jeudi 24 octobre 2024

La crédulité, le danger totalement sous-estimé qui risque de détruire la démocratie

Qui aurait pu prédire que la crédulité serait une des plus grandes sinon la plus grande menace que la démocratie doivent affronter en ce début de troisième millénaire?

Quand internet est arrivé, tout le monde s’est réjoui de l’existence d’un outil aussi formidable qui allait permettre la convivialité, la rapprochement entre les personnes et, plus que tout, de diffuser culture et savoir auprès de la population.

Les fake news et les élucubrationismes (théories complotistes), s’ils n’étaient pas oublié dans ses possibles dérives furent néanmoins totalement sous-estimés.

Or, aujourd’hui c’est parce qu’une partie importante de la population croit aux mensonges et aux détournements de la réalité diffusés principalement sur le web que la démocratie est en danger.

Sans cette crédulité constamment nourrie et affermie pas de Trump à la Maison blanche et peut-être bientôt de retour, pas de Le Pen au porte de l’Elysée, pas de Mélenchon et de sa déstabilisation des institutions, pas de Johnson et de son Brexit et ainsi de suite.

Bien sûr cette capacité à croire n’importe quoi existe depuis toujours.

Elle a même permis à des Hitler ou des Mussolini d’accéder au pouvoir par le vote.

Mais elle n’avait pas envahi à ce point-là l’espace démocratique en le gangrénant à l’extrême.

Surtout, la crédulité, au lieu de lentement décliner au fil des ans et de pratique de la démocratie, a connu une expansion sans pareille, se répandant de plus en plus.

D’où la constatation d’un échec du projet démocratique dans sa mission de faire éclore un citoyen bien formé et correctement informé donc responsable et raisonnable.

Le plus inquiétant dans l’affaire semble que la crédulité et sa marche triomphale ne semble pas pouvoir être endiguée.

Mais une des raisons est sans doute que les moyens pour la combattre sont encore bien trop faibles.

Car c’est bien en investissant massivement dans les organisations de formation et d’information, telle l’école ou le service public d’information, que l’on pourra lutter efficacement contre ce mal qui ronge la démocratie, affaiblissant ses fondations.

S’il en est encore temps, c’est sans doute la tâche la plus urgente à mettre en œuvre dans tous les pays démocratiques.

Sauf à considérer que la crétinerie est une donnée intangible des peuples et qu’elle constitue un atavisme majoritairement implanté chez les individus.

Alexandre Vatimbella

 

 

jeudi 17 octobre 2024

De la considération des enfants prodigues de la démocratie

Jésus nous convie, dans sa célèbre parabole à l’instar du père qui accueille avec joie le retour de son fils prodigue qui a dilapidé sa fortune, à ouvrir nos portes et nos cœurs à ceux qui ont commis une erreur et qui reviennent au bercail alors même que son autre fils était demeuré fidèle à son père.

Extrapolons et demandons-nous si la démocratie doit en faire de même avec ceux qui l’ont «dilapidée», c’est-à-dire qui l’ont trahie et combattue ainsi que ses valeurs.

Est-ce que la démocratie doit être aussi généreuse envers ceux qui voulaient sa destruction, qui ont agi en ce sens et qui ont menacé la liberté des autres, ceux qui lui sont restés fidèles?

Doit-elle seulement les considérer comme des «égarés» qui retrouveront le bon chemin quand, éventuellement, ils s’apercevront qu’ils ont choisi les mauvais?

Si l’on doit se réjouir à chaque fois que les idéologies populistes et totalitaires perdent des adeptes qui (re)viennent dans le giron de la démocratie, doit-on comprendre et excuser leur «égarement» qui a menacé son existence?

Est-ce que militer et/ou voter pour les extrêmes et les populismes doit vous bannir à vie de la famille des démocrates ou doit-on faire en sorte de dissocier l’adhésion et l’adhérent – et les raisons de son adhésion – en condamnant la première et en tentant de convaincre le second de son erreur?

Ici, tout dépend des actes qu’il a commis lors de ce militantisme ou ce compagnonnage.

A ce titre, rappelons que seuls les membres du parti nazi allemand qui étaient des criminels ou des complices de ceux-ci ont été poursuivis après la Deuxième guerre mondiale.

Tous les Allemands (et Autrichiens) qui ont suivi Hitler du tout début de son accession au pouvoir jusqu’au bout du bout et l’ont adulé n’ont pas été inquiétés.

Ne sont-ils pas pourtant des complices tout aussi dangereux car ayant voté pour un parti qui cachait peu ses intentions puis soutenu un régime criminel lui permettant de commettre ses méfaits et son génocide?

Beaucoup d’ailleurs ne se sont jamais repentis et ont toujours adhéré à l’idéologie national-socialiste après la guerre.

N’oublions jamais ce sondage réalisé par l’armée américaine en 1945 où, dans un pays totalement dévasté et génocidaire du fait de la folie d’Hitler et de ses comparses, une majorité d’Allemands estimaient que le nazisme était un bon régime mais «mal appliqué»…

Comment alors considérer ceux qui sont des soutiens aux partis extrémistes dont les objectifs sont la destruction de la démocratie républicaine libérale?

Doit-on tenter de les convaincre de leur égarement en les ménageant, doit-on les combattre sans merci tant qu’ils sont les enfants prodigues de la démocratie ou doit-on les exclure définitivement de la communauté démocratique?

Beaucoup de politiques ne veulent pas stigmatiser cet électorat des partis dont l’idéologie est soit populiste, soit totalitaire, soit les deux.

Pour eux leur égarement n’est pas un pécher capital, seulement une simple erreur.

De fait, ils ne les excluent pas de la communauté démocratique.

C’est-à-dire qu’ils leur permettent d’agir et de parler pour défendre ces idéologies liberticides et irrespectueuses de la dignité de l’individu au nom de la liberté elle-même.

En agissant ainsi ne commettent-ils pas une grave erreur qui atténue leur acte d’adhésion au populisme ou au totalitarisme, ce qui d’ailleurs peut inciter d’autres à les rejoindre?

Car ceux qui, en responsabilité, décident de combattre la démocratie républicaine libérale ne peuvent être considérés comme de simples «égarés».

Ils ont choisi librement ce combat et la violence qui va le plus souvent avec en déniant que les valeurs humanistes portées par ce régime sont les seules qui respectent la dignité de chaque individu et qui permettent de vivre dans une société de paix et de concorde avec comme devise «liberté, égalité, fraternité».

Leur proposer la rédemption gratuite et le pardon automatique quand ils se seront rendus compte de leur égarement est un bien mauvais message envoyé à tous ceux qui franchissent la ligne de la démocratie puisqu’ils ne seront pas tenus de rendre des comptes.

Ainsi, tout engagement produit des conséquences qui ne peuvent être passées par pertes et profits.

Bien sûr, la démocratie républicaine libérale n’est pas un régime qui exclut.

Au contraire, celle-ci s’établit sur le consensus et l’acceptation de tous.

Mais peut-on accepter qu’elle nourrisse elle-même de par ses valeurs, ses principes et ses règles ses ennemis au nom même de ses valeurs, de ses principes et de ses règles?!

Si tel est le cas, elle demeurera toujours d’une extrême fragilité.

Cependant, si elle agit pour se protéger, elle sera sur une ligne de crête quant à ses valeurs, ses principes et ses règles.

Néanmoins, elle ne peut demeurer sans réaction au risque d’être détruite par ses ennemis de l’intérieur.

Ce dilemme, la démocratie voulait le régler en «créant» le citoyen, celui qui serait responsable de sa vie ainsi que de sa communauté et respectueux de la dignité de l’autre et de son individualité, en émancipant l’individu par le savoir.

Si cela a été un succès pour une partie de la population des pays qui vivent sous son régime, l’échec est une réalité pour une autre partie.

Dès lors, pour protéger et sanctuariser les droits «naturels» de la personne, la démocratie doit se défendre face à ses enfants prodigues et bien leur signifier que leur départ de la communauté démocratique a un prix.

En tout cas, ce débat doit être ouvert avant qu’elle ne disparaisse.

Et c’est urgent.

Alexandre Vatimbella

 

 

jeudi 3 octobre 2024

Quand Harris symbolise le succès de la démocratie, Trump étale son échec

Au-delà de leurs personnalités, de leur affiliations partisanes et de leurs programmes Kamala Harris et Donald Trump sont les deux faces de la réalisation du projet démocratique.

Le succès, du côté de la démocrate et l’échec de celui de Trump.

Le succès ce sont des citoyens éveillés et responsables qui ont bénéficié du fonctionnement de la démocratie et de sa volonté émancipatrice de l’individu.

L’échec ce sont des personnes incapables de conceptualiser et de formaliser leur intérêt et irresponsables parce qu’ils n’ont pas bénéficié des bienfaits du projet démocratique.

Pour tous les esprits chagrins, évidemment que tout n’est pas aussi simple, que des mélanges à la marge peuvent exister et qu’il y a, par exemple, chez ceux qui soutiennent Trump des gens qui, ayant bénéficié des bienfaits du projet démocratique, savent très bien pour quoi et pour qui ils votent, un projet à relents totalitaires et un dictateur dans l’âme.

Et vice versa.

La thèse défendue ici c’est que si le projet démocratique avait réellement été un succès pour l’ensemble d’un peuple vivant sous un régime démocratique, alors n’existerait pas dans la sphère politique des personnages comme Trump et, surtout, n’existeraient pas de fan(atique)s et électeurs qui les soutiendraient.

Cette distinction, par ailleurs, vaut également pour d’autres oppositions entre des partisans et des ennemis de la démocratie dans d’autres pays du monde.

En France on peut ainsi opposer les partisans d’Emmanuel Macron à ceux de Marine Le Pen.

Il ne s’agit pas ici de dire qu’il y a des intelligents face à des crétins, ni même de stigmatiser ceux qui soutiennent des extrémistes et des populistes.

Là n’est pas le propos

Il est de faire un état des lieux de la promesse démocratique.

Quelle était-elle au moment où se sont fondés les États-Unis puis lorsque s’est déroulée la Révolution française?

Il s’agissait de mettre en place un régime de personnes égales, bénéficiant de la liberté et capables de prendre des décisions responsables pour leur existence afin de bâtir leur projet de vie tout en vivant dans une communauté où le respect de la dignité de l’individu serait la règle d’or.

Pour cela, il fallait mettre en place toute une organisation dont l’architecture reposait sur des institutions capables de créer une personne à qui l’on procurerait lors de sa jeunesse la sécurité et l’enseignement nécessaires afin d’en faire un citoyen responsable à l’âge adulte où il aurait à sa disposition les outils et les droits ainsi que les devoirs pour exercer sa citoyenneté.

Or si une partie de la population d’un pays démocratique a pu bénéficier de cet environnement, tel n’est pas le cas d’une autre partie qui n’est pas capable de prendre en main sa vie en utilisant ses droits et remplir ses devoirs parce qu’elle n’a pas bénéficié de ce même environnement.

Ce n’est pas seulement une question de richesse et de statut social ou d’intelligence, bien que cela entre en compte, mais aussi de l’incapacité des institutions démocratiques à remplir leur rôle convenablement soit par des défauts structurels, soit par un manque de moyens matériels d’y parvenir.

L’échec du projet démocratique c’est aussi l’échec de la société qui n’a pas été à la hauteur de l’objectif émancipateur de l’individu.

C’est également la faillite d’une partie des gouvernants qui ont agi plus pour des motifs clientélistes que pour le bien commun, plus pour une ligne partisane égoïste que pour le bien de chaque individu.

Car la démocratie aurait du être le socle sur lequel les visions divergentes peuvent s’exprimer, ce qui signifie que la mise en place de son projet aurait dû être et devrait être la première des priorités, ce qui n’a jamais été le cas.

L’exemple de la formation du citoyen est à ce titre emblématique avec une école chargée de la transmission du savoir et de l’enseignement de l’individu qui jamais n’a bénéficié des moyens notamment matériels pour réussir sa mission pour tout le monde.

Elle a bien sûr permis l’excellence mais aussi produit la marginalisation et le fiasco.

Sans parler de l’information disponible pour éclairer le citoyen du monde dans lequel il vit et qui est complètement phagocytée par des intérêts commerciaux et/ou idéologiques avec un service public totalement en déshérence ou noyauté par des organisations partisanes.

Est-on alors surpris que ce soient les moins diplômés et les laissés pour compte de l’école ainsi que ceux qui se gavent de fake news et croient dur comme fer aux thèses élucubrationistes (complotistes) qui votent majoritairement pour Trump?

En ce début de troisième millénaire, force est de reconnaître qu’à côté d’une réussite certaine, le projet démocratique a échoué à bâtir une société de liberté, d’égalité et de dignité pour tous.

Et c’est ce qui déstabilise l’ensemble des démocraties de la planète parce que celles-ci en n’ayant pas réussi à émanciper l’individu, ont assis leur légitimité sur une offre des moyens d’un confort matériel alors que celle-ci concerne le système économique et financier.

Et, dès lors qu’elles ne parviennent plus ou moins bien à contenter les besoins et les désirs matériels de la population, celle-ci estime que c’est la démocratie qui faillit alors même que ce n’est pas son objectif premier.

Peu importe, d’ailleurs, pour cette population que les substituts à la démocratie, les régimes autocratiques et totalitaires, y réussissent encore moins bien sur la durée.

En se retrouvant dans les difficultés matérielles, un individu, qui plus est, est un laissé pour compte du projet démocratique, est alors prêt à écouter tout bonimenteur populiste et démagogue qui lui promet le paradis sur terre et la destruction d’un régime qu’il associe faussement à sa condition.

Peut-on encore espérer une victoire de la démocratie moderne au bout de près de 250 ans de fonctionnement parfois chaotique?

La réponse à cette question est loin d’être simple.

Car la démocratie semble à un moment-clé de son existence.

Ou elle parvient à mettre le moyens nécessaires pour réaliser effectivement son projet pour le plus grand nombre, ou elle sera menacée constamment de disparition avec le risque réel de vraiment disparaître.

Mais cela nécessite une véritable révolution des institutions de la démocratie républicaine puis, ensuite, du temps que prendra la réelle mise en œuvre du projet démocratique pour tous.

Si le premier acte est possible, plus le temps sera long pour émanciper l’individu et en faire un citoyen responsable, plus la démocratie sera à la merci de ses ennemis.

Un deuxième mandat de Trump et la défaite d’Harris serait une nouvelle étape vers la catastrophe démocratique.

 

Alexandre Vatimbella

 

 

mardi 1 octobre 2024

Le nécessaire dépassement de la démocratie

Dépasser la démocratie alors que celle-ci est l’objet d’attaques incessantes pour la supprimer et que l’ensemble du projet démocratique est loin d’avoir été mis en place de manière pérenne et, surtout, à être inclus dans le comportement des individus et des peuples qui vivent sous son régime sans oublier que nombre de ses mécanismes ne fonctionnent pas correctement, semble être une fuite en avant et un refus de voir cette réalité.

Avant de la dépasser, ne faut-il pas tout simplement la mettre en œuvre?

Sauf que le dépassement de la démocratie est une nécessité pour sauver les acquis de la démocratie, surtout pour sauvegarder ses principes et les valeurs humanistes qui sont ses fondements.

En fait, la démocratie doit être conceptualisée comme une étape.

Dépasser la démocratie, en l’espèce, ce n’est d’ailleurs pas discuter ses acquis mais, au contraire, affirmer que ses principes et les valeurs humanistes ne se discutent pas, donc ne peuvent être remis en question et évidemment supprimés.

Dépasser la démocratie, c’est aller au-delà et doit aboutir à fonder une «respectocratie» ou «dignitocratie» qui pose les valeurs humanistes liées à la liberté, l’égalité et la fraternité comme non-négociables par le vote du peuple qui demeure néanmoins le pilier de la représentation politique.

Aujourd’hui, il est possible pour un peuple qui vit dans une démocratie d’élire des gens dont la volonté affichée est de détruire la démocratie et qui peuvent y parvenir en récoltant une simple majorité du vote populaire.

Rien de ce qu’est la démocratie n’est réellement sanctuarisé, même ce qui se trouve dans la Constitution d’un pays car tout est rétractable par la volonté du peuple ou ses représentant.

Or la démocratie est «le» régime naturel car bâtie sur des valeurs qui sont «naturelles», c’est-à-dire qui s’attachent à l’être humain dès sa naissance et qui ne peuvent lui être supprimées car elles sont ce qui le définit comme une personne dont le respect de sa dignité et de son individualité ne sont pas négociables même par une majorité de la population, même par une unanimité de la population (celle-ci ne pouvant oblitérer la condition de personne des prochaines générations).

Si c’est bien la démocratie qui a apporté ces valeurs – et qui refuse la loi du plus fort en étant le régime de la loi du plus faible –, celles-ci sont plus puissantes qu’elle ce qui implique que le peuple n’a aucune légitimité à les ôter à quiconque.

Car la démocratie n’a fait qu’établir un ordre qui est le plus respectueux de l’humain et c’est cet ordre qui est l’essentiel et qui doit être inaltérable.

Bien sûr, pas de naïveté sur la possibilité de forces anti-démocratiques et totalitaires de supprimer par la violence un régime démocratique.

Mais déclarer tout régime qui ne respecte pas les principes démocratiques et ne s’appuie pas sur les valeurs humanistes, illégitime est un acte indispensable pour faire en sorte que le respect de la dignité de toute personne soit le fondement même de la vie en société.

C’est pour cela que ce dépassement humaniste de la démocratie est non seulement indispensable mais également la marche «naturelle» de l’Humanité vers le respect de la dignité de chacun de ses membres car aucune preuve morale ou scientifique n’existe pour justifier l’inégalité d’essence et de condition entre les humains.

Alexandre Vatimbella