vendredi 25 avril 2025

Ça veut dire quoi «démocratie» aujourd’hui

Le terme «démocratie» a toujours fait l’objet de définitions différentes, de controverses, d’instrumentalisation (comme les fameuses «démocraties populaires» de l’Est sous le joug alors de l’URSS) ou de catégorisation discutable et discutée (comme les désormais et soi-disant «démocraties illibérales»).

Dès lors, il n’est pas illégitime de se demander qu’est-ce qu’une démocratie aujourd’hui.

En partant de l’origine c’est un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, une définition donnée à Abraham Lincoln lors de son adresse aux morts sur le champ de bataille de Gettysburg lors de la guerre de Sécession (Guerre civile pour les Américains).

Elle était une sorte de définition moderne de ce que les philosophes grecs à l’instar d’Aristote qualifiaient de démocratie.

Encore faut-il ajouter que Lincoln parlait alors de la seule démocratie de la planète qui était celle étasunienne et qui était une démocratie représentative et non directe, cette dernière étant la seule véritable démocratie selon ses défenseurs à l’instar de Rousseau, même si celui-ci concluait qu’elle était impossible à mettre en œuvre.

Mais c’est cette démocratie républicaine libérale qui est devenue le modèle de ce que l’on a appelé jusque récemment une démocratie.

Bien sûr, il existait des variantes mais, globalement, en utilisant le terme «démocratie», on parlait de la même chose, d’une société libre qui défendait des valeurs humanistes.

Cependant, on voit déjà que cette définition moderne issue surtout de la Révolution française et des Lumières, ne concernait plus seulement une «technique» de gouvernement celle «du peuple, par le peuple et pour le peuple».

On y avait ajouté tout un corpus, au fil du temps avec des déclarations des droits de l’humain, des éléments de «démocratie sociale», etc.

Sauf que, en ce 21e siècle, après l’instrumentalisation par les régimes communistes du terme «démocratie» affublée d’un adjectif «populaire» au 20e, on a vu apparaître la démocratie «illibérale».

Celle-ci est un oxymore si l’on prend ce que l’on entend par démocratie au sens large mais qui ne l’est plus si l’on s’attache uniquement à la démocratie en tant que technique électorale et gouvernementale.

Car, à part le fait que le peuple élit des représentants qui gouvernent son nom et pour son intérêt, rien ne concerne alors le respect de quelques valeurs, principes ou règles autres et notamment tout ce qui a à voir avec l’humanisme.

C’est pourquoi il est sans doute important de procéder à une actualisation du terme «démocratie».

Soit on considère qu’est une démocratie, un pays qui organise des élections plus ou moins libres pour élire des représentants qui gouverneront en son nom, donc qu’il s’agit uniquement d’un système électoral qui permet au peuple de voter pour ceux qui vont le représenter et gouverner à sa place.

Soit on considère qu’est une démocratie, le pays qui développe le «projet démocratique» qui ne limite pas à élire des représentants mais qui est un corpus de valeurs, de règles et de principes qui visent à l’émancipation des individus en les transformants en des citoyens qui ont des droits et des devoirs et qui bénéficient du respect de leur dignité et de leur individualité dans le cadre d’une société sous l’égide de la liberté, de l’égalité et de la fraternité et régit par l’Etat de droit.

Si l’on opte pour la première définition, il est urgent de rebaptiser la démocratie du projet démocratique et j’ai déjà, à plusieurs reprises, estimé qu’il faudrait alors l’appeler «respectocratie» ou «dignitocratie».

Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit nullement de s’amuser à trouver des nouveaux noms pour le plaisir mais il est primordial, surtout en démocratie, de bien nommer les choses et de ne pas laisser la place à l’ambiguïté qui permet souvent aux adversaires des valeurs humanistes de semer le trouble sur ce que sont les véritables objectifs de leurs propres desseins.

Et si la démocratie peut être tout et son contraire, elle sera forcément perdante à terme.

Alexandre Vatimbella

 

 


mercredi 16 avril 2025

Ne jamais accepter que l’enfant soit un produit

Vous voulez un enfant?

Pas de problème, on vous en prépare un et allez payer votre commande à la caisse.

Est-ce une fantasmagorie d’un esprit dérangé ou une scène d’un futur trop proche?

Au-delà de la PMA (procréation médicalement assistée) ou de la GPA (gestation pour autrui), on nous dit qu’il sera possible un jour de «fabriquer» un enfant grâce à des «utérus-machine».

Réalise-t-on que toutes ces «fabrications» dans lesquelles j’inclus la PMA et la GPA changent irrémédiablement le statut de l’enfant qui passe d’être humain à produit humain?

Dire cela semble totalement exagéré et d’une simple volonté polémiste en stigmatisant tous ceux qui ont recours à la PMA, autorisée en France, et à la GPA, encore interdite.

Pourtant, en éliminant l’aspect de devenir parent qui est la motivation de ceux qui les utilisent, la fabrication d’un enfant sur demande par des moyens «non-naturels» (puisqu’il faut l’intervention de techniques) pose bien la problématique de l’«enfant-produit».

On peut même ici rapprocher les règles d’adoption en cours dans certains pays, c’est-à-dire la possibilité pour les adoptants de renoncer à l’adopté si celui-ci n’est pas conforme à leurs désirs après un essai grandeur nature, comme c’est le cas aux Etats-Unis!

Or, un produit n’est pas un être.

C’est tellement vrai que l’on a changé le statut de l’animal qui n’est heureusement plus un «objet» mais bien un être vivant auquel s’attache des droits.

Ce questionnement n’est pas d’un autre âge mais bien du notre.

Si l’espèce humaine était mue par la sagesse et l’amour, celui-ci serait sans doute sans fondement.

Mais tel n’est pas le cas.

Tous les dérapages sont dès lors possible.

Ayons seulement en tête une des motivations des natalistes qui demandent aux femmes de procréer afin soit de payer nos retraites, soit de «fabriquer» de futurs soldats qui seront envoyés à la boucherie par des régimes souvent mus par autre chose que les valeurs humanistes.

Ainsi, actuellement, la dictature en place en Russie prend des mesures restrictives pour empêcher les femmes de ne pas avoir d’enfants et afin d’encourager les naissances sans d’ailleurs se cacher que les futurs bébés iront au front et tomberont au champ d’honneur pour les rêves impérialistes de Poutine et ses successeurs.

On comprend quel intérêt peut représenter pour un tel régime un «utérus-machine»…

On s’indigne de ce que Poutine – c’est aussi le cas de Xi en Chine – veuille faire des femmes des «usines à enfants» mais moins que ces enfants ne sont conceptualisés par ce même Poutine que comme des produits, de la chair à canon.

Nos sociétés dites «avancées» ont choisi pour la grande majorité de légaliser la PMA alors que la GPA demeure interdite, notamment en France.

C’est un choix qui se base d’abord sur le désir d’enfant et non sur l’intérêt de ce dernier.

Néanmoins, on peut concevoir que ce désir – à la base d’une grossesse survenue naturellement et voulue par une femme – empêche de considérer que cet enfant à naître est un produit mais bien un être dans le cas de la PMA d’autant qu’il n’existe pas de transaction à titre gratuit ou payant comme c’est le cas pour la GPA.

Ainsi, si nous voulons demeurer dans le cadre des valeurs humanistes, seule la PMA est acceptable.

Pour en revenir à cet «utérus-machine» qui aujourd’hui n’est encore qu’un «utérus artificiel» non-encore utilisé chez les humains et qui permettrait seulement à une grossesse en cours qui connait des problèmes de pouvoir se poursuivre dans un environnement externe à la femme, il n’est qu’une étape de ce que la science et la technologie pourront sans doute réaliser à l’avenir et dont la problématique fondamentale est de savoir jusqu’où peut-on aller, à quel moment le bébé à naître sera «déshumaniser» grâce au «génie» humain.

Un moment de bascule qui ne doit jamais survenir.

Alexandre Vatimbella

 






vendredi 11 avril 2025

Soyons digne de la dignité humaine

Il n’y a pas de sujet politique plus important que la dignité de l’individu pour concevoir un projet politique humaniste qui respecte chaque individualité dans le cadre d’une communauté où les valeurs essentielles pour son épanouissement – liberté, égalité, fraternité, respect—peuvent alors réellement œuvrer au profit de la reconnaissance de l’un et d’un collectif harmonieux.

La dignité auquel à droit l’humain dans une société d’humains, c’est l’impérative protection de son intégrité physique et psychologique, c’est le respect catégorique de son individualité et de ses différences et c’est la reconnaissance de sa personne par autrui.

Sans protection absolue de cette dignité aucune des valeurs précitées ainsi que des principes et des règles démocratiques ne peuvent exister réellement. 

A quoi sert-il de promettre la liberté et l’égalité à quelqu’un à qui on dénie sa dignité?

Alors, bien sûr, partout on promet de la respecter.

Que ce soit dans la Déclaration universelle des droits humains de l’ONU ou dans la Charte européenne des droits fondamentaux de l’Union européenne (*) ainsi que dans des Constitutions comme celles de l’Allemagne, de la Suisse ou de la Belgique ou dans des lois dans nombre de pays. 

En France, une décision du Conseil constitutionnel en a fait «un principe à valeur constitutionnelle» depuis 1994. 

Encore faut-il que les actes suivent les promesses. 

D’autant que tout le monde n’est pas d’accord sur la définition de cette dignité et que certains remettent même en cause sa prééminence voire son importance. 

On va même jusqu’à prétendre que la dignité serait indigne parce qu’elle est instrumentalisée par des groupes identitaires, religieux ou politiques pour défendre leurs droits à une «différence» qui serait contraire aux valeurs humanistes.

Mais rappelons une énième fois que ce n’est pas parce que des idéologies détournent des mots, des idées et des concepts que ceux-ci sont à bannir.

Il faut se battre contre ces détournements pas contre le mot lui-même.

Et disent une partie de ses défenseurs, encore faut-il la mériter, son respect n’est pas donné à tout individu.

On peut adhérer à cette conditionnalité de la dignité humaine.

Mais cela n’enlève rien à ce qu’elle soit le fondement général même si quelques exceptions peuvent exister, non pas à la naissance, mais du fait d’agissements au cours de l’existence qui pourraient justifier que cette dignité soit retirée à certains personnages qui ont bafoué celle des autres de manière importante et systématique.

De ce point de vue, tout être humain bénéficie automatiquement du respect de sa dignité au moment de sa venue au monde et il ne doit pas justifier de quoi que ce soit pour qu’elle lui soit accordée tout au long de sa vie s’il ne commet pas des actes barbares qui remettent en cause celle des autres.

Toujours est-il qu’une dignitocratie est l’étape supérieure de la démocratie.

Au moment où cette dernière est attaquée et que les valeurs humanistes sont de plus en plus contestées, établir une société sur la dignité de l’humain serait le moyen le plus consistant pour, d’une part, barrer la route aux extrêmes dans les pays démocratiques et refouler les tentatives des régimes autocratiques et totalitaires de devenir le modèle sociétal et, d’autre part, de travailler à concrètement réaliser le projet démocratique qui ne s’est jamais limité à des élections populaires mais dont l’objectif est d’installer un régime dont la finalité est le respect de la personne ainsi que l’opportunité et la potentialité pour celle-ci de réaliser son projet de vie dans le meilleur environnement possible.

Le moment est là, ne le laissons pas passer.

Soyons dignes de la dignité humaine.

Alexandre Vatimbella


(*) > Charte des droits fondamentaux de l’Union européennes:
Titre I: Dignité
Article 1
Dignité humaine
La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée.
Article 2
Droit à la vie
1. Toute personne a droit à la vie.
2. Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté.
Article 3
Droit à l'intégrité de la personne
1. Toute personne a droit à son intégrité physique et mentale.
2. Dans le cadre de la médecine et de la biologie, doivent notamment être respectés:
a) le consentement libre et éclairé de la personne concernée, selon les modalités définies par la loi;
b) l'interdiction des pratiques eugéniques, notamment celles qui ont pour but la sélection des personnes;
c) l'interdiction de faire du corps humain et de ses parties, en tant que tels, une source de profit;
d) l'interdiction du clonage reproductif des êtres humains.
Article 4
Interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Article 5
Interdiction de l'esclavage et du travail forcé
1. Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude.
2. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire.
3. La traite des êtres humains est interdite.

> Déclaration des droits humains des Nations Unies
Préambule
Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. (…)
Considérant que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, et qu'ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.
Article premier
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
Article 22
Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays.

Article 23
(…)
3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale. 

 

 






jeudi 10 avril 2025

Quant les extrêmes et populismes brouillent à dessein les repères démocratiques pour attaquer la démocratie

Condamnée pour détournement de fonds, Marine Le Pen, l’extrémiste populiste a osé se présenter en victime en citant pour sa défense Montesquieu, le chantre de la modération et l’adversaire déterminé de tout ce qu’elle représente!

Cette indécence n’est pas isolée, bien au contraire.

Auparavant les extrêmes et les populismes critiquaient la démocratie républicaine libérale, ses principes et ses valeurs en proposant clairement un autre projet autocratique ou totalitaire.

Mais s’il s’agit toujours de mettre en place un régime liberticide, cette stratégie a été remplacée par une autre, bien plus pernicieuse, qui est de critiquer la démocratie républicaine libérale en instrumentalisant contre elle ses propres principes et valeurs.

Ainsi, leurs représentants s’offusquent sans cesse de «dénis de la démocratie», d’«atteintes aux libertés», de «justice aux ordres», d’«absence de liberté de la presse» et ainsi de suite qu’ils subiraient.

Dès qu’il y a une attaque ou une condamnation contre eux, les extrémistes et populistes se présentent en persécutés de l’intolérance et d’une mise au pilori inacceptable.

Trump use et abuse de cette posture que Le Pen a repris lors de son procès et de sa condamnation.

Ce brouillage est un grave danger pour la démocratie républicaine libérale et doit être combattu avec une célérité sans faiblesse.

Bien sûr parce qu’il salit le projet démocratique.

Surtout parce qu’il instille une méfiance voire une défiance vis-à-vis d’une démocratie qui ne remplirait pas sa mission.

Loin de là de prétendre que les régimes démocratiques fonctionnent parfaitement.

Mais faire croire que leurs adversaires sont des opprimés qui subissent un traitement antidémocratique alors même qu’ils prônent leur destruction, inverse les valeurs et introduit une confusion d’où sont issues ensuite fake news et élucubrationismes (théories complotistes).

Il faut donc saisir toutes les occasions de dénoncer cette stratégie et ne pas laisser s’installer un doute qui ne peut que profiter aux extrémistes et populistes.

Alexandre Vatimbella

 

 


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