols, notre front est exceptionnellement calme. Vingt Stukas ont bombardé leurs propres lignes !! Notre artillerie a aidé l’attaque de nuit de la brigade contre les Fritz.

Lundi 26 octobre 1942
Nuit calme. Suis allé à la 50° Division et appris un peu plus sur la situation générale. Favorable au Nord, stable au Sud. Notre front est extrêmement calme, rien du tout ne s’y passe. Des nuées de Bostons en formation impeccable passe toute la journée pour aller bombarder l’ennemi. Nos canons sont muets.

Mardi 27 octobre 1942
Cinq semaines que je suis là. Nuit tranquille. Ai entendu des explosions de bombes à distance toute la nuit. De nouveau des Bostons. Formation impeccable de dix-huit appareils avec des chasseurs voltigeant autour. Journée relativement tranquille. Je ne me sens pas comme si une bataille majeure faisait rage pas loin d’ici.

Mercredi 28 octobre 1942
Journée tranquille et sans aucun événement. Suis allé à la réunion au commandement du corps et j’ai été mis au courant de la situation qui nous est favorable. Nous fûmes légèrement bombardés durant la matinée. Les avions continuent d’aller et venir toute la matinée et l’après-midi, dix-huit d’entre eux étaient des chasseurs.

Jeudi 29 octobre 1942
Nuit tranquille. Un de nos avions a été abattu pas loin de nos positions et il a brûlé avec un gros nuage noir de fumée. Pas de chance pour le pilote. Plus tard, un avion allemand fut aussi abattu et le pilote sauta en parachute et tomba à l’intérieur de nos lignes et fut capturé. Travaillé dans la matinée. Dans l’après-midi, suis allé à la réunion du commandement du corps au quartier général de la 50° Division.

Vendredi 30 octobre 1942
Nuit tranquille. Toute la matinée, suis allé visiter les nouvelles positions du bataillon et celles du 111° Régiment. Vu pour la première fois les lignes ennemies, les champs de mines et des centaines de véhicules, de tanks et autres abandonnés. Très intéressant. Après-midi tranquille. Des avions partout comme d’habitude.

[Le 111° Régiment de campagne était positionné sur notre flanc droit au Nord, en appui de la 4° Division Indienne. Comme nous devions bientôt aller de l’avant, nous allâmes en reconnaissance pour voir les nouvelles positions que nous devrions occuper. Mais comme les Allemands et les Italiens bougeaient très vite et se repliaient, nous ne les occupâmes jamais.]

Samedi 31 octobre 1942
Dernier jour d’octobre 1942. Comment le temps est passé et les souvenirs reviennent. Europe, Grèce, les gens, tout semble si irréel dans le désert avec une satanée bataille qui fait rage pour la vie ou la mort. Il y a peu, un avion s’est crashé pas loin d’ici dans un sifflement, une fumée noire et la fin d’un pilote. Plutôt calme aujourd’hui, je n’ai pas bougé. Ecrit une lettre à Irina Felbert et lu « Beside Esquire ». Reçu une lettre de ma mère et une de Grant Headley des îles Barbade !! Ainsi fini un autre mois de guerre ! L’année dernière, j’étais en formation en Palestine.

Dimanche 1er novembre 1942
Dimanche, dimanche !! Les canons ont tonné toute la journée. Très bruyant et dérangeant. Je suis allé à la réunion du corps d’armée. Journée tranquille. On m’a donné toutes les dernières nouvelles à propos de la nouvelle attaque et d’autres choses. Lu durant une grande partie de l’après-midi.

Lundi 2 novembre 1942
Notre artillerie a tiré pendant plus d’une heure tôt ce matin pour une attaque assez inefficace de notre brigade. Un colonel américain nous a rendu visite et j’ai été très occupé à tout lui montrer. Il m’a posé des milliers de questions sur des sujets techniques. Dans l’après-midi, je suis allé au quartier général de campagne avec lui et un autre colonel d’infanterie américain. Tir sur les troupes ennemies au loin.

Mardi 3 novembre 1942
Six semaines que je suis ici. Les nouvelles sont bonnes. Il semble que l’ennemi se retire tout au long du front. Journée agitée. Des comptes-rendus nous parvenaient tout le temps. Nos canons ont été envoyés vers l’avant et nous devons être prêts à nous mettre en route dans les heures qui viennent dès que l’ordre nous en sera donné. Tout le monde se précipite en ne prenant aucune précaution.

[Ce fut la fin du front statique d’El Alamein qui durait depuis le mois de juillet. L’ennemi était enfin en train de bouger puis de s’enfuir et il ne s’arrêta plus jamais avant d’avoir été chassé d’Afrique.]

Mercredi 4 novembre 1942
Même activité fiévreuse que la veille. Nos patrouilles sont parties vers l’avant comme nos canons. On a commencé à bouger nos canons et à les installer sur des positions plus en avant. L’ennemi est en retraite sur tout le front. Le quartier général du régiment est également prêt à se mettre en route.

Mardi 5 novembre 1942
Sommes partis avec Thoms tôt ce matin pour rejoindre le quartier général de la brigade. Nous sommes passés à travers des champs de mines, nous avons vu les positions allemandes et nous sommes descendus dans une dépression. Nous avons trouvé notre artillerie, notre brigadier général et notre commandant de brigade et tout le reste. Nous sommes au Nord de la dépression de Qattara poursuivant avec force l’ennemi en retraite. Amené dans un POW 100. Nous avons trouvé des équipements italiens et allemands et nous nous sommes servis en en emportant une grande quantité.

[Les prisonniers italiens qui étaient amenés par un camion du peloton avaient été abandonnés par leurs officiers et les Allemands qui les avaient laissés dans le désert sans aucun moyen de transport tous ceux qui étaient disponibles ayant été réquisitionnés par les Allemands. Les Italiens faisaient pitié et ils gémissaient en parlant de leurs familles. Un d’eux me demanda si la guerre était finie pour eux comme ça il pourrait partir en Amérique !! Les tranchées-abris des Italiens que j’ai visitées étaient très confortables avec plein d’eau et de nourriture. Les meilleurs étaient, bien entendu, dans les lignes allemandes où les bonbons et les fruits italiens en conserve étaient réservés aux hommes du peuple allemand, leurs satellites devant vivre à la dure. Reste que véritablement, c’étaient nous qui vivions à la dure pendant que nos ennemis avaient des conditions d’existence bien meilleures que les nôtres. La lumière électrique était installée dans la plupart des tranchées-abris qui se trouvaient regroupées sur les berges d’un gros et grand oued, hors de portée de nos tirs d’artillerie avec un camouflage très intelligent et caché des reconnaissances aériennes. Nous avons trouvé également une très grosse quantité de munitions, la plupart étant des obus d’artillerie de tout calibre rangés avec soins et camouflés. Nos hommes devinrent fous et pillèrent tout ce qu’ils trouvaient d’intéressant et, bientôt, ils apparurent habillés comme des Italiens et des Allemands, ayant trouvé une grande quantité de vêtements, de bottes et autres effets personnels laissés derrière eux par l’ennemi fuyant. Pour ma part, je ramassai deux sacs à dos neufs et très utiles et d’autres petits objets.]

Vendredi 6 novembre 1942
J’ai dormi à la belle étoile au nouveau quartier général de la brigade. Sommes partis tôt pour faire de la reconnaissance. Nous avons trouvé des équipements abandonnés, des réservoirs, de la nourriture, etc. Notre brigade a été obligée de s’arrêter n’ayant pas assez de moyens de transport pour poursuivre l’ennemi… P… Enervant. Nous avons trouvé du pain allemand (noir et enveloppé dans du papier de cellophane), des boites de conserves, des journaux, des balles. Encore plus de prisonniers. Les Allemands se replient vite vers Matrouh.

Samedi 7 novembre 1942
Il a plu beaucoup et fortement durant presque toute la nuit. Me suis réveillé me sentant misérable et complètement trempé. Suis allé au quartier général de la brigade, pris mon petit-déjeuner, me suis rasé et lavé. Nous restons sur nos positions pendant quelques jours afin de ramasser les provisions et les équipements de l’ennemi que nous pouvons trouver.

Dimanche 8 novembre 1942
Nuit très froide. Nous sommes déplacés de la dépression à un endroit plus ouvert. Enfin nous pouvons vivre dans une tente avec de la lumière et de l’espace. Les nouvelles sont excellentes. Churchill a demandé aux cloches de sonner. Les Américains ont débarqué au Maroc et en Algérie et nous sommes en train de bouter l’ennemi hors de l’Egypte. Grandes journées !!

Lundi 9 novembre 1942
Nuit calme, bien dormi. Ai eu une journée calme, me reposant, lisant, lavant et récupérant. Ecrit et reçu des lettres et n’ai rien fait de spécial.

[Avec les boites de conserve des Fritz que j’ai trouvées, j’ai récupéré toute l’eau pour un nettoyage et un lavage en grands qui furent les bienvenus après toutes ces semaines.]

Mardi 10 novembre 1942
Sept semaines dans le désert. Matinée tranquille ensoleillée, lu, écrit, parlé. Rien à faire à part se reposer. Toute la journée s’est déroulée tranquillement sans aucune nouvelle ni activité. Ecrit des lettres dans l’après-midi et suis allé au lit plutôt tôt.

Mercredi 11 novembre 1942
Ce matin, le général de brigade a inspecté notre régiment de campagne et fait un discours. Ensuite, nous avons défilé devant lui dans des camions. Passé le reste de la journée à faire des traductions, lire et pas grand-chose d’autre à faire.

[Sur mon calepin est imprimée la mention « Armistice » sous la date, en référence au 11 novembre 1918. Et j’ai ajouté un point d’interrogation pendant que je pensais : QUAND ?]

Jeudi 12 novembre 1942
Nuit clame et reposante. Très humide. Les journées sont plus fraîches et plus courtes. Rien à faire à part lire et me relaxer.

[Pendant ce temps toute la brigade et nos artificiers collectaient et stockaient toutes les armes et les munitions de l’ennemi qui avaient été abandonnées tout autour de nous dans le désert. Plusieurs accidents survinrent quand des mines antitank furent mises à feu stupidement avant de savoir si elles étaient ou non chargées et de grands ravages furent faits par les petites grenades rouges italiennes. Les hommes pensaient que cela ferait de très jolies boites à cigarettes et ils se dépêchèrent d’ôter l’apprêt et la limaille causant ainsi des explosions. Quelques camions, également, sautèrent sur des mines, heureusement sans blessures sérieuses pour les conducteurs et leurs passagers mais pas, bien sûr, pour la carrosserie des véhicules. Je restais loin de ces activités et je ne fus jamais réquisitionné pour aider à celles-ci et, sagement, je ne demandai jamais à les faire.]

Vendredi 13 novembre 1942
Kanelopoulo nous a rendu visite pendant la matinée. Suis en service aujourd’hui. Coromilas qui accompagnait la visite du chef du cabinet du Premier ministre m’a apporté des lettres de ma mère et de Maro. Lu et flâné.

Samedi 14 novembre 1942
Nous bougeons demain, Dieu seul sait où. Espère que cela sera près d’Alexandrie. Suis allé au quartier général de la 50° Division avec le commandant. En revenant, nous avons visité de vieilles positions ennemies sur le front de notre brigade. Sommes allés à la forteresse située dans la dépression de Qattara puis nous sommes revenus à notre position.

[La dépression de Qattara était une colline isolée et assez haute que les Allemands avaient fortifiée et minée tout autour et qui était sensée être une position formidable et qui aurait permis de repousser l’ennemi pendant très longtemps s’ils avaient choisi d’y demeurer. Mais ils préférèrent l’abandonner et s’enfuir.]

Dimanche 15 novembre 1942
Nous bougeons de nouveau. Paquetage prêt. A huit heures, le régiment est en route. Nous passâmes devant nos anciennes positions puis vers le Sud-est vers un endroit effrayant. Il fait chaud et je me sens pouilleux (pas littéralement). Je demeurerai dans la même tente avec Xanthopoulidis, officier d’ordonnance, un type très gentil.

Lundi 16 novembre 1942
Tout le monde doit revêtir l’uniforme de combat à partir d’aujourd’hui. Ai passé une journée tranquille dans le nouveau camp à faire différentes choses et à lire. Des rumeurs comme quoi nous partirions bientôt circulent mais rien de définitif n’est décidé.

Mardi 17 novembre 1942
DEUX MOIS de désert. Pendant la nuit la grêle tomba puis il a plu. J’ai un rhume. Tempête de sable et journée relativement désagréable. Je l’ai passé en majorité sous la tente.

Mercredi 18 novembre 1942
Journées longues et creuses. Mauvais temps avec du vent soufflant toutes les après-midis Ne sais pas quoi faire de moi-même toute la journée. Je lis et me tiens prêt.

[Je commençais également à connaître les autres officiers du régiment car c’était la première fois que l’ensemble du régiment campait ensemble depuis que je l’avais rejoint et on pouvait voir plus de batteries et leurs officiers que lorsque nous étions éparpillés sur la ligne de front.]

Jeudi 19 novembre 1942
En service aujourd’hui. Temps plus chaud mais le vent souffle encore avec du sable et de la poussière. Vivre ici est d’une tristesse. J’ai reçu des journaux et des magazines. Une grande publicité a été donnée à la Victoire du Désert. Nous n’avions pas réalisé les énormes conséquences de la bataille que nous avions livrée et dont nous étions les principaux acteurs. Ce qui montre comment le présent crée et fait l’Histoire.

Vendredi 20 novembre 1942
Vent effrayant et tempête de poussière. C’est amusant de constater que notre tente est encore debout. Suis resté à l’intérieur pour lire. Le vent est tombé en fin d’après-midi. Pas si poussiéreux. Les occupants de ma tente sont assez rigolos.

[Nous étions quatre dans la tente. A part l’officier d’ordonnance et moi, le comptable du régiment occupait une place. L’assistant de l’adjudant-major, qui devait plus tard être tué dans le raid aérien sur la route vers Agedabia, était aussi un membre de notre club privé. Tous les trois venaient d’Athènes et leur humour ainsi que leurs histoires drôles et leurs accrochages rigolos étaient une source de perpétuel amusement pour nous tous.]

Samedi 21 novembre 1942
La bande de fous de notre tente a créé un mot gréco-allemand pour  « réveil » qui est « egertirensie » (egertirio = réveil). Le vent souffle toujours mais pas aussi poussiéreux. Les nuits sont froides désormais. Ecrit des lettres et lu. Nous fûmes réveillés deux fois pour aller à Daba mais c’était une fausse alerte.

Dimanche 22 novembre 1942
Dimanche et nulle part où aller. La même vieille routine. Nous nous faisons des plaisanteries dans la tente. J’ai préparé un panier d’affaires sales pour Alexandrie qui partira avec Thoms.

Lundi 23 novembre 1942
Journée belle et tranquille. Je me suis assis au soleil pour écrire et lire. Xanthopoulidis est revenu d’Alexandrie en bien meilleure santé. Nous continuons à faire des plaisanteries. Si nous ne riions pas dans cet endroit ne deviendrions fous. Au moins nous avons un mess des officiers ! (Une petite tente mais c’est mieux que rien.)

Mardi 24 novembre 1942
Un autre mardi. Neuf semaines de désert. Ai travaillé toute la journée à traduire pour le commandant. Beau temps frais et pas de vent. Avons parlé de partir d’ici. Mais pour aller où ?

Mercredi 25 novembre 1942
Lu la plupart de la journée. J’ai mangé des bananes et d’autres fruits qui me sont continuellement offerts par les autres occupants de la tente. Assez chaud à midi. Ai pris une douche exquise ( !). Encore parlé de partir. Mais où ? Est ou Ouest ?

[Est, c’était vers Alexandrie, Ouest, vers la guerre.]

Jeudi 26 novembre 1942
Le prince Paul est venu nous rendre visite dans l’après-midi. Le déplacement de la brigade a été reporté pour plusieurs jours. Tout le monde pense que nous irons à Alexandrie ou sur la Canal de Suez. Personnellement, je dis l’Ouest !

Vendredi 27 novembre 1942
De nouveau le départ a été reporté. Les jours passent et sont identiques. J’essaye de les faire passer le plus vite possible en lisant, en parlant et en essayant de rester propre. Cela fait longtemps que je n’ai pas vu la civilisation que je n’ai eu un bon repas ou un bon bain et tout le reste. Je me demande comment va Alexandrie ?

Samedi 28 novembre 1942
Bien, après tout, nous ne partons pas demain. J’espérais que nous le ferions où que nous allions parce que j’en ai assez de cet endroit. C’est un endroit terrorisant, rien à voir, rien qui vaut la peine qu’on en parle. Les journées sont fatigantes sans aucune volonté de vivre ou de faire quelque chose…

Dimanche 29 novembre 1942
Nous partons enfin demain et nous allons vers l’Ouest. Où exactement, cela est un mystère, peut-être près de Tobrouk. Ecrit des lettres, lu et préparé mon équipement pour être prêt au départ.

Lundi 30 novembre 1942
Nous sommes partis à huit heures trente. Notre camion est tombé en panne deux fois mais a finalement réussi à atteindre le parking près de la mer. Ai vu la mer après si longtemps. Ai marché le long de la plage et me suis assis en fixant sa couleur bleue ! Au moins une autre couleur pour casser la monotonie du sable !

Mardi 1er décembre 1942
Alamein !! Suis allé me baigner dans la mer. L’impression fut une absolue félicité. C’était frais et adorable. Demain nous partons de nouveau vers l’Ouest. Nous sommes à El Alamein, l’endroit fameux et historique du désert.

[Nous avons campé au Nord de la ligne de chemin de fer et très près de la gare et malheureusement trop près d’un grand cimetière où nous avons pu voir des soldats se faire enterrer et des troupes australiennes et néozélandaises recherchant les noms de leurs amis sur les petites croix blanches identiques qui marquaient l’endroit où chacun de ces combattants de cette fameuse bataille était couché. Cet endroit est devenu depuis un grand cimetière allié avec un accès par la route de la côte où les Français, les Polonais, les Anglais et des soldats d’autres nationalités sont enterrés. Le cimetière grec a été laissé à son place originelle à l’entrée de l’endroit occupé par la brigade connu comme la Porte de Nouvelle-Zélande. La petite gare de chemin de fer qui a donné son nom à la fameuse bataille est juste un bâtiment ordinaire qui a résisté à la furie de l’homme mais n’a aucun intérêt et ressemble à toutes les autres gares d’Alexandrie à Mersa Matruh. Elle est située au milieu du désert, dans une dépression, a à peu près cinq ou sept kilomètres de la mer et de la côte. Entre la gare et la mer est la route goudronnée plus élevée qui domine la mer et la ligne de chemin de fer.]

Mercredi 2 décembre 1942
Sommes partis très tôt d’Alamein par la route qui longe la côte par Daba vers Mersa Matruh. La route est un cimetière de tanks et de camions militaires ennemis. De même, de nombreux avions gisent détruits ou brûlés. Nous arrêtons à l’Ouest juste en dehors de Matruh. La mer était d’un bleu pur et la campagne verte et jolie.

Jeudi 3 décembre 1942
Nuit froide et humide. Ai dormi au grand air et plutôt mal. Suis allé à Matrouh pour de l’eau et visiter les entrepôts de l’armée. Suis parti à onze heures trente. J’ai pris la route de Siwa et au bout de la route métallique j’ai pris à l’Ouest et j’ai conduit toute l’après-midi jusqu’à dix-neuf heures. Passé la nuit là-bas après un bon dîner.

[Thoms était tombé malade et avait du être envoyé à l’hôpital à Alexandrie mais sa voiture avec son chauffeur Edmed était restée et je m’en servais. Voyagés également avec moi dans la même voiture, deux soldats du quartier général, Koutroupis et Koccinadellis, qui étaient des compagnons de première classe et de grande aide. Nous avons campé ensemble pour la nuit, cuisiné et bu du thé à chaque fois que nous nous arrêtâmes pour laisser reposer la voiture. Nous  restâmes ensemble jusqu’à la fin.]

Vendredi 4 décembre 1942
Ai très bien dormi. Ai eu un bon petit-déjeuner et suis parti à neuf heures. Rencontré le convoi à midi et me suis joint à eux. Nous avons voyagé cent-dix kilomètres. A quinze heures, nous sommes entrés en Lybie et sommes allés vers Capuzzo. Sommes arrivés au camp de la brigade vers seize heures. Planté la tente et après le dîner suis allé au lit.

[En considérant les camions et l’inexistence des routes, cent-dix kilomètres est un très bon voyage en une journée. Quant nous bougions à travers le désert avec toute la brigade, trente kilomètres par jour était considéré comme une très bonne moyenne. C’était extrêmement fatigant pour l’homme et la machine.]

Samedi 5 décembre 1942
Nuit très très froide. Nous sommes en Lybie près d’Agedabia (en Cyrénaïque). Passé la matinée à sécher mon équipement et à prendre les choses calmement. Nous sommes sur la piste Trigh-Capuzzo au Sud-est de Bardia. Ecrit des lettres et eu un bon repas. Me suis aussi lavé. Peut-être que nous partons demain.

Dimanche 6 décembre 1942
Suis allé à Capuzzo deux fois dans la journée pour prendre des munitions pour le régiment à l’entrepôt local ainsi que de l’essence pour les moteurs des camions. La piste vous casse le dos et en très mauvais état avec des nids de poule, ondulée et encombrée. Suis de retour à dix heures et nous partons définitivement demain.

Lundi 7 décembre 1942
Après avoir perdu beaucoup de temps, nous partons à neuf heures. Nous prenons la piste Trigh-Capuzzo vers El Adem. Piste mouillée et boueuse, défoncée et donnant mal au cœur. Impossible d’avancer. Nous faisons demi-tour et rebroussons chemin jusqu’à la moitié du chemin parcouru. En tout nous avons fait quelques cinquante kilomètres.

Mardi 8 décembre 1942
Levé et parti tôt vers Capuzzo et sur la route métallique vers Bardia, Gambut, vers Tobrouk et de là vers El Adem. Nous avons passé la nuit près de l’aéroport. La conduite durant la journée fut bonne. La route est couverte de voitures, de tanks et de tout ce qui jonche une route après une bataille.

Mercredi 9 décembre 1942
Petit-déjeuner avec des œufs !!

[Ceux-ci étaient généralement échangés avec les Bédouins locaux contre du thé et du sucre.]

D’El Adem nous sommes allés à Bir Hakeim, endroit bien connu. Pas de problème. J’ai conduit la voiture du commandant et nous sommes allés jusqu’à 65 km/h ce qui est excellent si l’on considère que nous sommes dans le désert. Nous sommes arrêtés vers seize heures trente. Ai pris un bon dîner et suis allé me coucher.

[Les restes de Bir Hakein ne sont pas très impressionnants. Un mur dans un coin entouré par des champs de mines était tout ce qui restait. Si ce n’était la présence d’ordures et de tranchées-abris, l’endroit aurait ressembler à n’importe quel autre endroit du désert. Nous l’avons traversé par le Nord et sommes ressortis par le Sud ainsi j’ai pu le voir de manière précise. Cette nuit-là nous avons campé au bord de la dépression formée par ce que l’on appelle les Marécages Mud sur une sorte de plateau. Nous devions convoyer la queue de la colonne de la brigade et c’est pourquoi nous étions les seuls à être exposés au bombardement meurtrier qui allaient avoir lieu le lendemain tôt le matin. De même, nous avions voyagé en trois colonnes parallèles pour ne pas être trop étalé dans le désert car il n’y avait pas de danger immédiat puisque l’ennemi était loin dans des tranchées à l’Ouest d’Agedabia où nous devions prendre la tête de l’attaque générale avec les Néo-Zélandais et la 7° Division Armée, les fameux Rats du Désert.]

Jeudi 10 décembre 1942
Dix sept morts !! Quarante-trois blessés !!

[La plupart des blessés devaient mourir pendant leur transport à Agedabia sur les plus mauvaises routes du désert qui avaient été rendues encore pires par les pluies.]

Nous avons été fortement bombardés à six heures. C’était terrifiant. Un camion était en feu et plus de trente d’entre nous y étaient blessés ou tués, jonchant le sol. C’était horrible. Fais une prière silencieuse à Dieu pour avoir été manqué. Nous avons continué vers l’avant toute la journée.

[Nous nous levions généralement vers cinq heures trente dans l’obscurité pour nous préparer au moment où la lumière était suffisante et nous nous arrêtions toujours avant l’obscurité pour avoir la possibilité d’avoir un dîner prêt, le seul repas chaud de la journée, et aussi nous abriter pour la nuit qui était généralement assez froide et très souvent humide. Comme je l’ai dit précédemment, la nuit précédente nous nous étions arrêtés sur un plateau en trois colonnes. Mais de cette façon, nous étions très proches et nous n’avons pas respecté la distance réglementaire des cent yards entre chaque véhicule et de deux cents yards de chaque côté. A la place nous étions presque à la queue-le-leu et c’est pourquoi nous eûmes autant de dégâts. Ce qui est arrivé est la chose suivante : comme je l’ai dit, nous nous étions levés longtemps avant le lever du jour. Et il faisait très froid. D’habitude, un peu d’essence était versé sur le sol et mélangé avec le sable puis allumé. Le thé était alors préparé et les hommes se rassemblaient autour du feu à la fois pour se réchauffer et pour boire leur thé. Un avion allemand revenant d’une mission et n’ayant pas largué toutes ses bombes vit une lumière dans le désert. Il coupa ses moteurs et vint nous observer à à peu près cinquante pieds au-dessus de nos têtes. Comme il parvenait au début de la colonne de nos camions, il ralluma ses moteurs, larguant en même temps ses bombes qui vinrent exploser sur les hommes rassemblés autour du feu. J’ai distinctement entendu le « click » du mécanisme de largage des bombes er me suis couché à plat ventre instinctivement la tête dans le sol. Le bruit sourd de l’éclatement des bombes explosant était un bruit extrêmement épouvantable qui fur remplacé immédiatement après par les cris et les gémissements des blessés. J’ai été très chanceux de m’en sortir ce jour là. Comme je l’ai expliqué, je conduisais la voiture du commandant. Lorsque nous nous arrêtâmes pour la nuit, la voiture du commandant était à la tête de la colonne du milieu. Mais tout mon équipement était sur un camion britannique. J’avais demandé au conducteur de ce camion de prendre à gauche de la colonne et de se positionner à trois cents yards à côté d’un buisson isolé et c’est là que nous avons campé pour la nuit mes trois compagnons et moi-même. Un événement la nuit précédente m’avait fait prendre cette mesure de sécurité supplémentaire sinon je me serais retrouvé sous la voiture du commandant, une voiture de tourisme Chevrolet où les bombes tombèrent causant toutes les pertes humaines et les dommages matériels. En réalité, la Chevrolet reçu une bonne dose d’éclats de bombes mais qui ne touchèrent pas le commandant ni les personnes autour de lui qui se mirent à plat ventre face contre terre dès qu’ils entendirent les bombes tomber. Plusieurs hommes ne se mirent pas immédiatement à terre mais commencèrent à courir et furent atteint dans la tête par les éclats pendant qu’ils fuyaient. Ce qui s’ensuivit fut comme une image de l’Enfer. Plusieurs, pris de panique, commencèrent à courir dans toutes les directions d’autres, heureusement, organisèrent une sorte de premiers secours pour les blessés. Mais nous devions avancer et nous laissâmes uniquement quelques uns d’entre nous derrière pour enterrer les morts et nettoyer le bazar.]

(Fin de la transcription du Journal du Désert par son auteur / traduit de l’anglais)



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Postface


Paris, le 23 octobre 1955

Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de la bataille d’El Alamein.

23 octobre 1942 ! Déjà treize ans sont passés depuis ce jour, je devrais dire cette nuit, lorsque la huitième armée, sous le commandement du Général Montgomery, grade qu’il avait alors, déclencha l’attaque qui devait libérer l’Egypte puis l’Afrique de l’invasion des troupes italo-germaniques sous le commandement du fameux Maréchal Rommel, le Renard du désert.

Comme je me rappelle bien de ce jour : Toute la matinée j’avais travaillé, à quelques dizaines de mètres des lignes de front, traduisant studieusement en grec les ordres de bataille en anglais pour la bataille à venir : les seuls blancs dans les ordres concernaient le jour et l’heure de cette énorme attaque. Dans ma tranchée-abri, sous le soleil oppressant de l’Afrique, enveloppé par un nuage de poussière et une nuée de mouches, je travaillais à transcrire les termes et le sens militaires exacts de ce qui était un ordre de bataille très détaillé et très précis du Q.G. de la huitième armée des Forces du Moyen-Orient. J’étais pris si profondément par cette tâche, oublieux des obus qui sifflaient de temps à autres au-dessus de ma tête, que je ne remarquais pas lorsqu’un messager du poste des messages de notre régiment me tendit un message « Top secret » qui venait d’être transmis. Cela se trouvait être le lien manquant de ma traduction ; avec ferveur je lus : « 23 octobre, 22 heures ».

Ainsi les dés étaient jetés ; ce soir, soit nous perdions l’Egypte et peut-être la guerre, soit… mais je n’avais guère le temps de permettre à mon imagination de vagabonder.

Et ainsi débuta la Bataille d’El Alamein, le début de la fin pour les forces de l’Axe. A dix heures du soir pile cette nuit de clair de lune, tout le front, de la Méditerranée à la Dépression de Qattara fut illuminée avec les flashs et le grondement de quatre cents canons qui se mirent en action avec la précision d’un ballet ; c’était un spectacle bizarre et terrifiant.

J’ai honte d’admettre qu’après cette journée excitante et fatigante, je rampai jusqu’à ma tranchée-abri et que je dormis, le grondement des canons me berça dans un sommeil agité. Lorsque je me levai alors que l’aube se pointait, une paix sépulcrale avait enveloppé le désert froid et humide ; ici et là le bruit d’une mitrailleuse ou l’éclair d’un bombe me rappelait qu’une bataille était en cours…

Oui, treize ans ont passé depuis ce jour et pourtant cela me semble encore être hier. J’ai encore le souvenir vif, comment après que nos canons aient aidés le feu de la Brigade Indienne sur notre droite et celui des Forces Françaises Libres sur notre gauche, nous avons reçu l’ordre de poursuivre les forces de l’Axe en pleine retraite. Nous avons embarqué nos pièces de canon de 25 mm sur des camions puis nous nous sommes lentement mis en route dans le désert à travers nos champs de mines, nos fils de fer barbelés et nos tranchées, vers le no man’s land. Après l’avoir traversé, nous pénétrâmes dans l’ex-territoire ennemi ; de nouveau nous passâmes à travers des champs de mines, des fils de fer barbelés et des tranchées, heureux d’être en mouvement après deux mois passés assis derrière ces défenses trop légère mais néanmoins efficaces, pendant que nos forces s’étaient préparées pour cette attaque. Pendant que nous avancions, nous avions le temps d’observer et de contempler ce qui était, quelques heures auparavant, les positions et les points forts de nos ennemis. Nous montrions ce que nous pensions être les cratères faits par nos canons et nous nous émerveillions de l’ingéniosité des Italiens qui avaient vécu dans des caves, bien protégés par la nature du terrain comparé à notre habitat désertique. Tout cela était un cauchemar pour tous, amis et ennemis.

Nous atteignîmes un point où nous dûmes rapidement mettre nos canons en position pour bombarder l’ennemi en retraite mais pas assez vite cependant et pas avant que quelques uns de leurs obus bien placés occasionnent des pertes parmi nos hommes et nos canons.

Plus tard, comme les choses s’étaient calmées et que les prisonniers avaient été rassemblés, ce qui est toujours une vue détestable et misérable, j’eus sous le nez la vraie signification de la guerre. Les Allemands dans leur hâte de quitter le front avant d’être encerclés par les tanks de la 7° Brigade Blindée des Rats du Désert, avaient rapidement réquisitionné tous les véhicules qui pouvaient tomber entre leurs mains et avaient procéder à une rapide retraite, laissant les infortunés Italiens sans transport ou moyens de s’échapper dans ces vastes espaces ouverts. Ceux-ci avaient été rassemblés pour être interrogés avant d’être envoyés dans des camps de prisonniers. Parlant italien, je fus détaché pour donner des ordres à l’officier italien à la tête de certains de ces prisonniers. Durant les conversations qui s’ensuivirent, je découvrais qu’il était Napolitain. Immédiatement, il me montra une photo pathétique de sa femme et de ses « bambini », disant qu’il était malade et fatigué par cette guerre. Je lui dis qu’autant qu’il pouvait être concerné, la guerre était finie pour lui. Il parût satisfait et m’exprima sa gratitude pour cette nouvelle et dans la même respiration, il me demanda, de manière insistante : « alors je peux rentrer chez moi ? »…

Oui, treize ans ont passé depuis… Ceci et d’autres pensées ont traversé mon esprit comme je réfléchissais aux « grandeurs et servitudes militaires ».



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Appendice
Repères historiques



La guerre du désert et la bataille d’El Alamein

La guerre du désert est un épisode de la Seconde Guerre mondiale.  Elle connaît trois étapes : commencée par les Italiens sur un principe colonial visant à restaurer la primauté d'un empire néo-romain sur le bassin méditerranéen par la jonction de la Libye avec l'Abyssinie, colonie italienne matée dans le sang, elle se poursuit par une intervention du corps expéditionnaire allemand visant à ouvrir l'accès aux champs pétrolifères du Moyen-Orient une fois sauté le verrou britannique du Caire protégé par la 8° Armée. Rommel n'y parvint jamais faute de moyens. La troisième étape est le reflux des Italiens et des Allemands hors de Libye jusque le début de 1943, sur les plages de Tunisie où prit fin ces combats. La guerre du désert s'acheva avec les débarquements américains en Afrique du Nord.

La défaite du Général Rommel, perceptible après la seconde manche de la bataille d'El Alamein est considérée comme un des tournants de la Guerre. L'aspect légendaire de cette guerre est largement dû aux premiers exploits de Rommel, qui amena au limogeage de ses adversaires successifs britanniques placés à la tête de la 8e armée en Égypte. Chacun reconnut avoir eu affaire à un ennemi exceptionnel par son acuité sur le terrain. Le flux et le reflux des armées le long des côtes tripolitaines et cyrénaïques selon le rapport des forces et les vicissitudes de l'approvisionnement par la Méditerranée donnent le particularisme de cet épisode du conflit.


La seconde bataille d'El-Alamein est un épisode de la guerre du désert durant la Seconde Guerre mondiale. Elle se déroule fin octobre 1942. Elle est décisive dans le sens où elle permet aux Britanniques de repousser les allemands qui menacent depuis plus de six mois la ville d'Alexandrie et le canal de Suez. Si les Allemands avaient réussi, ils auraient envahit une grande partie de l'empire britannique. Mais la supériorité en chars de l'armée britannique et la domination de la mer Méditerranée par la Royal Navy empêche l'Afrikakorps d'être ravitaillé de manière efficace. Perdant de fait l'initiative, Erwin Rommel doit se résoudre à la défensive, chose dans laquelle il excelle moins que dans l'offensive. De son côté, Montgomery après avoir repoussé la dernière offensive du renard du Désert à Alam el Halfa, peut préparer sa grande offensive pour renvoyer les germano-italiens en Europe.

Ainsi, l'armée alliée renforce ses positions et en particulier celle d'El-Alamein. De plus, les combats continuent et ce sont en grande partie les Italiens qui en soutiennent le poids.  De son côté, Montgomery se prépare à lancer une offensive dont le nom de code est « Lightfoot ». À l'aube de l'offensive anglaise, Rommel affaibli par la maladie doit céder son commandement au général Stumme. Il rentre en Allemagne où Hitler et Goebbels lui donnent son bâton de maréchal, il va ensuite en Autriche pour y subir une cure. Sur le front, les forces de l'Axe, contrairement à leurs habitudes surtout pour les allemands doivent se préparer à défendre leurs positions face aux anglais. Rommel, peu avant son départ s'est efforcé de mêler les forces allemandes et italiennes entre elles.

Pour percer le front de l'Axe, Montgomery prévoit une attaque au nord du 30° Corps avec pour but notamment l'ouverture d'un passage dans les champs de mines pour permettre au 10° Corps d'y pénétrer. Le 13° Corps situé au sud développera une attaque vers le plateau de Taqa et une autre au niveau du Djebel Kalakh pour faire diversion et fixer des forces adverses. Les Anglais veulent faire subir aux Germano-italiens des pertes bien supérieures aux leurs, ce qui depuis le début de la Guerre du Désert ne s'est quasiment jamais produit. Enfin, la victoire de l'infanterie sera un préalable à l'engagement des chars. Alors que les Allemands craignent pour leur front Sud, l'effort anglais va se diriger au Nord du front. Cependant, les champs de mines du Nord sont extrêmement profonds et vont donc constituer un obstacle de taille pour les Anglais et leurs alliés


La bataille
L’infanterie à l’attaque
Attaque anglaise à 22 heures, le 23 octobre
L'offensive commence le 23 octobre. Des centaines d'avions attaquent les positions de l'Axe. A 21 heures 40, c'est au tour de l'artillerie de bombarder les positions germano-italiennes durant 15 minutes avant de laisser la place à 22 heures à un tir de barrage qui permet aux fantassins de quatre divisions de sortir de leurs positions. Très vite, le génie s'attelle à ouvrir des passages dans les champs de mines. Cela permettra à la 23° Brigade blindée de progresser et de soutenir l'infanterie.
Tout au Nord, les Australiens malgré des pertes parfois élevées, réussissent à progresser de manière correcte. Sur leur flanc gauche, la 51° Division Highland à bien du mal à avancer. Son objectif est la « Red Line » qui doit impérativement être atteinte à 2 heures 45. Ensuite, d'autres unités doivent prendre la relève pour continuer l'assaut. Mais, les fantassins éprouvent les pires difficultés à avancer et ceux qui atteignent la ligne ont déjà un fort retard. Seule une compagnie remplit ses objectifs au matin du 24 octobre. Pour les Néo-Zélandais situé plus au Sud, le barrage d'artillerie est très efficace et les fantassins atteignent sans trop de mal cette ligne. Le 23° Bataillon décide même de continuer avant de se replier. On attend que les artilleurs anglais règlent leur tir pour pouvoir de nouveau progresser et atteindre la crête de Miteiriya. À 4 heures du matin, les Néo-Zélandais qui ont réussi à atteindre leurs objectifs s'enterrent. Plus au Sud, la quatrième nation de l'offensive, les Sud-Africains ont plus de mal. Certaines unités réussissent à atteindre la « Red Line », mais la deuxième vague ne peut atteindre ses objectifs. Les Allemands ont mis en place un feu très efficace. Avec l'aide de l'artillerie, ils réussissent à atteindre leur objectif mais l'aube est déjà là. Sur les autres parties du front tenues par les Sud-Africains, la 164° division d'infanterie allemande est bien retranchée et empêche toute avance. Les fantassins sont de plus bloqués par un champ de mines non-indiqué. A l'aube, après avoir forcé les positions adverses, les Sud-Africains sont encore à deux kilomètres de leurs objectifs. Le Bataillon Frontier Force qui a mené l'assaut a perdu 189 hommes. Tout au Sud, la 3° Brigade réussit à prendre ses objectifs.
Les chars arrivent
Dès 3 heures du matin, la 9° Brigade blindée commence à avancer mais est très vite bloquée par un champ de mines et par les Matilda Scorpions qui ironie du sort sautent sur les mines qu'ils doivent détruire. D'autres blindés sont détruits et la confusion règne au sein de la brigade. Certains chars arrivent néanmoins à conquérir la crête de Miteiriya avant de perdre 6 chars Sherman à cause des mines. La Brigade Wiltshire Yeomanry qui était bloqué par les mines réussit enfin à avancer en perdant neuf chars de plus et finit par croiser le chemin de la 15° Division Panzer. Les blindés se replient alors aux abords de la crête toujours tenue par la Division Warwickshire Yeomanry.
De son côté, la 1° Division blindée doit avancer jusqu'aux objectifs de l'infanterie (« Oxalic Line ») puis progresser de deux kilomètres vers l'Ouest pour empêcher une réaction de l'adversaire face aux Australiens et Ecossais. Les Sud-Africains et Néo-Zélandais sont eux soutenus par la 10° Division blindée. Sur le front écossais, les chars ne peuvent atteindre leurs objectifs et tentent de traverser le champ de mines à travers des couloirs de huit mètres de large battus par l'artillerie allemande. Se déployant hors des couloirs, des chars sont la cible de canons anti-char. On le voit, les Alliés sont déjà en difficulté.
Pour la 10° Division blindée, sur le front néo-zélandais, la progression est au début assez aisée au travers des champs de mines dégagés. Mais un autre champ qui n'apparaît pas sur les cartes britanniques est repéré et le génie a bien des difficultés à y ouvrir des passages face aux mitrailleuses allemandes. Il est de toute façon trop tard pour espérer que les chars britanniques se faufilent sur les arrières des forces de l'Axe, ils devront affronter à la lumière du jour, les positions défensives très bien placées des Germano-italiens. Ainsi, les chars Sherwood Rangers subissent le feu nourri des batteries anti-char italiennes et dans la confusion du repli, des blindés sautent sur les mines. 16 chars seront ainsi perdus. Le 47° Régiment Royal Tank subit lui aussi tant de pertes - du fait notamment des 88mm allemands - qu'il est dissout.
Au soir du 24 octobre, les généraux britanniques sont conscients du fait que les objectifs de l'opération Lightfoot sont loin d'être atteints et que l'opération en elle-même n'a aucune chance d'aboutir à un succès. En fait, il n'y a qu'au Sud où le 13° Corps réussit sa mission, immobiliser des troupes ennemies. En fin de compte, le front allemand n'a été nullement percé et les pertes des britanniques et de leurs alliés commencent à être lourdes.
Du côté allemand, la situation n'est pas non plus des meilleures. En effet, alors que le général Stumme cherchait à prendre contact avec les unités en première ligne, il serait mort d'une crise cardiaque à la suite d'un bombardement qui l'aurait propulsé en dehors du véhicule qui l'emmenait au front sans pour autant que son chauffeur ne s'en aperçoive. Von Thoma prend alors l'intérim en attendant le retour imminent de Rommel. Il est alors ordonné à la 15° Division Panzer de reprendre le terrain cédé à l'ennemi. De plus, il va s'avérer possible de rappeler la 21° Division Panzer et la Division blindée Ariete qui était retenue au Sud, l'effort anglais n'étant plus très important.
La contre-attaque allemande
Contre-attaque de l'Axe le 24 octobre 1942 à 18 heures
Dès la fin du 24 octobre, la 15° Division blindée allemande contre-attaque dans le secteur australien où les blindés du 40° Régiment  Royal Tank subissent de lourdes pertes. Il faut rajouter à la contre-attaque, le fait qu'un raid aérien anglais a par erreur lâché ses bombes sur les troupes australiennes. Chez les Ecossais, les chars Panzer ont fort à faire avec les chars de la 2° Brigade blindée et perdent 26 de leurs blindés. A 22 heures, la 10° Division blindée britannique attaque avec la 24° Brigade à droite et la 8° Brigade à gauche. Le but est la crête de Whiska située en face de la crête de Miteiriya. Une nouvelle fois, les sapeurs sont surpris par la profondeur des champs de mines et subissant le feu allemand, ils n'arrivent pas à ouvrir avec suffisamment de rapidité un chemin. Pendant ce temps, bombardiers allemands et canons anti-char tirent sur les blindés britanniques qui ne peuvent avancer. Après des hésitations, le général Gatehouse commandant la division demande à Montgomery l'autorisation de replier ses blindés. Le chef de la 8° Armée convoque alors Lumdsen, le chef du X° Corps à 3 heures du matin et lui demande de faire continuer l'attaque ou alors d'accepter que les chefs de l'arme blindée soient changés. Les blindés tiennent leurs positions, mais c'est un massacre, des dizaines de chars Grant et Sherman sont détruits. Suite à cet échec, les Anglais doutent : comment ont-ils pu échouer avec une telle supériorité numérique ?
L’opération Supercharge
Les derniers combats de Lightfoot
Le 25 octobre marque le retour de Rommel en Afrique.  Une nouvelle fois, le 26, les Anglais échouent face à la 164° Division d'infanterie à percer le front allemand. Dans les airs, la RAF a définitivement pris le contrôle.  Rommel, malgré les échecs des Anglais décide néanmoins de rappeler la 21° Division Panzer au Nord et de lancer la 90° Division légère dans une contre-attaque qui va s'avérer être un échec.
Création du plan
Réorganisation des troupes entre les deux offensives
Pendant ce temps, Montgomery met en place un nouveau plan ressemblant à « Lightfoot » mais baptisé « Supercharge ». Cela a pour but de renforcer le moral des troupes. Une nouvelle fois, l'offensive aura lieu au Nord. Sur le front, à l'exception des Australiens, plus personne ne se bat et la 2° Division d'infanterie néo-zélandaise, la 1° Division blindée et 9° Brigade blindée sont retirées du front. Pour combler ces départs, on étend les positions des Sud-Africains et de la 4° Division d'infanterie indienne. De plus, le front Sud-est de plus en plus déserté, la 7° Division blindée ainsi que les 151°, 152° et 131° Brigades d'infanterie appartenant aux 50° et 44° Divisions d'infanterie sont envoyées au Nord pour renforcer notamment les Néo-Zélandais qui ont perdu beaucoup d'hommes. C'est aux soldats français du général Pierre Kœnig de tenir l'extrême Sud du front, face aux parachutistes de la Brigade Ramcke.
Au départ, le plan consistait à frapper au Nord, là où sont postés les Australiens qui mènent une guerre d'usure, mais l'arrivée massive de renforts allemands dans cette zone fait que Montgomery abandonne ce plan initial. Il préfère attaquer un peu plus au Sud, au niveau des positions tenues par les divisions d'infanterie italiennes qui ont une valeur combative faible et encore diminuée par le départ des Allemands pour le Nord. En plus, une fois la ligne percée, le 10° Corps pourra envelopper les unités allemandes présentes plus au Nord grâce notamment à la piste de Sidi Abd el Rahman. Au tout début, les Australiens devront attaquer le saillant existant dans le front britannique suite à l'opération Lightfoot, là où se situait l'ancien objectif des forces écossaises. De plus, cela confortera Rommel dans son idée que c'est bien l'extrême Nord qui est menacé.
Ensuite, après cette attaque préliminaire, pour lancer l'assaut sur les positions italiennes, trois brigades de la 51° Division plus trois autres de la 50° Division d'infanterie sont chargées de percer sur quatre kilomètres les défenses adverses afin d'atteindre la piste de Rahman et la crête d'Aqaqir. Au sud, la 133° Brigade et au nord le 22° Bataillon maori attaqueront sur les flancs. Trente-huit chars sont gardés en réserve pour soutenir l'infanterie en cas de problème. De nombreuses pièces d'artillerie sont concentrées sur le front d'attaque et commenceront leurs tirs à 1 heure 5. De plus, des bombardiers auront pilonné les Italiens durant 7 heures. A 4 heures précises, l'objectif doit être atteint, la première vague sera alors relevée par la 9° Brigade blindée qui aura pour but la prise de la crête d'Aqaqir. La 1° Division blindée et 8° Brigade blindée seront alors lancées à l'assaut du terrain libre, une fois le front percé, pour empêcher les Germano-italiens de se rétablir. Contrairement à Lightfoot, les blindés seront engagés plus tôt car l'infanterie a déjà subi des pertes substantielles. Ainsi, la 9° Brigade devra attaquer les positions d'artillerie adverses, ce qui risque d'engendrer des pertes énormes, mais Montgomery se dit prêt à accepter des pertes de 100%.
L'attaque australienne
L'offensive australienne constitue en quelque sorte la passerelle entre Lightfoot et Supercharge, elle doit gommer les imperfections de la première et assurer le bon  développement de la seconde. Elle commence par l'assaut d'un poste défensif allemand appelé Thompson Post. Il est composé de tranchées abritant des nids de mitrailleuses et couvertes par un champ de mines. La défense du poste est assurée par le 125° Régiment d'infanterie allemand et le 11° Bataillon Bersaglieri italien. Le plan d'attaque australien prévoit la prise par la 20° Brigade de deux collines à proximité du poste lui-même, la 26° Brigade devant, elle, capturer la redoute pour accéder à la route côtière et isoler des unités allemandes. Des chars Valentine provenant de la 23° Brigade devront les soutenir. L'assaut à lieu à 22 heures le 28 octobre. Les Australiens ne rencontrent aucun ennemi mais les blindés ont fort à faire avec un champ de mines. Une des collines est capturée peu avant le lever du jour, ce qui interrompt l'offensive. Il faut attendre la nuit du 30 au 31 octobre pour revoir les Australiens attaquer. Ils arrivent avec l'aide de l'artillerie au pied de Thompson Post, mais les troupes australiennes subissent le feu de l'artillerie allemande. À 1 heure, les Britanniques mettent en marche un tir de barrage sur les canons allemands. Les fantassins tentent d'avancer, mais ils sont tués par les obus de mortiers, les mitrailleuses et les mines. Devant la confusion engendrée, le repli est ordonné. Des dizaines d'hommes ont été perdus. Les Australiens ne sont pas arrivés à atteindre la mer, Rommel continue pour tenir le saillant à y envoyer des armes anti-char. A 12 heures 30, le 31 octobre, les Allemands lancent une contre-attaque à l'aide de la 21° Division blindée qui ravage les chars de la 23° Brigade avant de se retirer. Durant la nuit, les Allemands réussiront finalement à repousser les Australiens plus au Sud. Mais le gros de l'attaque va bientôt arriver et cette offensive a déporté une grande partie des forces allemandes au Nord.
L’attaque générale
Le début de l'attaque se passe sans difficultés, les défenses adverses ayant été terriblement affaiblies par le pilonnage de l'aviation et de l'artillerie. Sur les côtés, les troupes progressent sans trop de difficultés, les pertes les plus lourdes ont lieu au centre, les unités allemandes et italiennes ne se repliant pas. Mais, les objectifs sont atteints à l'heure et la 9° Brigade blindée est prête à attaquer. Cependant, il règne une certaine confusion dans l'unité ce qui fait que seuls 94 chars arrivent à attaquer sur 132. Le retard pris sur l'horaire fait que la nuit se termine et bientôt, les chars vont être repérables. Progressant légèrement en arrière du barrage d'artillerie, les Britanniques approchent de la Piste du Télégraphe. Les Allemands réussissent néanmoins à faire subir des pertes sensibles aux Anglais en détruisant leurs camions ce qui empêche l'infanterie de soutenir les blindés. Peu après 6 heures, les Anglais ont entamé les positions allemandes malgré, comme toujours, la présence de mines. Dès que le jour fait son apparition, les Allemands peuvent régler leurs tirs et causent une hécatombe aux différents chars anglais. Les chars Crusader au canon de 40mm sont les premiers à disparaître, leur armement étant bien trop léger. La brigade blindée devant le feu des canons antichars allemands et italiens (il y a des 88mm) subit très vite des pertes importantes et doit de plus subir la contre-offensive des blindés des 15° et 21° Divisions de Panzer. Pris de flanc, les rares survivants britanniques se replient, sur les 94 chars de l'attaque, 75 sont détruits.
Pour ce qui est de la 2° Brigade blindée qui doit conquérir la crête d'Aqaqir, l'affaire se présente plutôt mal, elle est en retard. Le chemin qui mène à la crête est de plus encombré de véhicules en tout genre. Les quelques survivants de la 9° Brigade les informe du massacre qu'ils ont subi, massacre inutile car l'état-major anglais, devant la réaction de Rommel qui envoie ses blindées ne peut se résoudre à lancer une bataille trop tôt. De son côté, Rommel n'était pas optimiste, la percée de l'infanterie lui avait causé quelques soucis et il estimait que sa contre-attaque n'était pas suffisante et il craint une bataille à l'est de la crête d'Aqaqir, seul endroit où la brèche faite pas les Anglais possède encore une certaine profondeur. Montgomery voulait cette bataille à l'Ouest de la crête...
Le 2 novembre
Après une longue hésitation due au tir de barrage allemand, au massacre qu'a subi la 9° Brigade et au nombre des troupes blindées allemandes, les Britanniques décident de ne pas lancer à l'assaut la 2° Brigade blindée contrairement aux ordres de Montgomery et de son état-major. Lumsden, chef du 10° Corps ne peut se résoudre à accepter un nouveau massacre. Fisher, le chef de la brigade reste sur ses positions, dans la brèche ce qui empêche la 8° Brigade d'avancer. Devant cet amoncellement de véhicules, Rommel va tenter de contre-attaquer pour causer un massacre en réunissant ses derniers blindées et en demandant l'aide de l'aviation et notamment des avions en piqué Stukas. Mais la supériorité de la RAF est depuis longtemps acquise et la Luftwaffe ne peut attaquer les troupes au sol qui subissent néanmoins le tir des canons de 88mm toujours aussi efficaces jusqu'à ce que les aviateurs britanniques les contraignent à cesser le feu. Les blindées italiens attaquent aussi mais ils subissent de lourdes pertes que ce soit face à l'artillerie, aux chars ou aux avions. Pour défendre le front en danger, Rommel rappelle la Division Ariete et le 125° Régiment de Panzer Grenadier. Les Germano-italiens tiennent, les Anglais n'avancent pas et subissent de lourdes pertes, mais dans cette guerre d'usure, le gagnant n'est pas celui qui perce ou qui résiste mais bien celui qui a le plus de réserves. Or, les Allemands se retrouvent bientôt à court de munitions et d'essences, le ravitaillement par voie maritime est très faible, la Royal Navy est maîtresse des mers. De plus, à force d'être engagés, les chars Panzer ont des pertes, il n'en reste plus à la fin du 2 novembre que 35 disponibles, plus ceux que les mécanos réussiront à réparer.
Chez les Anglais, malgré la perte de plus de 150 chars, les réserves sont importantes et les 8° et 22° Brigades (appartenant à la 7° Division blindée) ont des effectifs quasi-complets qui excèdent de loin les effectifs allemands. En cumulant tous les chars, la 8° Armée en a plus de 300 contre guère plus de 50 aux Germano-italiens (100 avec les chars médiocres de la division Ariete). De plus, des automitrailleuses britanniques ont réussi à se faufiler sur les arrières des forces de l'Axe au sud-ouest du saillant. Les Italiens les prennent pour des Allemands et ces derniers pour des Italiens. Les Anglais profitent de la situation pour désorganiser le système de communications de l'adversaire. Pour les soutenir, Montgomery envoie de l'infanterie qui fait de nombreux prisonniers parmi la division italienne Trieste. Le général Lumsden prévoit lui une attaque de chars en direction de la crête d'Aqaqir mais un ordre de Montgomery l'oblige à lancer à l'aube du 3 novembre l'infanterie (2° et 7° Brigades de fusiliers ainsi que le 2° Corps Royal des fusiliers). Les 2° et 7° Brigades de fusiliers se font repousser par des mitrailleuses; le 2° Corps Royal tient malgré sa position inconfortable.
La percée
Début du repli de Rommel le 3 novembre.
Mais Rommel n'a plus de réserves, il ne peut contre-attaquer et doit maintenant penser à se replier en comptant sur la lenteur de réaction des britanniques. Il ordonne donc à ses troupes de commencer à se replier notamment au Nord. Il voulait battre en retraite jusqu'à Fouka. L'infanterie était transférée vers l'Ouest en camion sous couvert des Italiens. Ces derniers, faute de moyens de transports, devaient se replier à pied. Pour le chef de l'Afrikakorps, il faut non seulement abandonner la position d'El Alamein, mais s'il veut sauver l'Afrikakorps, il commence à penser qu'il doit se replier en Europe. Pour Hitler, une telle proposition est inacceptable. Il ordonne à Rommel de tenir ses positions qui, hésitant, obéit finalement.
Face à ce début de repli, l'aviation allemande fait tout son possible pour empêcher les bombardiers de la RAF de bombarder les colonnes en repli. A terre, il est ordonné aux 1° et 7° Divisions blindées de s'engouffrer dans le saillant ouvert par les automitrailleuses et de foncer vers la mer pour encercler une partie des forces de Rommel. Auparavant, l'infanterie et des chars Valentine tentent d'élargir le passage mais subissent des lourdes pertes. Finalement, l'arrivée de la 11° Brigade indienne permet de capturer 200 soldats allemands retranchés sur la crête d'Aqaqir. Mais il est trop tard, les Allemands ont commencé à se replier.
La poursuite
Pour l'Afrikakorps c'est la fin, le repli est inévitable et l'ordre d’Hitler de résister n’est plus appliqué même si certains veulent résister mais Rommel sait que rien ne peut arrêter les Britanniques. Il envoie son aide de camp, le lieutenant Berndt à Berlin pour que Hitler change d'avis. Pendant, ce temps (nuit du 3 au 4 novembre), l’Afrikakorps est placé en arc de cercle autour du saillant britannique, la Division blindée Ariete italienne avec ses 100 chars M13/40 sont les derniers blindées de Rommel mais ils sont déjà trop vieux. Les Britanniques malgré des pertes avoisinant les 500 chars conservent encore 600 chars. A l'aube du 4 novembre, la 2° Brigade blindée et les survivants de la 7° Brigade motorisée s'avancent vers les défenses allemandes à l'Ouest de la crête d'Aqaqir. Les troupes allemandes sont commandées par le général Von Thoma, qui use de ses derniers 88 pour détruire quelques chars adverses. Les Britanniques décident d'utiliser l'artillerie pour détruire les positions adverses. Les troupes de la 1° Division blindée s'avancent alors sur le champ de bataille. Les blindés rencontrent alors la résistance d'un char Panzer III qui finit par se rendre. Les Anglais découvrent avec surprise qu'il abrite le général Von Thoma. Il est amené au général Montgomery. Les Ecossais et les Indiens peuvent percer avec l'aide de blindées bientôt suivis par les Néo-Zélandais. Le front est percé, les chars alliés vont pouvoir jaillir sur les arrières de l'Axe.
Pendant ce temps, les Italiens de la Division Ariete voient arriver les unités de la 7° Division blindée, les Rats du Désert, qui avancent avec l'aide de l'artillerie. La 22° Brigade blindée détruit un par un les chars survivants. Les Anglais percent au Sud de la position italienne, ces derniers sont contournés et anéantis. Le XX° Corps Italien est détruit, c'est un nouveau coup dur pour Rommel. Malgré la résistance le long de la côte de la 90° Division légère, les Germano-italiens sont vaincus et leur centre est percé. Cette brèche de vingt kilomètres menace de destruction les troupes situées au Sud. Rommel ne peut se résoudre à tenir, il ordonne à 15 heures 30 le 4 novembre à l'ensemble des forces de l'Axe de se replier. Au Nord, on s'enfuit par camions mais au Sud, les éléments motorisés sont rares. Coupées du reste de l’Afrikakorps, les troupes de la Brigade Ramcke et de la division Folgore (seules unités restantes du XX° Corps) et les Divisions Pavia et Brescia (X° Corps) doivent s'enfuir par leurs propres moyens. Rommel va tenter de les incorporer à Fouka à cent kilomètres à l'Ouest d'El Alamein. Une nouvelle fois, il compte sur la lenteur des Britanniques. Ainsi, au soir du 4 novembre, les troupes alliées bivouaquent au lieu de poursuivre leur adversaire. Lorsque des renseignements arrivent au quartier général de la 8° Armée, l'état-major décide de poursuivre l'Afrikakorps à partir du 5 novembre en direction de la côte pour capturer les troupes allemandes.
De Fouka à Solloum en passant par Mersah Matrouh
La 2° Brigade blindée avance le lendemain en direction d'El Daba pour foncer ensuite vers Fouka. Mais elle est bloquée par un canon de 88mm qui tue notamment le capitaine Singer qui avait capturé Von Thoma. La brigade attaque par le Sud tandis que la 7° Brigade motorisée attaquera par l'Est. Cent cinquante hommes et le canon sont capturés. Il est déjà plus de midi. La seule unité à intercepter des ennemis est la 8° Brigade blindée qui atteint Galal. Des troupes disparates sont capturées. Peu après, une colonne importante arrive et au terme d'un combat intense, les Anglais détruisent 14 chars Panzer et 29 chars italiens. Mille hommes sont capturés. Arrivé à Fouka, Rommel n'y trouve aucune position défensive et les Germano-italiens sont désorganisés, il décide de battre en retraire jusqu'à Mersa Matrouh.
Au matin du 6 novembre, la situation de la Panzer armée est tragique. Depuis les combats de la veille, il n'y a plus que 12 chars Panzer en état de se battre. Les Italiens mènent des combats d'arrière garde mais certains se font capturer par les Britanniques, et beaucoup d'unités sont dispersées. Les Allemands gardent eux un semblant d'ordre. L'essence vient à manquer et la 21° Division Panzer tombe en rade de carburant durant sa fuite vers Mersah Matrouh. Poursuivis par les chars de la 22° Brigade blindée, les derniers chars Panzer sont immobilisés. Ils sont sauvés par le Kampfgruppe Voss chargé de protéger l'arrière-garde et qui tombe sur les arrières anglais; surpris, ceux-ci doivent battre en retraite. Mais le problème de l'essence restant, les chars Panzer sont sabordés et seuls les véhicules légers peuvent continuer de se replier. A Mersah Matrouh c'est une lutte entre Allemands pour savoir qui aura de l'essence mais à Benghazi, 4000 tonnes de carburants viennent d'arriver par mer, un exploit. Malgré des pertes dues à l'aviation, la moitié arrive à Solloum. Seuls 4 chars Panzer sont encore là avec une dizaine de chars M13/40. Le 7 novembre, Ramcke et 600 de ses parachutistes, venus des confins du Sud, arrivent à la rencontre des troupes de Rommel. Quatre cent cinquante hommes ont été perdus en route. Ils avaient dû capturer des camions de ravitaillement aux Britanniques. Belle action de cette troupe d'élite mais sans grande utilité pour Rommel, eux aussi voudraient leur part d'essence.
Le 8 novembre, la Panzer armée Afrika se replie vers Solloum en passant par les cols d'Halfaya ce qui signifie un ralentissement dans le retrait. Les Britanniques ont décidé de ne pas contourner la position par le Sud, mais ils peuvent réaliser un massacre si les allemands sont surpris pendant leur traversée des cols. Ainsi, le XX° Corps italien, soutenu par les 4 chars Panzer survivants, doit garder la passe d'Halfaya et la 90° Division légère continue à mener des combats de retardement à l'arrière des troupes Germano-italiennes. A son arrivée à Solloum, Rommel ne compte plus que sur 2000 soldats allemands, à peine plus d'italiens, 15 canons antichars, même pas 50 canons de campagne. La réserve se compose de 3500 soldats dont 500 italiens. Les forces blindées se composent de 11 chars Panzer et 10 chars italiens. Enfin, la réserve en artillerie se compose de 75 canons de tous types. Voici ce qui reste de la glorieuse armée d'Afrique. Elle ne doit son salut qu'à la lenteur des Britanniques qui ne pourront surprendre les troupes de Rommel dans le passage d'Halfaya. A l'aube du 9 novembre, l'ensemble des troupes est passée, la 90° division légère s'y engouffre et en débouche à midi. Les sapeurs du général Büllowius sont les derniers à passer et font sauter la route. A la fin de la journée, les avant-gardes britanniques arrivent, elles appartiennent à la 4° Brigade blindée mais tombe sur une route impraticable et quelques mines détruisent des chars. Plusieurs jours seront nécessaires pour remettre en état la route. Mais Rommel doit déjà penser à battre en retraite en Tunisie, l'opération Torch a été mise en place, les Anglo-saxons arriveront bientôt de l'Ouest pour bloquer la route aux dernières troupes.
Bilan
Au terme d'une longue bataille, Montgomery malgré des pertes excédant les 500 chars a pu grâce à ses réserves percer le front de Rommel qui ne disposait pas de plus de 100 chars Panzer. Le ravitaillement étant coupé par la base aérienne de Malte, la logistique ne pourra suivre Rommel dans son ultime tentative de résistance. Le temps est fini où l'OKW rêvait déjà de voir le drapeau à croix gammée flotter sur Alexandrie puis voir les blindés du Renard du Désert pénétrer dans le Moyen Orient riche en pétrole pour rejoindre les troupes allemandes venant du Caucase pour ensuite se diriger à travers l'Iran et l'Afghanistan vers l'Inde où ils auraient pu faire la jonction avec l'Empire du Soleil Levant.






1 commentaire:

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