Néo-gauchistes
bien-pensants contre néo-réactionnaires identitaires, il parait que c’est le
nouvel affrontement de la scène intellectuelle française actuelle (*).
Avec, à la marge, tous
les catastrophistes qui viennent annoncer la fin du monde toute proche et qui
se recrutent tant à droite, chez les néo-réactionnaires qu’à gauche, chez les
néo-gauchistes.
Scène est le terme qui
convient le mieux tant tous ces «engagés» squattent les médias, leur milieu
naturel d’existence et de reproduction, notamment les audiovisuels (même ceux
qui disent le contraire uniquement parce qu’ils sont moins invités que les
autres…).
D’un côté, tous ceux
qui, du marxisme au catholicisme de gauche, ont décidé de se positionner près
des damnés de la terre de tous poils, enfin de ceux qu’ils ont identifiés comme
tels, et de fustiger l’Occident qui serait le diable ou, au moins, un de ses
acolytes, responsable du dysfonctionnement de la planète et de tous les drames
qui s’y passent, du terrorisme islamiste aux migrants qui se noient dans la
Méditerranée au large de la Grèce ou de l’Italie en passant par le
réchauffement climatique et les soubresauts de la globalisation économique.
De l’autre côté, tous
ceux qui, du nationalisme au conservatisme revanchard ou nostalgique, ont pris
le parti de dénoncer toute modernité, d’appeler à l’ordre et au réveil d’une
conscience occidentale soi-disant anesthésiée par une mondialisation culturelle
létale pour les «vraies» valeurs.
Entre ces néo-gauchistes
bien-pensants et ces néo-réactionnaires identitaires, nous sommes sommés,
pauvres citoyens «de base», de choisir notre camp.
En quelque sorte Le
Monde contre Le Figaro, L’Obs contre Point, Libération contre Valeurs
Actuelles.
Et si l’on ne choisit
pas, on est catalogué par un bord comme étant de l’autre et réciproquement…
Sauf que…
Sauf que, le plus
extraordinaire, c’est que des ponts existent plus qu’on ne le croit entre ces
deux univers qui semblent se faire la guerre à mort.
Car, ils ont un ennemi
commun: la démocratie républicaine consensuelle et ouverte qui s’appuie sur les
valeurs humanistes.
Des deux côtés, il n’y a
pas de mots assez durs pour celle-ci accusée d’être au service de tous les
«méchants» et, croyez-moi, ils sont nombreux pour ces gens-là, à la mesure de
leurs ambitions médiatiques.
Dans ce maelström
souvent indigent, insipide et indigeste, où est l’intellectuel humaniste,
c’est-à-dire l’intellectuel centriste, ce défenseur et promoteur de la
démocratie républicaine humaniste?
Rappelons que les
racines centristes en France viennent du libéralisme, de la démocratie
chrétienne et du radicalisme.
Cela devrait permettre
d’avoir une palette assez large d’intellectuels centristes.
Or, pas du tout: la
plupart des intellectuels libéraux font allégeance à la droite, comme ceux de
la démocratie chrétienne.
Quant à ceux du
radicalisme, quand ils existent (!), ils ont plutôt tendance à pencher à
gauche, laïcité oblige.
L’intellectuel centriste
qui devrait être un mix de ces trois courants et de l’humanisme qu’ils
représentent est donc difficile à trouver ou à identifier.
Bien entendu, on
pourrait choisir quelques compagnons de route des médias qui se présentent plus
ou moins comme tel mais ils sont plutôt des supercheries en la matière.
A défaut de pouvoir en
trouver, qu’est-ce qu’au fond un intellectuel centriste?
C’est un penseur qui est
libre d’abord, libre de toute construction a priori et de tout effet de manche
extrémiste et/ou réductrice qui a cogité la bonne formule ou la posture qui
fait polémique pour attirer l’attention médiatique.
Son problème n’est pas
d’inventer des chimères, ni de rêver du grand soir improbable (ou criminel) ou
d’un âge d’or à retrouver, qui n’ont jamais existé, l’un et l’autre, que dans
les fantasmes puérils de ceux qui les inventent.
Son matériau, à
l’intellectuel centriste, c’est le réel et c’est l’humain, la personne qu’il
faut respecter et émanciper pour qu’elle prenne sa vie en main et sa place dans
une communauté humaine tolérante et solidaire à la mesure de ses capacités.
Ce ne sont pas les
idéologies mortifères qui créent l’affrontement.
Mais l’intellectuel
centriste n’est pas un naïf qui vit dans un monde qui n’existe pas, il laisse
cela à l’intellectuel néo-gauchiste ou néo-réactionnaire.
Il est conscient des
dangers qui menacent quotidiennement la liberté ou l’égalité, la planète ou
l’économie, par exemple.
Il sait que toutes les
avancées humanistes au cours de siècles doivent se défendre et que l’on n’a
rien sans effort et sans capacité à se mobiliser pour préserver tous les acquis
positifs.
Cependant, il sait que
la démocratie républicaine – qui puise ses sources, comme je l’ai dit plus
haut, tant auprès du libéralisme, de la démocratie chrétienne et du radicalisme
– doit être réformée sans cesse, non pour le plaisir de le faire mais pour
l’adapter au monde en continuelle évolution afin d’en établir, d’en préserver
ou d’en rétablir le juste équilibre.
L’intellectuel centriste
n’est pas, à l’inverse des néo-gauchistes et des néo-réactionnaires, des
directeurs de conscience.
C’est la liberté qui le
lui interdit et qui transcende son message pour que celle-ci conquiert toujours
plus de nouveaux territoires mais dans le respect de l’autre.
Le respect de l’autre
est d’ailleurs un fondement essentiel de la pensée sur laquelle il s’appuie.
Ce respect qui, s’il
existait vraiment, changerait la société et les rapports humains en profondeur
avec un lien social revigoré et revitalisé.
Il le promeut donc tout
en sachant dans le monde dans lequel il vit qui, tant qu’il ne sera pas
respectueux, a besoin de droits et de devoirs, surtout de cette sécurité que
doit assurer l’Etat (et plus globalement la communauté mondiale avec ses
organisations transnationales) envers ses citoyens.
Enfin, l’intellectuel
humaniste aura toujours plus de mal à se faire entendre car il ne parle pas par
slogans publicitaires et n’utilise pas toutes les ficelles de la propagande qui
réussissent si bien à l’intellectuel néo-gauchiste bien-pensant et à
l’intellectuel néo-réactionnaire identitaire.
Mais si c’est un réel
handicap, c’est aussi tout l’honneur d’un intellectuel.
Alexandre Vatimbella
(*) Né lors de l’affaire
Dreyfus et la publication dans l’Aurore du «J’accuse» en 1889 d’Emile Zola,
l’intellectuel français n’a, depuis, cessé de défrayer la chronique.
Selon la définition du Centre
nationale de ressources textuelles et lexicales du CNRS, c’est une «Personne
qui, par goût ou par profession, se consacre principalement aux activités de
l'esprit».
De manière plus spécifique à
notre propos, selon Wikipédia, l’intellectuel «est une personne dont l'activité
repose sur l'exercice de l'esprit, qui s'engage dans la sphère publique pour
faire part de ses analyses, de ses points de vue sur les sujets les plus variés
ou pour défendre des valeurs, qui n'assume généralement pas de responsabilité
directe dans les affaires pratiques, et qui dispose d'une forme d'autorité».
Sans oublier que l'intellectuel
«est une figure contemporaine distincte de celle plus ancienne du philosophe
qui mène sa réflexion dans un cadre conceptuel.»
Même si, évidemment, un
philosophe peut faire «profession» d’intellectuel.
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