samedi 8 mai 2021

Napoléon ou l’ambiguïté de son héritage

Ceux qui détestent la Révolution adorent Napoléon et ceux qui détestent Napoléon adorent la Révolution.

Derrière cette formule lapidaire et peu nuancée se cache néanmoins cette bataille mémorielle sur l’empereur des Français, tel était son titre.

Mais l’Histoire, elle, nous dit que sans Révolution pas de Napoléon et sans Napoléon pas de Révolution.

Car, que l’on aime ou non l’homme, que l’on aime ou non l’événement, Napoléon est un fils de la Révolution et nombre des legs de la Révolution sont dus à Napoléon même s’il en a piétiné allégrement bien d’autres...

Alors que l’on fête le bicentenaire de sa mort, il serait bon de ne pas oublier l’intrication de la Révolution et de l’Empire pour le meilleur et pour le pire.

Oui, il y a un héritage positif de Napoléon et oui c’était un dictateur.

Certains vont jusqu’à estimer qu’il est de la même engeance qu’Hitler ou Mussolini qui eux aussi, surtout le premier, peuvent être crédités d’améliorations de leur pays et vis-à-vis de leur peuple mais qui ont été des personnages sanguinaires, imbus de leur grandeur ainsi que de leur pouvoir et qui ont conduit, et leur pays et leur peuple, à un désastre militaire.

D’ailleurs, Hitler n’était-il pas un admirateur de Napoléon qui, comme lui, était issu du peuple, même si le Corse venait d’une famille de petite noblesse mais désargentée?

Pour autant, on ne peut faire une stricte analogie entre un réel bâtisseur, Napoléon, et un aventurier avide de grandeur mégalomaniaque comme Hitler, qui fut in fine qu’un destructeur, même si tous deux pensaient d’abord à eux-mêmes avant de penser à ceux qu’ils gouvernaient.

Et puis, si Napoléon a enfermé ses opposants, s’en est même débarrassé, même si ses guerres à répétition ont semé la mort et le chaos, il n’est pas responsable d’un génocide et n’a pas été le leader d’un parti qui a commis des atrocités et des ignominies sans nom.

Bien sûr, faire une distinction sur le degré de barbarie d’acteurs majeurs de l’Histoire n’est pas vraiment une échelle de valeur positive!

De plus, Napoléon n’est pas celui qui déclare la guerre qui va mener au chaos mais il en hérite de la Révolution qui, elle-même, n’en est pas responsable mais doit faire face à la coalition de monarchies qui veulent abattre un régime qui prône – sans toutefois toujours tenir ses promesses – la liberté, l’égalité et la fraternité.

Et puis, il convient de ne pas oublier que l’Europe entière des monarchies voulait se débarrasser de Napoléon.

Non pas parce qu’il était un «usurpateur» – tous les monarques n’en sont-ils pas?! – mais parce qu’il amenait avec ses troupes les idées de la Révolution qui étaient bien plus dangereuses que ses fusils et sa personne.

Reste la question centrale de sa place dans notre époque.

Si l’on peut trouver du bien et du mal dans le gouvernement de la France par Napoléon à l’époque où il s’est déroulé et si l’on peut trouver des héritages positifs qui ont permis de faire de la France ce qu’elle est, on ne peut, en revanche, faire l’impasse d’une analyse de son règne en y appliquant les valeurs humanistes.

Non pas celles d’aujourd’hui mais celles qui ont plusieurs millénaires et que des personnalités de paix et d’amour ont professées, parfois dans le désert, mais qui ne sont pas seulement «modernes» ou «contemporaines», c’est-à-dire qui ne peuvent, selon certains, s’appliquer à une période différente de la nôtre.

On pense évidemment à Jésus ou Bouddha, par exemple mais il y en avait bien d’autres comme Confucius ou Zoroastre qui permettent de pouvoir utiliser une grille de lecture un peu différente de celle que l’on nous ressasse sans cesse «les réalités du moment» qui ne peuvent faire fi d’une vision morale que, par exemple, nous utilisons toujours malgré «les réalités de notre époque».

Non pas pour nier ces réalités mais pour ne pas laisser à ces dernières l’exclusivité d’une analyse où l’on doit toujours réintroduire des valeurs millénaires basées sur le respect de l’humain.

Et avec cette grille humaniste, les circonstances atténuantes en faveur de Napoléon sont quasi-inexistantes!

Mais, ajoutons immédiatement, que cela est le cas pour bien d’autres figures historiques qui sont célébrées, voire glorifiées…

En conclusion, nous ne devons pas nier les aspects positifs de l’Empire sur la construction de la France moderne parce qu’il y en a mais nous ne pouvons pas absoudre Napoléon de tous ses manquements au respect de l’humain au nom de ceux-ci.

Alors, à l’inverse de que certains prônent, si l’on doit positiver, ce n’est pas l’héritage de Napoléon mais bien de l’Empire en disant bien que ni l’un, ni l’autre ne sont des modèles pour l’avenir de la France.

Si l’exercice de style auquel s’est livré Emmanuel Macron à l’occasion de ce bicentenaire, à la fois dans l’éloge et la critique de Napoléon, n’était pas des plus convaincants sur ses conclusions somme toute favorables pour l’empereur, on ne peut être que d’accord avec lui sur le fait qu’il faut étudier l’homme et son œuvre pour savoir d’où nous venons, nous, Français, et dans quel environnement nous vivons mais aussi pour apprendre ce que nos ancêtres étaient et ce que nous voulons être.

Oui, étudier Napoléon et tous ceux qui ont fait l’Histoire, pour comprendre comment s’est formée la France et le monde mais aussi pour avoir cette capacité critique d’évaluer le passé afin d’y puiser le bon et rejeter le mauvais pour construire un avenir meilleur.

Reste que l’homme et l’époque où il vécut ont tellement d’ambiguïtés que nous n’avons certainement pas fini de nous interroger sur l’un et l’autre et sur ce qu’ils nous ont donné.

Alexandre Vatimbella

lundi 3 mai 2021

La liberté toujours condamnée à se dévorer elle-même?

Pour ses défenseurs, il y a une question angoissante et lancinante qui revient sans cesse: la liberté est-elle condamnée à se dévorer elle-même dans un mouvement circulaire où la liberté tue la liberté qui tue la liberté qui…

Et il ne s’agit pas de discuter ici de la différence entre la vraie liberté et la licence qui se déguise en liberté.

La liberté est et sera toujours, en effet, une valeur confrontationnelle dans la pratique (alors qu’elle ne l’est pas forcément dans la théorie).

Cela signifie que la liberté de l’un se confronte toujours à celle d’un autre, à celle de tous les autres.

Cela signifie également que les différents types de liberté (d’opinion, de déplacement, de choisir telle ou telle chose, etc.) sont souvent en confrontation entre elles.

Pour tenter d’éliminer le plus possible cette confrontation ou la rendre non-violente, on définit la liberté en société comme de faire tout ce que l’on veut sans empiéter sur la liberté de l’autre.

Belle définition mais qui ne tient pas en pratique, en tout cas sans une force de répression pour interdire à l’un d’empiéter sur la liberté de l’autre.

Mais même cette règle démocratique imposée par la force n’empêche pas la liberté de jouer contre elle-même.

Ainsi de la liberté d’attaquer la liberté grâce à la liberté.

Je peux ainsi être un opposant à la liberté et avoir la liberté de le dire, de militer pour au nom de cette liberté que je veux supprimer.

Bien sûr, quand je passe à l’acte, j’entre en conflit avec la règle démocratique qui, en fait, restreint ma liberté d’agir même si celle-ci est, en l’occurrence, de dépasser les limites démocratiques de la liberté et de tomber dans la licence.

Bien entendu, ce que je dis là n’est pas nouveau et nombre de penseurs et de philosophes l’ont dit avant moi et mieux que moi.

Pour autant, cela a une conséquence sur le régime de la liberté, la démocratie.

Celle-ci porte ainsi en elle-même sa propre destruction et dans un paroxysme peut même s’autodétruire elle-même.

Car si la démocratie ne peut plus être seulement considérée comme le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple puisqu’elle ne peut être à la merci d’un vote de la majorité pour la supprimer, dans les faits, c’est encore possible.

En donnant la liberté à une majorité de citoyens lors d’élections ou de référendums de voter pour des ennemis de la démocratie ou pour l’abolir, la démocratie crée les conditions de sa propre disparition ce qui n’est évidemment pas le cas d’un régime totalitaire.

En imaginant que 99% de la population décide de supprimer la démocratie et donc la liberté, comment les 1% pourront concrètement s’y opposer?

Et s’ils s’y opposent, ils n’ont aucune chance de remporter le combat et, en revanche, le risque de finir morts ou en prison.

De même, introduire une règle empêchant d’abolir la démocratie par exemple dans une Constitution n’a de force que si elle est consensuellement partagée et acceptée.

Fragile liberté et fragile démocratie qui peuvent être instrumentalisées jusqu’à plus soif alors même qu’elles sont les plus beaux cadeaux que les peuples peuvent se faire à eux-mêmes.

Sortir de cette impasse de leur fragilité inhérente passe, on le sait, par des citoyens conscients de la valeur intrinsèque de la liberté et de la démocratie, c’est-à-dire des citoyens éveillés qui ont reçu une formation qui leur permet de distinguer leur intérêt et de le préserver mais aussi une information qui empêche les aventuriers de tenter de les influencer pour leur retirer ces deux biens.

Mais comme nous ne sommes pas dans un monde parfait où les gentils dominent par la seule persuasion des méchants, ces derniers – en l’espèce les ennemis de la liberté – doivent être interdits de pouvoir attenter au régime démocratique.

In fine, la liberté doit être défendue même contre elle-même.

Bien sûr, cette affirmation fera bondir nombre de ceux qui croient qu’on ne peut la limiter que lorsqu’elle devient licence, c’est-à-dire lorsqu’elle ne respecte plus celle de l’autre.

Cependant, force est de reconnaitre que la parole et l’écrit (l’opinion) permettent d’agir et que lorsqu’elles appellent à la sédition, à la violence et à la suppression de la liberté, elles doivent être combattues.

Et s’il semble difficile d’empêcher la libre expression dans un régime de liberté au-delà d’attaques personnelles ou d’appels au meurtre, on peut empêcher que cette expression se matérialise dans des organisations et des actions.

On peut penser – ou espérer – que s’il y avait eu de telles limites, des personnages comme Hitler, Staline, Mao, Mussolini, Franco, Khomeiny, Kadhafi, Amin Dada et tous les autres, contemporains et dans l’Histoire, et ils sont beaucoup trop nombreux, n’auraient pu mener à bien leur entreprise de destruction et que l’on aurait pu sauver des centaines de millions de personnes tout en leur assurant la liberté.

Pensons-y alors qu’une nouvelle génération de scélérats est en train de tuer la liberté un peu partout dans le monde.

Sans oublier tous ceux qui font profession de le faire dans les démocraties.

Louons sans réserve la liberté mais ne soyons pas dupes de son masochisme.

Surtout, préservons-nous de ses effets destructeurs.

Reste que la lucidité nous impose, aujourd’hui, de se battre à chaque instant pour cette liberté face aux assauts, aux attentats, aux agressions, aux outrages et aux provocations, parce qu’il en va de notre dignité d’humain.

 Alexandre Vatimbella

 

vendredi 23 avril 2021

Des sommets pour l’Humanité, on en a besoin tous les jours!

Organisé à l’initiative du président américain Joe Biden, le «Leaders summit on climate» qui réunit virtuellement quarante chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion de la «Journée de la Terre» fêtée hier, est en réalité, malgré son intitulé, un sommet pour sauver l’Humanité.

Et cette journée devrait être rebaptisée «Journée de l’Humanité» et l’on devrait la célébrer plusieurs fois par an.

Et ce serait bien de le dire de cette manière.

Parce que, demain, si notre planète devient invivable, elle s’en fichera royalement ainsi que du climat dont elle héritera, elle en a connu de bien pires depuis qu’elle existe.

Mais pas l’Humanité!

Car, prétendre que l’on organise de sommets, des forums et autres événements plus ou moins spectaculaires pour sauver la Terre est un mensonge ou une prétention emphatique, plus sûrement un moyen de ne pas dire les choses comme elles sont ou tout simplement les regarder vraiment en face.

Oui, c’est bien la survie de l’Humanité qui est en jeu ainsi que celle de tous les autres êtres vivants.

Mais notre Humanité et le monde des vivants dont nous sommes, par notre position, le protecteur, a besoin de multiples sommets pour prendre des décisions qui ont une importance égale aux questions de réchauffement climatique.

Par exemple pour éliminer la faim dans le monde qui est possible.

Ou prendre les mesures pour s’attaquer à la grande pauvreté.

Ou faire en sorte d’empêcher le déclenchement de guerres.

Ou d’organiser nos relations avec les autres espèces.

Voire de coopérer lors d’une pandémie pour la contenir et l’éradiquer dans l’œuf!

Sans oublier de construire une vraie mondialisation dont on rappelle, au passage, à ses ennemis, que le volet économique n’est qu’une des facettes et qu’il n’y a aucune fatalité qu’elle soit dominée par les dogmes néolibéraux.

Quoi qu’il en soit, félicitons-nous de ce sommet «pour le climat» comme nous devons nous féliciter de tous les sommets qui ont pour objet de s’attaquer à des problèmes qui concernent toute l’Humanité et sa préservation afin d’empêcher que nous devenions, à notre tour, «une espèce en voie de disparition»…

Sans doute que les promesses qui sont faites depuis hier par les Etats-Unis, l’Union européenne, la Chine et d’autres participants au «Leaders summit on climate» sont des affichages pour certaines mais elles sont autant de moyens de faire pression pour que ceux qui les ont énoncées les réalisent concrètement.

Et puis, dire les choses, c’est non seulement reconnaitre qu’elles existent mais les porter sur le devant de la scène et indiquer qu’on doit les prendre à bras le corps.

Enfin, se parler est essentiel devant la possible catastrophe climatique qui se profile à l’horizon tout comme c’est essentiel pour tout ce qui menace la vie sur la planète.

Alors, organisons tous les sommets possibles et imaginables avec les principaux dirigeants du monde parce que c’est en multipliant les moyens qui permettent une prise de conscience individuelle et collective que nous pourrons résoudre bien des équations qui semblent insolubles aujourd’hui.

S’il y a bien un domaine où le volontarisme est la clé, c’est bien celui d’une Humanité qui avance ensemble, non pas pour certains de ses membres, mais pour que demain soit meilleur ou, tout simplement, qu’il soit.

Alexandre Vatimbella

 

jeudi 8 avril 2021

Ne pas se tromper de combat en faisant d’un terroriste, un résistant

Je peux défendre l’opprimé qui a un alcoolisme le rendant violent, que son addiction vienne de son oppression ou non.

Mais je le défends par le fait qu’il soit opprimé non par celui qu’il soit brutal et atrabilaire.

Je condamne son oppression mais aussi son alcoolisme violent.

Et c’est là une différence fondamentale entre ses deux états.

Je le défends comme être humain qui ne doit pas subir des inégalités sociales et qui doit bénéficier de la chance de réaliser son projet de vie.

Pas qu’il boive des litres d’alcool par jour ce qui le rend dangereux pour lui et pour les autres.

Pas que son alcoolisme le pousse à battre sa femme et ses enfants.

Même si son alcoolisme provient, en partie, de son oppression.

Parce que d’autres personnes tout autant opprimées n’ont pas choisi de noyer leur désespoir dans l’alcool et de devenir violents envers les autres.

Etre opprimé n’implique pas nécessairement que l’on doive être un alcoolique et que l’on se venge sur les autres qui ne sont pas responsables de votre oppression.

En revanche, je veux bien l’aider dans une cure de désintoxication pour qu’il sorte de cette addiction et qu’il puisse vivre réellement sa vie affranchie de cette contrainte qui l’empêche d’être libre mais aussi d’avoir une vision qui n’est plus biaisée et qui produisent des décisions dangereuses pour lui mais aussi et surtout pour les autres.

Et bien sûr, je veux bien l’aider à ce que cesse son oppression d’où qu’elle vienne.

Même chose pour l’opprimé islamiste radical.

Je condamne son oppression mais aussi la sauvagerie de son engagement sanguinaire.

Je peux entendre qu’il s’est radicalisé en réaction à son oppression mais je ne pourrais jamais accepter qu’il ait choisi cette voie de l’irrespect total de l’autre et des autres.

Parce qu’il n’est pas écrit que l’oppression débouche sur le terrorisme aveugle et le meurtre d’innocents.

Je ne peux excuser d’aucune sorte sa violence en la justifiant par son oppression.

On peut expliquer que l’opprimé se soit radicalisé mais on ne peut jamais le comprendre et le justifier quand il s’attaque aux autres.

Car la violence envers les innocents ne peut se comprendre, ne se justifie jamais.

Le seul combat légitime est bien celui pour une dignité humaine.

Sans même parler du cas où un islamiste radical tente de se faire passer pour un opprimé pour justifier ses actes barbares et abominables ainsi que sa pensée totalitaire mélangée avec sa haine viscérale du genre humain qui lui permet d’assassiner des femmes et des enfants sans aucun remord, revendiquant même avec fierté ses crimes innommables comme nous le montre les déments de Daesh et d’Al Qaida.

Il ne faut pas confondre les combats, pire, faire exprès de le faire.

Il ne faut même pas nuancer sa dénonciation de la violence envers les innocents par l’oppression subie.

C’est ce qui se passe aujourd’hui où certains manient un amalgame qui est une supercherie intellectuelle inadmissible.

Celle-ci est véhiculée par les ennemis de la démocratie républicaine qui démontre que c’est bien cette dernière qui est visée et pas une quelconque lutte émancipatrice, en excusant des atrocités effroyables au nom d’une révolte contre l’exploitation qui prend ici la forme d’une lutte contre une soi-disant oppression tout aussi sectaire que son modèle, la lutte des classes.

Et de faire du terroriste un résistant dans une comparaison scélérate.

Non, un terroriste n’est pas un résistant.

Un résistant se bat contre l’injustice.

Un terroriste se bat pour la créer.

Tout résistant est un combattant pour l’émancipation et la dignité.

Tout terroriste est un combattant qui dénie l’une et l’autre.

Qui peut croire qu’un résistant qui tue un nazi peut être comparé à un terroriste qui tue un spectateur d’un concert rock?

Alexandre Vatimbella

 

mardi 30 mars 2021

La participation démocratique, c’est d’abord un devoir

A l’inverse des régimes autoritaires et totalitaires, la démocratie demande une participation active des citoyens – on ne parle évidemment pas de l’embrigadement forcé qui fut un des marqueurs du fascisme, du nazisme et du communisme.

Cela fait partie de la vertu civique propre à ce système politique.

Ainsi, il ne suffit pas de voter et de respecter la loi – ce qui est déjà de la participation – encore faut-il être au service de la liberté, de l’égalité et de la fraternité pour pouvoir en profiter de leurs bienfaits sur la durée.

Même si des penseurs comme Jean-Jacques Rousseau avaient déjà indiqué cette nécessité d’une implication des citoyens dans la démocratie et que d’autres, à l’instar d’Alexis de Tocqueville, ont observé que plus les citoyens s’impliquent, meilleure est la vitalité d’une démocratie, c’est la pratique et le fonctionnement concret sur le long terme du régime démocratique qui amènent à faire le constat que sans soutien actif, ce dernier ne peut s’enraciner profondément dans les mœurs et reste à la merci de ses ennemis tant intérieurs qu’extérieurs mais aussi d’une destruction venue de ceux-là même qui en profitent, tout simplement par leur méconnaissance de la difficulté de la mise en œuvre du processus démocratique, leur sous-estimation de sa fragilité, issus en grande partie de leur manque d’implication, conséquence de leur absence effective d’une réelle responsabilité dans sa protection quotidienne.

Dès lors, cette participation à l’inverse de ce que prétendent beaucoup, n’est pas un droit, c’est un devoir ou, si elle est un droit, elle est d’abord un devoir.

Et cela change tout quant au principe même de cette notion et de sa mise en œuvre.

Je ne participe pas à la démocratie si je veux mais parce que je dois le faire.

La démocratie est en effet, un régime qui demande la participation du citoyen pour exister et perdurer.

Pourquoi?

Parce qu’elle impose l’adhésion manifeste de celui-ci à son fonctionnement tant dans la décision politique (que ce soit par les élections avec une obligation de vote ou par des mécanismes de démocratie directe bien identifiés), dans l’investissement par des actes (comme un service quel que soit son nom, civique ou citoyen, par exemple) que dans le contrôle des institutions.

Participer à la démocratie n’est pas optionnel, c’est faire sa part de son devoir de citoyen afin de bénéficier de tous ses avantages mais également d’être coresponsable de sa préservation et da bonne organisation ainsi que des décisions prises par les représentants que l’on a élus.

En outre, la démocratie est une démarche fragile, un pari sur l’humain.

Les valeurs, principes et règles démocratiques exigent des capacités et des aptitudes particulières qui doivent être apprises.

Car si l’on n’a pas besoin d’apprendre à être esclave, on l’a d’être un humain libre, de le devenir et de le rester.

Parce qu’utiliser sa liberté nécessite de savoir ce qu’elle est et comment la pratiquer.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la démocratie ne peut vivre qu’avec un puissant et efficace système de formation et d’information de l’individu afin de lui transmettre les connaissances et lui enseigner comment se mouvoir dans le monde.

S’il faut reconnaître que celui-ci a donné des résultats positifs au cours des deux cents dernières années, cela n’a pas suffi à transmettre le savoir et l’agir démocratique à tous mais, également, à impliquer suffisamment le citoyen dans le fonctionnement de la démocratie.

Un des manquements principaux a été de ne pas rendre obligatoire la participation mais de laisser chacun décider s’il voulait ou non participer à la vie publique, par exemple en se présentant à une élection ou en militant dans des associations.

Ceci au nom de la liberté individuelle sans se rendre compte que la liberté, si elle est constitutive de chacun de nous, n’est pas instinctive dans sa pratique sociale où s’impose une procédure particulière avec des règles dont la principale est qu’elle est bornée par le respect de la liberté de l’autre mais aussi des comportements et des usages spécifiques afin de la rendre effective pour tous, d’une part, et qu’elle ne devienne pas de la licence pure et simple, d’autre part.

Or la participation en démocratie ne doit pas être, ne peut pas être optionnelle mais revêt un caractère obligatoire tout simplement parce que ce sont les citoyens qui sont garants de son existence et non une force extérieure comme dans un régime totalitaire qui exige l’obéissance.

Ce sont bien des citoyens majeurs dont la démocratie a besoin.

Le problème est que cette participation du citoyen nécessite, comme on l’a vu plus haut, qu’il soit formé et informé correctement pour faire des choix éclairés, c’est-à-dire qui sont, à la fois, les meilleurs pour lui-même ainsi que pour la communauté.

Or ce n’est pas le cas, actuellement, pour une partie de la population alors même que le système démocratique moderne existe depuis près de 250 ans.

Comment faire dès lors pour parvenir à cette participation qui est la seule qui pérennisera la démocratie républicaine sur le long terme?

Si cela ne pose guère de problème pour ce service civique que chaque citoyen doit accomplir tout au long de sa vie (que ce soit par périodes ou quotidiennement), en revanche, afin de permettre une vraie participation aux décisions politiques et donc une vraie responsabilité dans les choix de la communauté, la question est posée.

Une période transitoire semble nécessaire où un cadre de protection de la démocratie doit être imposé à tous et, dans le même temps, de mettre en place des procédures associant la population dans l’information citoyenne ainsi que dans la décision effective quand cela est possible, par exemple, au niveau local et intermédiaire sans que cela ne remette en cause les piliers sur lesquels est assise l’édifice démocratique.

Mais ce sont bien les générations à venir qui doivent être formées et informées pour que se réalise enfin pleinement l’idéal démocratique et que la notion de participation prenne toute son ampleur et se déploie le plus possible.

Cette participation n’est pas antinomique, ni même opposée au système représentatif qui est la meilleure façon d’avoir, en les élisant, des personnes qui décident de s’investir à plein temps dans la chose publique pour gouverner une communauté, ce qui est d’abord un simple constat utilitariste.

Bien au contraire, elle est la deuxième jambe de la démocratie libérale, tout aussi importante, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui dans aucune des démocraties de la planète même si, ici ou là, des expériences sont tentées ou des bouts de participation existent sans qu’il y ait en place un système organisé et cohérent.

Plus grave, aucun système global, construit et efficace, encadrant la citoyenneté tout au long de l’existence des individus n’existe dans aucun pays du monde alors qu’il aurait été possible d’en élaborer un sur la durée.

Ici ou là, il existe bien des apprentissages, de l’information diffusée, des possibilités de s’investir ou des procédures de contrôle mais rien de coordonner comme l’on avait considéré que l’investissement du citoyen dans la démocratie revêtait pas une grande importance alors même qu’elle est fondamentale.

En outre, il faut bien comprendre que la participation n’a pas de couleur partisane mais est essentielle, même impérieuse, si l’on veut encore parler de démocratie dans les décennies et les siècles à venir.

Enfin, pour ceux qui pensent que la démocratie ne peut obliger les citoyens à agir pour sa protection, ils partagent cette stupide croyance que la liberté n’engendre aucune responsabilité.

Or, c’est tout le contraire, être libre, c’est être responsable donc de participer au régime qui permet cette liberté.

Comme je l’ai souvent dit, avec d’autres, la liberté a un prix et celui-ci comprend d’en être le défenseur, pas seulement l’usager, le consommateur.

Sans oublier que la démocratie ce n’est pas la liberté de la majorité qui pourrait ainsi l’annihiler si elle le désirait mais bien la préservation de la liberté de la minorité même si celle-ci se réduisait à une seule personne.

Et même si aucun citoyen ne voulait cette liberté, aucune décision de la supprimer ne serait légitime pour les générations à venir.

Dès lors, la participation obligatoire n’est pas liberticide, au contraire, c’est elle qui empêche qu’une communauté ne puisse être à la merci de ceux qui veulent la confisquer rien que pour eux.

 Alexandre Vatimbella

 

mercredi 24 mars 2021

Je n’ai qu’un seul ennemi, l’ennemi de l’Amour

Qu’il soit femme, homme ou transgenre.

Qu’il soit blanc, noir, marron, rouge ou jaune.

Qu’il soit chrétien, musulman, hindou, bouddhiste ou autre.

Qu’il soit grand ou petit, gros ou maigre.

Qu’il habite en Europe, en Asie, en Amérique, en Afrique ou en Australie.

Qu’il mange de la viande, qu’il soit végétarien ou végan.

Qu’il écoute de la musique classique, du rock, de la salsa, du zouk, du rap ou du raï.

Quoi qu’il soit et qui qu’il soit, mon seul ennemi est l’ennemi de la démocratie.

Mon seul ennemi est l’ennemi des droits humains.

Mon seul ennemi est l’ennemi du respect de l’humain.

Mon seul ennemi est l’ennemi de la liberté.

C’est celui qui tue ceux qui ne sont pas d’accord avec lui.

C’est celui qui empêche les autres de vivre leur individualité.

C’est celui qui prive les autres de leurs libertés, celle d’aller et venir, celle de dire et d’écrire ce que l’on pense, celle d’aimer ce que l’on veut et qui l’on veut dans le respect de la dignité de l’autre.

Mais mon ennemi c’est aussi celui qui veut diviser plutôt que d’unir, celui qui cherche le conflit plutôt que la concorde, celui qui pratique la haine plutôt que l’amour, celui qui instille la confrontation plutôt que l’harmonie.

Bien sûr, je sais qu’il y a des gens de différentes couleurs.

Je sais qu’il existe du racisme entre ces gens de couleurs différentes, c’est-à-dire l’utilisation par certains de la notion fausse de race pour considérer celui qui n’a pas la même couleur que vous comme un inférieur et une menace.

Je sais qu’il existe des discriminations de certains envers certains.

Je sais qu’il existe des inégalités sociales et sociétales ente les hommes et les femmes, que celles-ci bénéficient depuis longtemps aux hommes.

Je sais qu’il existe un rejet des personnes qui sont LGBTQ+ et que certains les considèrent soit comme des erreurs, soit comme des pervers, soit comme des inférieurs, soit comme tout cela à la fois.

Je sais qu’une femme noire et lesbienne peut, dans des sociétés où la majorité des gens sont d’une couleur différente, cumuler les difficultés dans sa vie à cause du racisme, de l’homophobie et de la misogynie.

Je sais que le colonialisme a toujours été un moyen de domination d’un pays sur un autre même s’il se trouvait certains qui pensaient sincèrement qu’il permettrait d’apporter des améliorations aux conditions de vie de ceux qu’ils allaient coloniser.

Je sais que cette colonisation à travers les millénaires s’est toujours accompagnée de violences et d’asservissement.

Je sais que l’esclavage existe depuis la nuit des temps et qu’il est une des pires abominations que l’humain ait créées quelles que soient les personnes qu’il touche.

Je sais que les violences sexuelles touchent les femmes et les enfants en priorité c’est-à-dire que ce sont des hommes qui profitent d’eux parce qu’ils ont une force physique qui le leur permet.

Je sais qu’il y a des individus et des groupes qui font leur la xénophobie, le racisme, le sexisme, l’inégalité, la stigmatisation des différences et le danger qu’ils représentent.

Je sais tout cela.

Mais je sais aussi que la science a démontré que nous étions tous égaux, que toutes les atteintes, tous les comportements inacceptables décrits ci-dessus n’ont aucune légitimité, aucune raison d’exister et qu’il faut lutter pour les éliminer définitivement.

Mais je sais que, justement, parce que nous sommes tous égaux, tous membres d’une seule et unique humanité que rien ne justifie de monter les uns contre les autres, d’opposer les couleurs, les genres, les individus, les groupes, les peuples, les cultures entre eux.

Je sais donc que ce n’est que par le prisme de l’universalisme, une terre, un peuple, une culture faite de toutes les cultures individuelles que nous devons agir.

Je sais que c’est ensemble que nous y arriverons.

Sinon nous n’éliminerons aucune de ces tares, au contraire, en opposant tous contre tous, nous ne ferons que les porter à leur paroxysme.

Et c’est certainement ce que veulent un certain nombre de ceux qui professent que l’on peut être un bourreau simplement par la couleur de sa peau, son identité sexuelle ou son pays de provenance et, à l’inverse, que l’on est toujours une victime simplement par les mêmes critères mais inversés.

C’est certainement ce que veulent ceux qui ont comme projet d’abattre la démocratie, de supprimer la liberté et de supprimer physiquement tous ceux qui ne sont pas d’accord avec eux.

En ces temps où la division et la stigmatisation de l’autre, celui qui est différent, est à nouveau le cri de ralliement de tous les haineux et à l’honneur de toutes les idéologies d’exclusion, mon seul ennemi est l’ennemi des valeurs démocratiques et républicaines.

Mon seul ennemi est l’ennemi d’un genre humain uni, solidaire, tolérant et respectueux de tous ses membres.

Mon seul combat est celui de l’universalisme humaniste, celui de l’Amour, cette unique base du vrai respect des hommes et des femmes entre eux et les uns pour les autres..

Alexandre Vatimbella

 

lundi 1 mars 2021

Le populisme est la négation de la démocratie

Si la démocratie est définie par la formule un peu trop lapidaire (il faut y ajouter ce qu’en disait Albert Camus: «la démocratie ce n’est pas la loi de la majorité mais la protection de la minorité») mais néanmoins puissante du président américain Abraham Lincoln, comme «le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple», dans sa dérive populiste, elle devient ce que l’écrivain Irlandais Oscar Wilde pensait de ce régime, «l’oppression du peuple par le peuple pour le peuple»

Dans le premier cas, l’individu s’y retrouve, pas dans le deuxième.

Et, pour Wilde, cette situation imposait la révolte de l’individu.

Non pas celle des populistes – qui n’est en fait qu’une litanie d’insultes suivie, parfois, d’émeutes violentes – mais de ces personnes libres qui refusent le diktat de la foule qui veut régir et assujettir tous les esprits affranchis parce qu’elle ne supporte pas les différences même si elle prétend se révolter contre un Léviathan mais qu’en fait elle veut simplement en prendre la direction pour ses propres fins.

On le constate tous les jours dans les pays qui ont installé par les urnes des populistes au pouvoir comme le Brésil, l’Inde ou la Hongrie (et, bien entendu, les Etats-Unis pendant la présidence de Trump) où les attaques continuelles contre l’Etat de droit démocratique ont pour but de museler tous ceux qui ne pensent et ne votent pas «correctement» avec leur stigmatisation et leur érection en boucs émissaires de tous les tourments possibles et imaginables.

De mauvais citoyens en quelque sorte.

On le constate dans les différents mouvements populistes qui ont vu le jour ces dernières décennies et qui n’étaient ni plus ni moins que la négation de la démocratie et non pas comme certains le prétendent dans des thèses abscondes, des rappels démocratiques voire des approfondissements de la démocratie.

A moins que selon eux la démocratie ne soit un grand carnaval permanent où l’on a le droit de faire n’importe quoi, de se prendre pour n’importe qui et d’agir en toute impunité en s’en prenant à tous ceux que l’on considère comme les «responsables» d’un monde que l’on fuit plutôt que de le bâtir pour qu’il soit meilleur.

Les slogans éructés lors des manifestations des gilets jaunes ou de l’assaut du Capitole n’ont rien d’une demande de plus de démocratie, n’ont aucun élément équivoque qui pourrait laisser penser à un message subliminal en la matière.

Pendre le président français ou le vice-président américain ne semblent pas des revendications qui l’a font avancer!

A tout le moins ce sont des avertissements sur l’irresponsabilité, l’immaturité et la dangerosité d’une partie de la population.

D’où des mesures urgentes qui passent, d’abord, par la neutralisation des séditieux qui veulent détruire la démocratie – la justice américaine semble plus efficace en la matière que la française –, ensuite, par toute une série de mesures de moyen-long terme sur la formation et l’information citoyennes pour enfin les sortir de leur obscurantisme qui se nourrit d’élucubrationisme (complotisme), d’ignorance et de haine.

A l’inverse du populisme qui a besoin d’un individu le moins formé et informé possible et qu’il déresponsabilise en lui faisant d’abord adopter une posture de revendications irréalisables, d’oppositions systématiques et de négation des réalités pour ensuite, une fois le pouvoir acquis, le diluer dans une masse informe de partisans marchant au pas, la démocratie, elle, a besoin de son adhésion effective et concrète en le faisant participer à son fonctionnement ce qui signifie d’impliquer sa responsabilité dans la décision politique prise et de lui faire accomplir un service civique, c’est-à-dire littéralement de rendre service à la communauté de laquelle il reçoit des droits mais qui également lui enjoint des devoirs de solidarité.

In fine, le but d’un régime populiste, c’est bien de faire du «peuple», un objet, alors que celui d’un régime démocratique, c’est de faire des individus, des citoyens actifs, des sujets.

Sans se leurrer qu’il y aura toujours des ennemis de la démocratie et qu’une partie d’entre eux sont les populistes.

Croire qu’il peut y avoir alliance entre les démocrates et les populistes, pire, que les populistes peuvent être une sorte de révélateur ou d’avant-garde qui permet à la démocratie un examen de conscience puis une régénération qui apportera un approfondissement de ses pratiques sont des vues de l’esprit, des fantasmagories coupables parce qu’elles donnent une légitimité à des gens qui instrumentalisent cette démocratie à des fins partisanes et surtout pour la détruire de l’intérieur.

D’ailleurs, l’on peut même dans ce contexte, rapprocher la définition de Lincoln de celle de Wilde.

Si le pouvoir est donné au «peuple», notion que dénie par exemple Hans Kelsen comme légitime parce que ne recouvrant pas la diversité de ses constituants, alors il est possible à celui-ci de l’utiliser comme oppression à ceux qu’il considère comme ne faisant pas partie de cette communauté.

 D’où le contrôle de ce peuple dans ses dérives par la protection de la liberté et du respect de la dignité de chacun qui empêche la majorité d’asservir la minorité.

Encore une fois, il faut écouter les aboiements des gilets jaunes et des partisans de Trump contre tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux dans cette formule totalitaire bien connue «qui n’est pas avec moi est contre moi».

Le populisme est une tare de la démocratie, une déviance qui ronge celle-ci avec des crises plus ou moins fortes à périodes répétées avec le risque que l’une d’elles emporte tout l’édifice patiemment construit.

C’est pourquoi il est, avec l’extrémisme, le repoussoir indiscutable de tous les démocrates.

 

Alexandre Vatimbella